Il y a quelques semaines, je discutais avec une amie. Elle me demandait mon avis sur le Toyota bZ4X. Je lui ai répondu qu’il s’agit d’un nouveau véhicule électrique qui doit faire ses preuves, mais que, sur le papier, n’est ni superbe ni mauvais. Il performe adéquatement, mais ne réussit pas nécessairement à faire mieux que certains de ses concurrents, comme les jumeaux Hyundai IONIQ 5 et Kia EV6, notamment.
C’est là qu’elle a réfuté par le fameux « Ouin, mais Hyundai, ce n’est pas comme Toyota! »
En fait, il s’agissait de quelqu’un qui est fidèle aux produits Toyota. Cet amour pour la marque s’est, bien sûr, manifesté après qu’elle a été la propriétaire de quelques modèles de ce constructeur. Ces véhicules lui ont été fidèles grâce à leur grande fiabilité à long terme et à leurs faibles frais d’utilisation. On comprendra donc cette dame de vouloir porter allégeance à cette marque, même si, dans les faits, Toyota n’a pour ainsi dire aucune expérience en véhicules purement électriques, outre des hybrides et hybrides rechargeables. C’est tout le contraire pour Hyundai qui en est à sa troisième génération.
C’est là que j’ai réalisé à quel point le virage vers l’électrique change toute la donne. Tout repart à zéro, agissant comme un gigantesque bouton reset pour toute l’industrie de l’automobile.

Que signifie le luxe dans l’électrique?
J’ai eu une réalisation semblable quand j’ai fait l’essai d’une Mercedes-Benz EQS 580 4MATIC 2022. Je me demandais pourquoi elle coûtait 40 000 $ de plus qu’une Tesla Model S. Vous allez me dire qu’il s’agit d’un vrai modèle de prestige, tandis que la Tesla, elle, est mal construite et clairement non luxueuse!
Mais est-ce vraiment le cas? Car honnêtement, la finition dans une Model S n’est pas si mauvaise que ça. Certes, elle ne présente pas le même degré de flamboyance que l’habitacle ultra lumineux et douillet d’une EQS, mais au moins, son siège arrière est confortable si l’on est grand. Je ne peux pas en dire autant d’une EQS.
La Mercedes vaut-elle réellement 40 000 $ de plus? Pourtant, sur le plan technique, une Model S est clairement plus avancée qu’une EQS. Elle boucle le sprint de 0 à 100 kilomètres/heure en 3,2 secondes seulement (contre 3,7 secondes pour l’EQS) et peut parcourir jusqu’à 652 kilomètres sur une pleine charge. La Mercedes, elle, plafonne à une autonomie de 547 selon les données de Ressources naturelles Canada.

Voilà donc où la question se pose. Que signifie le luxe dans un monde électrique? Est-ce que ça signifie avoir un habitacle plus huppé, ou de proposer une technologie plus avancée? Par le passé, on avait les deux. En fait, si l’on compare une Tesla Model S à une Mercedes-Benz EQS, on constate que maintenant, un ne vient pas nécessairement avec l’autre.
Si l’on recule de 20 ans, on achetait une BMW au lieu d’une Kia parce qu’elle proposait certes un habitacle plus luxueux et une approche de conception mieux réfléchie, mais aussi parce qu’elle arrivait avec des motorisations clairement plus avancées technologiquement, plus de performance et de meilleures données de consommation de carburant. Toutefois, aujourd’hui, un Audi e-tron n’est guère plus avancé technologiquement qu’un Kia EV6. Pourtant, il y a une différence de plus de 30 000 $ entre ces deux modèles!

Même la fiabilité prend le bord
Même nos notions de véhicules fiables sont maintenant toutes altérées. Si, dans le passé, la Ford Mustang pouvait être qualifiée de modèle fiable, ce n’est clairement pas le même constat pour sa version électrique, le Mach-E, dont le dossier de fiabilité est pitoyable.
On pourra en dire autant au sujet de l’identité de certains constructeurs. Prenons Mazda, à titre d’exemple. Bien que petit, ce constructeur nippon a longtemps été associé à la qualité de son ingénierie et à la dynamique de conduite de ces véhicules. Pourtant, avec le MX-30 électrique, Mazda se fait humilier sur la place publique en raison de la piètre efficacité énergétique du véhicule et de son comportement routier peu enivrant. On vous dira que, dans l’électrique, d’autres marques font beaucoup mieux que Mazda. Ce constat est un peu triste quand on considère que Mazda existe depuis 1920!
On remarque donc que, avec l’arrivée de l’électrification, notre notion d’une « bonne voiture » change complètement. On ne peut plus se fier à la réputation de fiabilité d’un constructeur d’automobiles parce que ce constructeur n’emploie plus vraiment la même manière d’arriver à ses fins. Et on y pensera deux fois avant de signer pour un modèle soi-disant de luxe qui propose moins d’autonomie qu’un modèle généraliste vendu à la moitié du prix.

Quand Honda emploiera des technologies provenant de chez General Motors pour ses véhicules électriques comme le Prologue, ou encore l’Acura ZDX, pourrions-nous toujours dire que « Honda, ce n’est pas tuable, car j’ai déjà monté une Civic à plus de 300 000 kilomètres »? Je ne crois pas.
C’est également cette réalisation qui transforme complètement la nature de notre travail de journalistes automobiles. Si, lors de notre émission sur les Meilleurs véhicules électriques en 2022, nous avions mis un frein sur la recommandation de presque tous les nouveaux véhicules électriques sur le marché, c’est qu’on détient très peu de données au sujet de la longévité de ces modèles. Contrairement aux modèles thermiques sur lesquels on pouvait se fier à une quelconque expertise, dans le cas de l’électrique, tout est encore beaucoup trop jeune pour statuer. Ça nous force donc à prendre un pas de recul avant de recommander un modèle.
En fait, si je reviens à la question initiale de mon amie au sujet du Toyota bZ4X, j’aurais eu tendance à lui dire que Toyota n’a encore fait aucune preuve dans l’électrique, tandis que Tesla, elle, vend des modèles sur notre territoire depuis 2012. Même que certains d’entre eux affichent plus de 300 000 kilomètres au compteur et sont toujours mus pas leur batterie d’origine. Pour le moment, si j’avais à parier sur un modèle électrique fiable, j’aurais plus confiance à une Tesla qu’à une Toyota. En effet, l’industrie de l’automobile a déjà beaucoup changé.