La première fois que j’ai vu une Bugatti en photo, je ne devais pas avoir plus de 5 ou 6 ans. Je me souviens très bien qu’il s’agissait d’un Type 41 Coupé Napoléon et même qu’il s’agissait de la photo du mois de mars d’un calendrier, probablement de l’année 1987 ou 1988. Depuis, je rêve de cette marque mythique. Je l’ai étudiée de long en large et j’ai lu tout ce que j’ai pu me mettre sous la dent à son propos.
Pour moi, un ti-gars de Thetford, être invité à me rendre à la maison-mère de Bugatti à Molsheim était plus qu’un accomplissement professionnel, c’était la réalisation d’un rêve. Ce fut pour moi l’occasion de voir le foyer où toutes ces légendes automobiles sont nées, d’être témoin de leur fabrication et de faire la rencontre d’Andy Wallace, l’homme qui détient trois fois le record du monde de vitesse dans une voiture de production. Par-dessus tout, je réalisais enfin ce rêve de conduire ma première Bugatti, la Chiron Sport.
Esthétiquement, la Chiron détient une prestance dont peu de voitures peuvent se targuer. Elle n’est pas haute, mais assez longue et surtout particulièrement large. Seulement quelques détails permettent de distinguer la version Sport de la Chiron « normale ». Le trait le plus distinctif est le 16 peint en rouge dans le cœur de la calandre en fer à cheval. Pour le reste, il s’agit d’un modèle allégé de 18 kg. Pour vous donner une idée des menus détails auxquels les ingénieurs se sont attardés, les bras des essuie-glaces sont maintenant en fibre de carbone pour soustraire quelques centaines de grammes en poids. C’est le même principe pour les jantes, puis tant qu’à y être on a fait le tour du bolide de cette manière, un gramme à la fois. Considérant sa vélocité, je doute que ce soit le principal facteur qui lui permet de rouler aussi vite!
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Je dois admettre avoir pris un moment, pour ne pas dire fait communion, avec la Chiron avant de prendre son volant. C’était pour moi l’occasion de m’imprégner de tous les détails de sa conception et de sa fabrication. Tous les angles comportent des aspects fascinants, par exemple les blocs optiques qui vous dévisagent de leurs 4 yeux en DEL, donnant ainsi un air distingué à la voiture. L’arche qui cercle les portières et qui tranche entre les deux tons tire son inspiration des modèles classiques des années 1930. Pour l’arrière, le spectacle vient de la baie motrice où l’on ne voit que les couvercles, chacun avec une inscription W16 EB et 1 500 EB. Le feu arrière solitaire entièrement en DEL s’incruste dans une composante massive qui favorise à la fois la sortie de l’air chaud qui émane du moteur et l’écoulement de l’air sur la voiture.
Chaque Bugatti passe 3 jours sous les bons soins d’un expert qui l’analyse sous tous ses angles, que ce soit la peinture, les ajustements ou le fini de la carrosserie. Il porte un gant blanc pour caresser l’ensemble de la voiture et sentir toute imperfection. Si jamais il décèle le moindre accroc, la pièce doit être refaite au complet. Chez Bugatti, on ne tolère rien de moins que l’impeccabilité. Chez RPM, nous qualifions souvent d’exceptionnelle la peinture de véhicules tels que les Mercedes-Benz, Audi et BMW, mais chez Bugatti, j’ai découvert la véritable définition de la perfection.
Il n’existe pas deux Chiron identiques. Bugatti refuse d’en faire deux avec exactement les mêmes spécifications. Elles sont toutes uniques à leur manière. Les possibilités de configurations sont infinies. Tous les caprices sont permis. Si jamais la personnalisation n’est pas encore suffisante, il existe d’autres déclinaisons de la Chiron en plus de la Sport, notamment la 110 ans qui souligne les 110 ans de la marque, la nouvelle Pur Sport, la Divo produite à 40 exemplaires et la Centodieci à 10 unités. Oh, j’oubliais, il y a les « One of » comme La Voiture Noire, un bolide vendu à plus de 16 millions de dollars. Vous avez bien lu…
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Prendre place à bord constitue un exercice en soi. Comme le dirait si bien Pierre : « On est assis à terre. » C’est vraiment très, très bas. Nos fesses ne sont qu’à quelques petits pouces du sol. Le seuil de portière est large, ce qui nous rend la tâche encore plus difficile. Une fois en position, j’ai remarqué que la visibilité est moins mauvaise que je l’anticipais. Les angles morts ¾ arrière sont bien sûr massifs, mais on s’y habitue rapidement. Étrangement, les autres automobilistes ont de toute façon tendance à nous laisser toute la place sur la route, preuve que la Bugatti sait s’imposer ! Bonne note pour le confort des sièges. Ils sont étudiés de fond en comble pour optimiser notre bien-être. Bugatti offre même l’option de construire une assise sur mesure pour que vous soyez le plus confortable possible.
