Cette semaine, j’ai reçu un communiqué de presse de Nissan dans lequel le constructeur annonce un investissement de 500 millions $ US dans une usine de production de véhicules électriques en sol nord-américain pour 2025.
Pour 2025 ? Voilà qui m’a laissé sur mon appétit et qui m’a presque incité à cesser ma lecture.
Parce que des promesses de prochains véhicules électriques, on en voit des tonnes. Cependant, dans les faits, certains constructeurs éprouvent un retard tellement important qu’ils risquent de ne pas pouvoir vendre leurs modèles à batterie. À l’autre bout du spectre, d’autres constructeurs, déjà dans la course depuis longtemps, évoluent à un rythme exponentiel.
Durant le match du Superbowl, j’ai apprécié les quelques publicités de voitures que les constructeurs nous avaient préparées. Visiblement, le ton était à l’électrification. Chaque annonce faisait la promotion d’un nouveau modèle zéro émission comme le BMW iX, le Kia EV6 et les quelques modèles de General Motors, dont le très attendu Chevrolet Silverado EV.
En réalité, c’est l’une des publicités de GM qui m’a le plus fait sourire, tant pour des bonnes que pour les mauvaises raisons. Utilisant le thème d’Austin Powers avec le personnage Dr Evil (joué par Mike Myers) comme point central, la publicité nous ramenait tout droit dans la populaire comédie grâce à des acteurs – maintenant clairement plus âgés – qui jouaient leur rôle comme s’ils ne l’avaient jamais quitté. C’était très plaisant à écouter.
Au même moment, la publicité nous présentait la plateforme électrique Ultium de GM, ainsi que ses futurs modèles: le Chevrolet Silverado EV, le GMC Hummer EV, le Cadillac Lyriq et le fourgon électrique Brightdrop. En bas de l’écran, nous pouvions lire la promesse de GM comme quoi elle allait introduire 30 nouveaux modèles électriques d’ici 2025.
Il est là mon problème.
Il y aura bientôt deux ans, GM dévoilait sa plateforme Ultium. Où sont les modèles ? Tout ce que ce constructeur, qui se dit prêt à faire un pas sérieux dans l’électrification depuis plus de deux ans (y compris un nouveau logo qui l’affiche clairement), commercialise comme produit électrique, c’est une Chevrolet Bolt EV dont la technologie date de 2016. Pourquoi GM prend-elle autant de temps pour lancer sa gamme électrique ?
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Et c’est le même son de cloche chez Nissan qui, rappelons-le, a été l’une des pionnières dans la commercialisation d’un véhicule électrique à grande échelle avec la LEAF. Pour une raison qui m’échappe encore, le constructeur nous annonce que les premiers exemplaires de son Ariya n’arriveront pas avant la fin de l’année, au minimum. Vous comprendrez donc pourquoi son communiqué faisant état d’un investissement dans une usine de production aux États-Unis me passait 100 pieds par-dessus la tête.
Des excuses qui ne tiennent pas la route
Toutefois, le constructeur qui me fait le plus suer par les temps qui courent, c’est Honda. Lors d’une table ronde avec les grands patrons des Communications de Honda Canada il y a quelques semaines, je leur ai demandé pourquoi Honda n’a toujours pas de modèles électriques sur notre territoire, alors que ses principaux concurrents en sont à leurs deuxième et troisième générations de modèles.
La réponse de Honda, complètement déconnectée de la réalité, a été déconcertante. Le constructeur m’a dit « attendre le bon moment » pour commercialiser des véhicules électriques. Il ajoute que ce genre de véhicules « dort dans les cours des concessions » et qu’il n’y a « pas encore assez de profits à faire avec ces véhicules » (…).
Honda, je vous suggère de discuter avec vos collègues de Hyundai. Demandez-leur s’il est vrai que les voitures électriques dorment dans les cours des concessions. En réalité, les carnets de commandes de l’IONIQ 5 débordent, au point où les consommateurs doivent attendre six mois, au moins, pour obtenir leur exemplaire.
Et pour ce qui est d’attendre le bon moment, permettez-moi de vous rappeler que Tesla commercialise des VÉ depuis 2012 et que, en 2021, elle a livré plus d’un million de véhicules. Comment un constructeur aussi important que Honda peut-il faire une affirmation aussi ridicule avec des statistiques du genre ?
Le temps presse
Quand on observe à quel point les changements climatiques nous frappent de plein fouet, on comprend l’urgence du secteur de l’automobile de se tourner vers des méthodes de propulsion plus propres. Rappelons que l’industrie du transport contribue à 44,8 % des gaz à effet de serre au Québec, et que 35,6 % de ces émissions proviennent du transport léger, soit les voitures, les VUS et les camionnettes.
Et quand on constate que les constructeurs, pour la plupart, dépassent largement les normes d’émissions de CO2 qui leur sont imposées et dépensent des sommes faramineuses en pénalités carbone, on réalise à quel point plusieurs grands joueurs de l’industrie préfèrent fermer les yeux au lieu de faire face au problème.
Parce que ces géants du secteur manufacturier sont prisonniers de vieilles manières de fonctionner : des usines de boîtes de vitesses, de moteurs, de différentiels ; des relations de longue date avec des fournisseurs ; des syndicats et des retraites. Tout cela coûte cher et les empêche de commercialiser des VÉ qui sont, et je cite les gens de Honda, « non profitables ».
Heureusement, certains ont compris l’importance d’agir au risque de perdre de l’argent. Je pense, bien sûr, à Tesla qui n’a pas à se soucier de toute cette lourdeur corporative, mais aussi au géant industriel Hyundai, qui domine actuellement au chapitre de son offre de véhicules électriques, comptant, au moment d’écrire ces lignes, cinq modèles électriques au sein de ses trois marques, et un sixième, le Genesis GV60, qui est en route.
Pendant ce temps, Honda nous fait miroiter qu’elle attend le bon moment pour commercialiser son premier VUS électrique, le Prologue, lequel sera ni plus ni moins un vulgaire Chevrolet Equinox électrique rebadgé lorsqu’il sera mis sur le marché en 2024. Au moins, il sera « profitable », nous dit le constructeur. Le problème, c’est que la planète, elle, n’en a rien à cirer des profits que font les constructeurs.
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