Il est facile de critiquer l’Alfa Romeo Stelvio Quadrifoglio 2019. On lui reproche, entre autres, d’être trop onéreux pour ce qu’il offre aux consommateurs. Et c’est vrai. Pour l’obtenir, on débourse sensiblement la même chose que pour un Porsche Cayenne. Imaginez qu’à ce prix, on n’obtient même pas de sièges chauffants, sans oublier que quelques composantes d’habitacle sont directement tirées d’un Jeep Grand Cherokee…
Soulignons aussi la cote de fiabilité désastreuse et la piètre valeur de revente des produits Alfa Romeo dans leur ensemble, et il devient difficile de prendre ce VUS au sérieux.
Bien que le but d’un Stelvio soit, comme tous les utilitaires du parc automobile moderne, d’aider à remplir les poches du constructeur, son existence demeure néanmoins illogique.
Aussi, des VUS à prétentions sportives, il en existe désormais beaucoup. On pense, entre autres, au Porsche Cayenne, au Macan, au BMW X5 M50i, à l’Audi SQ5, voire au Jaguar F-Pace SVR, tous des véhicules qui représentent de bien meilleurs achats que cet italien. Afin de se distinguer du lot, Alfa Romeo mise donc sur l’émotion pour attirer les consommateurs. Mais est-ce que ça fonctionne?
Il faut dire que l’introduction du Stelvio au sein de la gamme Alfa Romeo est une brillante idée sur le plan commercial. Dans sa version de base, ce VUS est non seulement hyper-attrayant et polyvalent, son prix de vente est étonnement intéressant, lui permettant de se faufiler entre les utilitaires de luxe japonais et allemands.
D’ailleurs, Alfa Romeo affirme que le Stelvio, dont les dimensions se situent entre celles d’un VUS compact et d’un intermédiaire, est le véhicule le plus vendu de sa gamme, fracassant des « records » de vente depuis son entrée sur le marché en 2018.
Mais calmons-nous un peu. La réalité, c’est que primo, le constructeur spécialisé dans un marché de niche ne dispose que de trois véhicules dans sa gamme; il est facile de donner tout le mérite au Stelvio. Deuxio, avec seulement 13 000 unités vendues par année en Amérique du nord, le véhicule n’est pas ce qu’on pourrait qualifier de best seller.
Et c’est triste, car sur papier, ce VUS a tout pour plaire, surtout dans sa déclinaison la plus extrême, celle qu’on appelle Quadrifoglio. Comme la berline Giulia qui lui prête son architecture et son groupe motopropulseur – mais pas son rouage intégral –, cette version sert à rivaliser avec l’élite des VUS prétendument sportifs. Pour en arriver là, on lui a ajouté un moteur nettement plus puissant, une suspension et une structure entièrement repensées, des freins surdimensionnés et des pneus plus gommants.
Et n’oublions surtout pas ses immenses sièges en fibre de carbone, question « d’alléger » le tout, bien sûr.
Ce qui est loin d’être une farce, c’est son prix de vente. Sans complexe et sans scrupule, l’Alfa Romeo Stelvio Quadrifoglio 2019 démarre à un imposant 95 000 $. Notre modèle d’essai, équipé des fameux sièges en carbone mentionnés ci-haut, des freins également en composite de carbone, et de quelques options de sécurité additionnelles, se détaillait à 117 790 $. Sensiblement le même prix qu’un BMW X5 M50i équipé au coton.
Si on exclut les sièges de course qui sont, disons-le, d’un confort exquis, il n’y a rien dans l’habitacle d’un Quadrifoglio qui laisse présager qu’il diffère de son homologue conventionnel. C’est une cabine bien soignée en général, avec une planche de bord au design épuré et fonctionnel, agrémentée de sublimes palettes au volant en aluminium brossé qui sont montées comme il se doit, à même la colonne de direction, et non au volant.
Tout est facile d’accès. L’instrumentation est simple et claire. Son interface multimédia, bien que peu intuitive avec ses menus complexes, se manipule par une élégante molette centrale, un peu comme dans un Mazda CX-5.
Hélas, le niveau de luxe et la qualité d’assemblage n’arrivent malheureusement pas à la cheville de la concurrence. Pour un véhicule de plus 100 000 $, c’est honnêtement décevant, et beaucoup trop de composantes ont été empruntées aux autres produits FCA.
Le Stelvio remplit néanmoins sa mission de véhicule polyvalent. L’arrière procure amplement de dégagements pour la tête, les jambes et les épaules, même lorsque trois passagers y prennent place. Idem pour le coffre qui peut avaler jusqu’à 1 600 litres de marchandise une fois la banquette arrière rabaissée au plancher. C’est bien, mais ce VUS d’Alfa Romeo demeure un tantinet moins polyvalent qu’un Audi Q5 (1 710 litres) ou qu’un Jaguar F-Pace (1 798 litres), par exemple.
