Il y a des années que Lincoln se cherche, mais l’Aviator est l’un des fers de lance de ce renouveau. Bien qu’il reste d’importants détails à valider dans le temps, au premier coup d’œil, il offre tout pour permettre à Lincoln de reprendre son envol.
Howard Hugues s’est fait connaître pour ses nombreuses innovations dans le monde de l’aviation, mais il était aussi un passionné de belles voitures. Étonnamment, même si Lincoln brillait au sommet de sa gloire à son époque, il ne s’y est jamais intéressé. Avec son goût pour le grand luxe à l’américaine, Hugues aurait certainement jeté un coup d’œil à l’Aviator 2020.
En termes d’esthétique, Lincoln a trouvé sa voie. Sans gêne, on reste proche des valeurs typiquement américaines. Cadillac cherche en s’en détourner, mais pas Lincoln. Chez Lincoln, on assume le chrome, et on peut se le permettre. Sans dire que l’ensemble fait baroque, on démontre des racines plus traditionnelles sans jouer la carte de la sportivité. Les proportions de l’Aviator sont totalement réussies en ce qui me concerne. Long capot relevé, partie avant angulaire, phares perchés à DEL à 100 % (extrêmement puissants), cabine déportée et, même, une ligne de toit qui s’affaisse légèrement vers l’arrière. Ajoutez à cela des jantes de 22 pouces qui meublent parfaitement bien les arches de roues et vous obtenez un produit distinctif avec beaucoup de panache.
Lincoln ne lésine pas sur les détails et les petites attentions. On retrouve ainsi plusieurs éléments qui habillent la carrosserie comme l’écusson intégré à la fausse ouïe latérale où l’on inscrit fièrement le mot AVIATOR. À l’arrière, on reconduit un feu transversal unique, une caractéristique partagée avec le reste de la gamme. Lincoln veut être reconnue par des traits distinctifs. Bien qu’elle essaie, c’est moins singulier que l’image de son ennemie de toujours, Cadillac, qui adopte la verticalité.
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Avec l’Aviator, Lincoln joue dans la cour des grands avec cet utilitaire sport intermédiaire à 7 places. Il rivalise avec de gros noms comme l’Acura MDX, le Volvo XC90, l’Audi Q7, l’Infiniti QX60, le Lexus RX-L et, bien sûr, le Cadillac XT6. Avec son style, il s’intègre très bien au segment avec une approche unique. Quand on regarde la qualité de l’assemblage extérieur, même si la peinture est de bonne facture, on voit quelques panneaux qui pourraient être plus resserrés et plus solides. À ce sujet, l’Aviator se place derrière les Européens, mais à égalité avec Cadillac et les Japonais.
Lincoln porte une attention toute particulière à l’expérience qu’on vivra dans l’Aviator. Ça commence par la suspension pneumatique qui abaisse le véhicule pour en faciliter l’accès. L’ouverture de la gigantesque portière permet une entrée aisée. Dès qu’on prend place sur le siège, on comprend qu’il n’a rien d’ordinaire. Sa présentation en plusieurs sections met la table pour les multiples réglages auxquels nous avons droit à l’avant. En plus d’épouser toutes les courbes de notre corps, les sièges chauffent, climatisent et peuvent même masser notre popotin et notre dos. Franchement, ce sont des assises impressionnantes.
La position de conduite est sans reproche. Nous sommes hauts, et cette sensation est augmentée par le fait que le tableau de bord se trouve assez bas. Le volant regorge de commandes qui permettent une manipulation des plus aisées des paramètres de conduite, de l’instrumentation et de certains attributs de l’écran multimédia. Dans la version à l’essai, un affichage tête haute facilite la diffusion de beaucoup d’information. Il se montre clair et, surtout, de très grande taille. D’ailleurs, il tranche avec la monotonie de l’affichage de l’instrumentation de 12,3 pouces aux teintes brunâtres d’une simplicité déconcertante. À ce chapitre, je ne comprends pas l’approche de Lincoln. Même si l’on jouit d’un moniteur numérique, les possibilités de configurations sont limitées et peu invitantes.
Quand on se tourne vers la console, le spectacle continue. L’écran multimédia de 10,1 pouces trône au sommet du tableau de bord. Pierre Michaud déteste, mais j’aime bien cette approche. Son utilisation est franchement facile en étant tactile et à commandes vocales. Par contre, son manque de solidité m’a laissé perplexe. De plus, comme c’est trop souvent le cas, j’ai expérimenté quelques bogues avec le système.( exemple) Plus bas, on découvre les touches qui commandent la climatisation. En étant détachées du tableau de bord, elles se montrent très ergonomiques, un jeu d’enfant à manipuler. À la console et sous cette dernière, bonne note pour l’aspect pratique avec de nombreux et volumineux rangements. Même son de cloche pour l’espace dans les portières et la boîte à gants.
