Cette semaine, je fais l’essai d’une Subaru Legacy GT 2022. Il s’agit d’une berline absolument rationnelle, mais ô combien agréable dans les conditions climatiques actuelles grâce à sa toujours excellente transmission intégrale et son charismatique moteur Boxer.
Mais conduire cette voiture me rend aussi un peu triste. Triste pour les petits constructeurs d’automobiles, ceux qui ont du cœur, comme Subaru. Car un jour ou l’autre, Subaru n’aura pas le choix de se départir de sa mécanique éprouvée et de se ranger aux côtés des homogènes skateboard à batteries qui domineront l’industrie.
Pour les petits constructeurs comme Subaru, le virage vers l’électrification représente un défi grandiose avec lequel vient le risque d’être entièrement abolis du marché.
L’assimilation est déjà commencée
Au Salon de Los Angeles, il y a quelques semaines, Subaru présentait son premier véhicule électrique, le Solterra. Enfin, nous disions-nous en l’observant sur son présentoir installé à l’intérieur du LA Convention Center.
Le Solterra représente le premier pas sérieux pour Subaru dans le domaine de l’électrification. Et ça promet, avec son autonomie décente d’environ 400 kilomètres, ses quatre roues motrices (grâce à deux moteurs, un sur chaque train) et des prix qui, on l’espère, seront dans la mire des consommateurs de la classe moyenne.
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Mais le hic avec le Solterra, c’est qu’il ne s’agit pas d’un Subaru. C’est un Toyota; un bZ4x auquel on a un peu altéré la carrosserie. Et ça, c’est une catastrophe pour Subaru, ce constructeur dont la mécanique thermique s’est forgé une réputation dans les stages de rallye et dont les consommateurs québécois raffolent en raison de sa compatibilité avec nos conditions hivernales.
Avec le Solterra, Subaru est englouti dans le giron de Toyota. En un clin d’œil, toute son histoire, son identité et son caractère disparaissent. Comment une Subaru peut-elle demeurer une Subaru sans son moteur Boxer et sa transmission intégrale à prise constante ?
En regardant tout cela de haut, il est évident que le virage vers l’électrification est coûteux pour un petit constructeur comme Subaru, lequel n’a pas le choix que de s’allier à un géant comme Toyota. Sinon, il meurt. Point final.
La tragédie du Mazda MX-30
Quand on constate que le géant sud-coréen Hyundai arrive bientôt avec sa troisième génération de véhicules électriques, on ne peut que s’empêcher de verser une larme quand on analyse le MX-30, le premier véhicule électrique de Mazda.
Voilà un modèle qui représente parfaitement la difficulté qu’ont les petits constructeurs à s’adapter aux nouvelles réalités électriques. Pas nécessairement plus gros qu’un Hyundai Kona Electric, et vendu environ le même prix, mais dont l’autonomie ne dépasse pas les 160 kilomètres (en condition idéale) - soit presque trois fois moins que des véhicules mis en marché il y a trois ans - le MX-30 n’est tout simplement pas dans la course.
C’est d’une tristesse déconcertante, car Mazda est un constructeur qui s’est longtemps démarqué par son talent d’ingénierie, son design, sa fiabilité et, surtout, sa capacité de pouvoir surprendre l’industrie avec bien moins de ressources que la plupart. Hélas, même son cœur vaillant ne lui permet pas de s’en sortir.
Et le Mitsubishi Rogue…
Il y a ensuite le malheureux sort de Mitsubishi qui, sans l’aide du conglomérat Nissan/Renault, serait déjà entièrement rayée de la carte.
Certes, le constructeur nous prépare un Outlander PHEV hybride rechargeable de prochaine génération, mais son succès ne dépendra pas de Mitsubishi, mais plutôt de Nissan, laquelle lui prête tous les composants nécessaires pour construire le véhicule.
Et il est écrit dans le ciel que le Nissan Rogue, son frère jumeau, héritera éventuellement de cette même motorisation. Si un jour Mitsubishi arrive sur le marché avec un VUS électrique, attendez-vous à ce qu’il ne soit rien de plus qu’un clone du Nissan Ariya.
Voilà un constructeur qui a perdu toute son identité. Mitsubishi est maintenant une marque sans image qui n’attend que d’être engloutie dans l’engrenage corporatif du groupe Nissan.
Apprendre des nouveaux joueurs
Pourquoi le virage vers l’électrification est-il si cher pour les constructeurs ? Parce que ceux-ci doivent, en plus de développer de nouvelles technologies, supporter un passé qui leur coûte tout aussi cher. Ce passé comprend, entre autres, des usines, des employés retraités, des réseaux de concessions et des syndicats.
Pas facile de fermer une chaîne d’assemblage de boîtes de vitesses depuis 20 ans et dont les employés sont syndiqués. C’est surtout impensable de reformer un ouvrier qui est à cinq ans de la retraite.
C’est donc de cette faiblesse que carburent les constructeurs émergents qui n’ont pas à supporter une telle lourdeur financière. Tesla, tout comme Rivian, Lucid et, bientôt, VinFast, peuvent y aller de plein fouet dans le développement de véhicules électriques, car leur modèle d’affaires a été construit autour du principe. Les usines, les employés et les méthodes de productions sont jeunes, leur assurant ainsi une souplesse évidente.
Pour survivre, tous les constructeurs d’automobiles n’auront d’autre choix que de s’inspirer de la façon de faire des nouveaux joueurs. Ça demande une ouverture d’esprit et une refonte complète de leur culture d’entreprise, un virage à 180 degrés qui vient habituellement avec son lot de mises à pied. Un mal nécessaire, malheureusement, car le monde change, et seuls les plus créatifs et résilients s’en sortiront.
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