Le design général nous transporte dans un monde hors pair. On marie ici le spectaculaire tout en demeurant assez fonctionnel. L’instrumentation 100 % numérique fournit toutes les données et les informations imaginables, il suffit de s’amuser avec les boutons sur le volant pour les consulter. Pour les autres commandes, quatre molettes s’alignent verticalement sur une arête. C’est là que l’on joue avec la climatisation et les modes de conduite. Leurs minuscules écrans fournissent aussi quelques renseignements. La plus cool du lot est certainement celle qui indique les chevaux déployés pour les accélérations.
Le modèle à l’essai venait avec un habillage entièrement en fibre de carbone mat. De manière générale, j’adore la fibre, mais là, avec ce fini, j’avais l’impression que la planche de bord était en plastique. Ce ne serait vraiment pas mon premier choix. Parmi les nombreux détails, il y en a un qui attire particulièrement le regard, une grande arche lumineuse au plafond qui passe au-dessus de la console centrale.
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Ce n’est pas tous les jours que l’on se retrouve poussé dans le dos par un monstre de 16 cylindres. Décidément, ce W16 de 8 litres impressionne sous tous les angles et ayant eu l’occasion de le regarder sur podium de long en large, je peux vous dire qu’il s’agit d’un tour de force technologique. Ceux qui croient encore qu’il s’agit simplement de deux W8 de Volkswagen collés ensemble ne l’ont certainement pas examiné de près récemment. Sa conception n’utilise que des matériaux qui coûtent les yeux de la tête comme l’aluminium, le magnésium et le titane. De l’aveu même d’un ingénieur sur place, Bugatti ne regarde pas à la dépense, aucune économie n’est tolérée. S’il existe un meilleur matériau, on le prend, point final!
Au compte, grâce à l’apport de ses quatre gigantesques turbos, ce moulin développe 1 479 chevaux et 1 180 lb-pi de couple dans la Chiron Sport. Bugatti explique le choix de 16 cylindres pour réduire le stress exercé par la puissance sur chaque cylindre. En divisant les 1 479 chevaux en 16, il y a un peu moins de 100 chevaux par cylindres. Selon Bugatti, compte tenu de la puissance, c’est un gage de fiabilité et de durabilité.
Sam sera déçu d’apprendre qu’il n’y a pas de boîte manuelle offerte dans la Chiron, seulement une boîte robotisée à double embrayage à 7 rapports. Selon Bugatti, impossible d’aller avec une transmission à 8 rapports ou plus, les engrenages ne pouvant pas supporter tout le couple sans risque de bris. Fait très intéressant pour nous, toutes les Chiron viennent avec un rouage intégral.
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Je me souviendrai toute ma vie de mon trop bref moment derrière le volant de la Chiron Sport. Ayant eu le plaisir de faire l’exercice avec Andy Wallace, j’ai pu l’exploiter au mieux. Malheureusement, même si je n’étais qu’à quelques dizaines de kilomètres des autobahns allemands, il m’était impossible de m’y rendre. Je me suis donc (presque) restreint aux limites de vitesse françaises qui sont aussi déplaisantes que les nôtres…
La version Sport repousse le dynamisme derrière le volant. Les amortisseurs sont plus fermes pour une tenue de route accrue, réactive, qui s’adapte aux conditions et aux modes de conduite. Passant d’un à l’autre, on sent réellement la différence. En mode Confort, la Chiron se conduit presque comme une Corolla tant son comportement est sain! La direction a aussi été revue. Sa précision se montre littéralement chirurgicale. Elle propose une belle lourdeur qui invite à prendre les courbes avec entrain. Étant à la fine pointe de la technologie, elle est équipée d’un vecteur de couple pour être en mesure de pousser la voiture encore plus, en plus de l’apport du rouage intégral et des pneumatiques de largeurs indécentes qui nous donnent la sensation d’être collés sur la route.
La première accélération que l’on fait avec une Chiron est saisissante. À des fins de fraternité avec les gendarmes français, c’est Andy qui s’est permis de faire un 0-200 km/h sur un chemin secondaire. Pour vous donner une idée, il m’était physiquement impossible de me fermer les yeux au passage du deuxième rapport de la transmission. Elle pousse à ce point-là. Inutile d’insister sur l’inconfort corporel que l’on éprouve. La piloter est tout aussi excitant. Elle est tout aussi capable de se montrer civilisée et j’imagine facilement que l’on peut la conduire tous les jours sans jamais avoir l’impression d’avoir à faire des compromis.
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J’ai souhaité pendant 30 ans de prendre un jour le volant d’une Bugatti : c’est maintenant chose faite. J’ai profité de chacune des secondes qui m’ont été allouées pour me plonger dans ce rêve enfin devenu réalité. À la lumière du temps que j’ai passé chez Bugatti, j’ai compris pourquoi le bolide que j’avais en main coûte au bas mot 5 millions de beaux dollars. Ce n’est pas seulement une voiture, c’est un tour de force technologique, une œuvre d’art faite par des artisans dévoués, mais surtout un rêve, et ça, ça n’a pas de prix.