Charles Rolls a dit : « La voiture électrique est parfaitement silencieuse et propre. Pas d’odeur, pas de vibration. Elle deviendra très utile quand la situation des stations de recharge sera réglée. » Nous sommes en 1900, soit quatre avant la rencontre entre les fondateurs de Rolls-Royce, Charles Rolls et Henry Royce. Non seulement cette citation est visionnaire, elle est carrément prophétique.
En 2011, le constructeur a fait une première tentative auprès de ses clients avec le concept 102EX. Comme il s’agissait essentiellement d’une Phantom VII avec une motorisation électrique de 389 chevaux, le simple fait de mettre une limite à l’autonomie refroidit les acheteurs potentiels. Il faudra plus d’une décennie pour que l’idée d’une Rolls-Royce électrique refasse surface, et me voilà au volant de la tout électrique Spectre, la succession spirituelle de la Phantom Coupé au sein de la gamme.
Une Rolls-Royce avant d’être une voiture électrique
Comme ils voulaient construire une « Rolls » avant de faire une voiture électrique, les stylistes se sont assurés que le design et l’héritage de la marque soient préservés. Par conséquent, au premier coup d’œil, on reconnaît la marque. Comme toujours, les proportions sont gigantesques, ce coupé mesure 5 475 millimètres et pèse 2 890 kilos (6 371 livres), soit presque 3 tonnes métriques. Malgré sa partie avant imposante et la plus large grille de calandre de l’histoire de la marque, avec un coefficient de traînée de seulement 0,25, c’est la « Rolls » la plus aérodynamique de toutes. On doit certainement (!) cet exploit à la nouvelle posture de la mascotte de capot, la Spirit of Ecstasy, qui a passé quelque 830 heures en soufflerie pour optimiser sa pénétration dans l’air. Comme sa devancière, les blocs optiques sont scindés en deux sections avec une fine bande dans la partie supérieure pour les projecteurs de jour et les clignotants. Plus discrets, les phares principaux se dissimulent dans un angle du pare-chocs.
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De profil, le Spectre n’est pas moins spectaculaire avec ses jantes de 23 pouces de série. La ligne de toit fait une référence directe au coupé Wraith (de 2014 à 2023), mais dans une proportion plus généreuse. L’option d’une peinture à deux tons comme sur la voiture à l’essai donne encore plus de panache et de prestance. À l’arrière, la ligne de coffre s’étire pour favoriser l’écoulement de l’air. Personnellement, je trouve les feux trop petits et à l’allure bon marché avec leur lentille claire. Comme il se doit, la qualité d’assemblage est exceptionnelle, comme la peinture.
Conservatisme
L’accès est toujours spectaculaire avec les portes à ouverture inversée. Dans le cadre, on retrouve toujours le traditionnel parapluie agencé aux couleurs de l’habitacle qui n’est habillé que de matériaux réels : cuirs, boiseries et si ça brille, c’est du métal véritable, pas du plastique chromé. Avec le Spectre, Rolls-Royce repousse son ciel étoilé à DEL « Starlight » jusque dans les portières où 4 796 autres DEL sont ajoutées. Ça ne sert à rien, c’est juste BEAU.

Le tableau de bord suit l’approche de toutes les autres Rolls-Royce avec de grands rectangles. Personnellement, je trouve que c’est un peu froid, mais la richesse des matériaux rend l’expérience à bord unique. Le volant est trop gros. Pour une voiture à chauffeur, comme la Phantom, ça passe, mais pour un coupé, on devrait avoir une approche plus dynamique. L’instrumentation propose de l’information avec retenue pour ne pas encombrer l’œil. Au centre, le système multimédia SPIRIT à affichage de 12,3 pouces est facile à manipuler, mais est franchement petit pour une voiture de ce prix. Pour le reste, l’ergonomie suit l’approche historique de la marque avec des roulettes pour la climatisation et des boutons-poussoirs pour les buses d’aération.