C’est lorsqu’on soulève le capot du Stelvio qu’on comprend où notre argent a été investi. Développé par nul autre que Ferrari – la crème de la crème des marques italiennes –, son moteur V6 biturbo est un réel chef-d’œuvre mécanique, rien de moins.
D’une cylindrée de 2,9 litres, il crache 505 chevaux et 443 lb-pi de couple. Tout est acheminé aux quatre roues par l’intermédiaire d’une boîte automatique à huit rapports fournie par l’équipementier allemand ZF. Le Stelvio se démarque encore une fois de ses concurrents par des technologies qui lui sont propres, comme un arbre de transmission en fibre de carbone et des voies élargies par rapport à la berline sur laquelle il est basé : 2,9 cm à l’arrière et 5,4 cm à l’avant.
Qui plus est, ce VUS à saveur italienne est équipé d’une transmission intégrale qui favorise d’abord les roues arrière. La puissance n’est acheminée à l’avant que lorsqu’il en a vraiment besoin. Une suspension adaptative, ajustable via les modes de conduite Race, Dynamic (D), Normal (N) et Advanced Efficiency (A), vient compléter le tout.
Une fois réglé dans son mode le plus viscéral, le Stelvio Quadrifoglio peut bondir de 0 à 100 km/h en seulement 3,5 secondes. Ce qui fait de lui un des VUS de production les plus rapides au monde.
Dès qu’on appuie sur l’énorme bouton de démarrage rouge situé sur son volant, on réalise instantanément que le Stelvio est une bête à part. Le VUS ne gronde pas : il hurle et s’assure qu’on l’entend haut et fort.
La sonorité de ce moteur est une réelle symphonie, une qui mute selon le nombre de tours par minute ou les rapports sur lesquels on se trouve. À bas régime, il se lamente, se permettant même de lâcher quelques pétarades amusantes au moment de rétrograder. Et une fois qu’on le sort de sa cage, il chante sa mélodieuse chanson par les énormes trompettes installées sous sa carcasse. C’est un véritable ténor qui ordonne qu’on l’écoute.
Mais le Stelvio est bien plus qu’un simple VUS qui hurle fort. Les accélérations sont violentes, la boîte de vitesses passe d’un rapport à l’autre dans une précision insécable. Normal qu’il doive relâcher un énorme coup de canon dans les tuyaux d’échappement lors du processus – « Kapow »!
Sa direction, quant à elle, nous rappelle celle des meilleures berlines sportives de l’industrie. Elle communique tout au conducteur, même le moindre caillou. La structure hyper-solide du véhicule nous met immédiatement à l’aise, nous encourageant à pousser ce monstre encore plus loin.
Des VUS rapides, il en existe beaucoup. Mais des VUS qui nous laissent s’évader dans l’art de la conduite engagée, ça ne court pas les rues. Le Stelvio Quadrifoglio est une perle rare.
Et le plus fascinant dans tout ça, c’est quand on le règle en mode A. Son mode le plus paresseux. Il devient tout molasse, tout doux et ultra-frugal, capable d’enregistrer du 9 L/100 km et de transporter cinq passager – et même le chien – dans un confort assez remarquable (compte tenu de ses pneus et de sa suspension de course).
Des défauts? Il en a, même plusieurs. Sur la grand-route, c’est un VUS bruyant, et les bruits de caisse inquiétants qu’émettait notre modèle d’essai ne nous donnent pas trop confiance en l’avenir du modèle.
Au final, il y a un prix à payer pour se distinguer et ne pas faire comme les autres. La concurrence féroce au sein de l’industrie automobile actuelle force tous les constructeurs à se perfectionner, à un point où toutes les voitures sont rendues excellentes…tellement qu’on cherche leurs défauts.
Le Stelvio, quant à lui, n’a pas choisi le même chemin. Il opte plutôt pour celui de l’émotion au lieu du rationnel, et il est impossible de nier le charisme qu’il dégage sur la route. Inévitablement, ses qualités font en sorte qu’il se distingue du lot, mais avec plusieurs lacunes.
Nous admirons la volonté de FCA d’avoir mis un véhicule du genre en marché. Le Stelvio n’est aucunement raisonnable, mais tout de même hyper-performant et étonnement compétent dans la vie de tous les jours. Sur le plan technique, il est dans une ligue à part. Mais avec un prix si élevé, une qualité de finition si médiocre et une réputation après-vente si fébrile, il est impossible pour nous de le recommander.
POURRAIT VOUS INTÉRESSER :
La collection de voitures italiennes de Jean Lain Vintage!