Sur le plan du design, Lincoln frappe fort. Seuls des matériaux de grande qualité et nobles habillent l’habitacle. Cuir multi-ton, boiseries, aluminium, piano laqué et chrome définissent les différentes sections. Le style horizontal n’est pas banal. Par contre, et c’est malheureux, l’Aviator craque. La finition se montre sans reproche, mais, un peu comme chez Mercedes-Benz, on dirait que c’est trop serré, donc ça finit par craquer. Lincoln devra revoir cette situation si elle veut se frotter à des produits solides comme les MDX, Q7 et RX-L.
À l’arrière, les occupants de la deuxième rangée de sièges ont droit à de nombreux accessoires de luxe et de confort. Comme il se doit, il est possible d’incliner et de glisser les assises qui se trouvent sur les côtés. Étrangement, l’assise du centre est fixe. Les dégagements sont dans la moyenne, à l’exception du milieu. Notez d’ailleurs que, pour avoir les coudées plus franches, la section médiane est offerte en option. Quand vient le temps de prendre place sur la banquette de troisième rangée, on doit y aller d’un peu de contorsions, c’est malheureusement le cas de tous les produits dans cette catégorie. Au coffre, les volumes varient de 518 à 2 200 litres en fonction du nombre de dossiers en positon. Le rabattement se fait par commande électrique située dans les parois latérales intérieures du coffre, simple et efficace.
Lincoln n’a peut-être pas mis 8 moteurs à hélices comme sur le H-4 Hercule (Spruce Goose) de Hugues, mais n’a certainement pas lésiné sur la puissance. Ici, il n’y a rien sous la barre des 400 chevaux. La version à l’essai comportait un V6 EcoBoost biturbo de 3,0 litres. Au compte, la puissance fait 400 chevaux, et le couple, pas moins de 415 livres-pieds disponibles dès 2 750 tours/minute. Ceux qui voudront la totale pourront choisir la variante hybride composée du même bloc et d’une assistance électrique. Là, on parle de 494 chevaux et rien de moins que 630 livres-pieds de couple. Dans le cas de ce dernier, Lincoln joue autant la carte de l’économie de carburant que de la puissance brute. Peu importe le moteur, Lincoln ne propose qu’une seule boîte automatique à 10 rapports.
La réputation de Lincoln en matière de comportement routier est habituellement plus près de l’univers maritime qu’aéronautique. Toutefois, avec l’Aviator, on découvre vite que les ingénieurs ont passé beaucoup de temps à configurer le rendement du véhicule sur la route. Oubliez le mal de mer, on se sent passablement plus en première classe tant notre univers devient feutré. De facto, il faut savoir que l’Aviator propose une collection de modes de conduite. Ici, on ne dit pas Sport, mais bien Exciter ; et l’on dit Conserver pour Eco. La poésie s’invite, mais une chose est certaine, il change de personnalité chaque fois qu’on manipule la molette à la console. Il faut dire que l’apport de la turbocompression et la générosité de la cavalerie permettent une grande plage de possibilités en matière de gestion de la mécanique. Dans tous les cas, le V6 répond présent. Sa puissance ne fait pas de doute, tout comme sa souplesse. La transmission se montre normalement un peu saccadée à froid, mais dès que la bonne température est atteinte, les rapports s’enfilent avec une belle aisance.
La direction donne une précision adéquate pour le segment. Ce n’est pas aussi incisif que chez les allemands, mais ça se compare avantageusement aux produits asiatiques. Selon le mode, sa fermeté évolue, tout en maintenant une réactivité intéressante. Malheureusement, en raison de son format, l’agrément de conduite demeure en retrait. Les freins offrent une puissance appropriée. Leur aplomb me semble suffisant pour me sentir en confiance même si l’on « remplit » le véhicule et qu’on remorque sa charge maximale de 3 039 kilos (6 700 livres).
Lincoln pousse la note en matière de raffinement avec des suspensions pneumatiques adaptatives. Là encore, selon qu’on « s’Excite » ou qu’on « Conserve », la fermeté évoluera. Grâce à cette calibration, l’Aviator est capable de prendre des courbes avec entrain et affiche une bonne stabilité. Il faudra toutefois faire attention au sous-virage à l’approche de la limite des suspensions et des pneus. Sur la route, je dois souligner le grand confort que les suspensions procurent. Elles avalent les imperfections du pavé sans broncher. La seule interrogation que j’ai sur ces composants touche la fiabilité. Je sais que ça fait un bon bout de temps, mais qui ne se souvient pas des Continental 1995 à l’arrière affaissé après quelques années sur la route ?
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Il ne manque rien pour séduire les acheteurs, tout y est : style, confort, luxe, gadgets, technologies, puissance et, même, une consommation de carburant raisonnable. Par contre, Lincoln doit resserrer quelques aspects du produit. Considérant le degré d’innovation (suspensions) et les accrocs de fiabilité habituels des produits Ford/Lincoln au cours des premiers mois d’usage, nous recommandons d’attendre l’année modèle 2021 avant de vous lancer. S’il passe l’étape de la certification de la fiabilité, l’Aviator pourra prendre une place enviable dans le segment.