Comme on est dans une Rolls-Royce, je n’insisterai pas très longtemps sur le confort suprême des sièges et l’infinité de réglages. On sent bien que le Spectre est gros malgré une faible fenestration et une visibilité extérieure limitée par la grosseur des piliers. Il n’en demeure pas moins qu’on se sent connecté avec la voiture. À l’arrière, l’espace est suffisant pour des adultes de taille moyenne. Pour ce qui est du coffre, on obtient un volume de 490 litres et, naturellement, il n’y a pas de coffre à l’avant (frunk) : des bagages, ça va dans le coffre, pas sous le capot!

Architecture of Luxury
Avec l’« Architecture of Luxury » comme fondation, les Rolls-Royce optent pour une dérive de la plateforme CLAR II de BMW. L’apport de la batterie de 700 livres permet un gain de rigidité de 30 % par rapport à la Ghost. Pour contrer le poids, l’aluminium est intensivement utilisé dans la conception du véhicule.
Tous les Spectre viennent avec une batterie au lithium-ion de 102 kilowattheures dont l’approvisionnement est de sources responsables notamment d’Australie, d’Argentine et du Maroc. À l’époque, Rolls-Royce ne divulguait jamais la puissance de ses voitures ; elle affirmait plutôt que c’était suffisant. Aujourd’hui, les choses ont changé, mais je peux vous dire que la puissance combinée de 430 kilowatts (586 chevaux) et le couple de 664 livres-pieds sont beaucoup plus que suffisants. Le moteur arrière de 360 kilowatts (483 chevaux) est supporté par un second moteur à l’essieu avant de 190 kilowatts (256 chevaux). Par conséquent, le Spectre offre un rouage intégral. La puissance n’est jamais violente, mais elle est toujours généreuse. L’accélération se fait sans à-coups, mais se montre soutenue en bouclant le 0 à 100 kilomètres/heure en 4,5 secondes.
On ne se fait pas brusquer d’autant plus que les suspensions planétaires adaptatives s’assurent que les mouvements de caisse soient très limités. Avec les amortisseurs « Magic Carpet », comme son nom l’indique, on flotte sur un tapis volant. C’est la première Rolls-Royce qui m’a permis d’éprouver du plaisir derrière le volant. La direction est étonnamment précise pour la marque et communique même. L’apport des 4 roues directionnelles y est pour beaucoup, et, si l’on considère l’encombrement de la voiture, cette technologie contribue à rendre le bolide agréable à conduire. Comme Charles Rolls le voulait, l’électrification rend l’expérience encore plus impressionnante et, pour la première, il n’y a vraiment aucun bruit dans l’habitacle.
En termes d’autonomie, le constructeur annonce une liberté de 418 kilomètres entre les recharges. Dans une borne de niveau 3, le Spectre est en mesure d’aller jusqu’à 195 kilowatts, ce qui permet de passer de 10 à 80 % de la charge en 34 minutes. À la maison, on peut aller jusqu’à 22 kilowatts avec une borne appropriée. Malheureusement, les conditions de l’essai ne m’ont pas permis d’avoir une moyenne de consommation fiable.
Conclusion
Le Spectre est la meilleure Rolls-Royce, Charles Rolls en serait fier. Comme il se doit, c’est une voiture d’excès et elle excelle à l’exercice. Son prix de base se situe dans les 500 000 $, à l’essai ce n’était rien de moins que 638 001 $ avec les options. On ne connaît rien de sa fiabilité… donc je dois vous dire d’attendre qu’on en connaisse un peu plus avant de la recommander. Cependant, si vous êtes un acheteur type de la marque, vous avez 7 autres portes de garage à la maison et vous allez faire moins de 5 100 kilomètres au volant de votre Rolls-Royce Spectre cette année. Je doute que cette recommandation de retenue ne mette un frein à votre élan. Dans tous les cas, avoir ce genre de budget, je vous confirme que j’en aurais une dans mon garage, j’ai été impressionné à ce point.