Je me souviens de la Kia Sephia, introduite pour la première fois sur le marché canadien en l’an 2000. Mon père en avait acheté une flambant neuve. À l’époque, il devait voyager Sherbrooke-Valcourt pour se rendre au boulot et trouvait intéressante l’idée d’une petite bagnole abordable pour son transport quotidien, histoire de ne pas mettre trop de kilométrage sur sa magnifique Dodge Stealth RT 1993 ou encore sa Chrysler LeBaron GT Turbo 1990, qui d’ailleurs en était déjà à sa troisième transmission...
Oui, mon père vivait sa crise de la quarantaine.
Outre les fantasmes automobiles de mon papa, sa Sephia fut l’une des pires voitures qu’il eut achetées de sa vie, pire encore que son rutilant coupé Chrysler basé sur un « K-car ». Problèmes de démarreur, alternateur, dégivreur, vitres manuelles qui baissaient soudainement d’elles-mêmes à pleine vitesse, système de son défectueux, porte de coffre à gants qui te restait entre les mains. Bref, les problèmes, il les a tous eus.
Pas surprenant alors qu’à peine deux ans après en avoir pris possession, il n’était plus capable de voir sa Kia, qu’il a finalement échangée contre un Isuzu Rodeo chez un concessionnaire de véhicules d’occasion, où on lui donna un gros 2 000 $ en retour.
« Les marques coréennes, plus jamais. » Il me le dit encore à ce jour.
Me voici aujourd’hui chroniqueur automobile et je me retrouve derrière le volant d’un Kia Telluride 2020, celui qui vient de rafler un grand nombre de prix d’une foule de médias automobiles. Je m’efforce de lui trouver des défauts, mais sans succès, preuve que le constructeur en a fait du chemin en l’espace de 20 ans.
Le Kia Telluride est un tout nouveau modèle pour l’année-modèle 2020. C’est en fait la deuxième fois que Kia se lance dans le segment des VUS intermédiaires à trois rangées. Le constructeur avait déjà tenté le coup avec le Borrego, mais il fut tout simplement introduit au mauvais moment, pour finalement devenir un flop commercial.
Le Telluride représente donc un second souffle. Plus gros, plus long, et visiblement plus stylisé que le Sorento duquel son architecture est inspirée, cet utilitaire arbore un look costaud par sa forme de carrosserie cubique, ses énormes phares à DEL jaunes et sa partie arrière qui calque celle d’un produit européen. Personnellement, je le trouve tout à fait réussi en matière de design, si ce n’est de l’horrible finition protubérante en faux chrome à la base du pilier B.
De série, un Telluride est équipé d’une transmission intégrale au Canada. Son prix de départ est de 47 005 $ pour une déclinaison EX, mais notre modèle d’essai était le Telluride SXL, le roi de la montagne avec ses sièges en cuir Nappa, jantes de 20 pouces, sièges capitaines pour la deuxième rangée, sa chaîne audio Harmon Kardon, sa suspension arrière autonivelante et une foule de technologies multimédia et d’aide à la conduite. La facture totale pour le modèle que vous voyez à l’écran s’élève à 56 190 $.
Honnêtement, cette déclinaison est un peu exagérée. Nous vous suggérons plutôt de vous arrêter à un modèle SX qui en offre déjà beaucoup pour le prix.
Lorsqu’on grimpe dans l’habitacle d’un Telluride, on remarque à quel point son habitacle est bien assemblé, attrayant et haut de gamme.
Bon, le fait que nous étions à bord d’un SXL contribuait sans doute à accentuer cet effet, mais les finitions en faux bois, les plastiques à surface molle et le design global de la planche de bord confèrent au Telluride une allure moderne et sophistiquée.
Sans surprise, c’est un VUS énormément spacieux qui offre amplement de rangements et de possibilités de brancher notre appareil mobile. D’ailleurs, des ports USB ont été ingénieusement intégrés au dossier des sièges avant afin de satisfaire les occupants de la deuxième rangée. Même la troisième rangée est pourvue de deux ports USB supplémentaires pour accommoder les jouets électroniques des enfants.
Comme l’exige la nouvelle norme chez les récents produits coréens, l’instrumentation et les commandes du Telluride sont d’une simplicité et d’une efficacité exemplaire. Les cadrans analogiques peuvent paraître rudimentaires au premier regard, mais leur convivialité ne peut être ignorée. Idem pour le système multimédia qui se présente sous une interface claire, colorée et remplie de gros bon sens.
On s’y retrouve facilement et l’ajout de boutons physiques rend son utilisation agréable, surtout lorsqu’on porte une paire de gants en hiver.
Au chapitre de l’espace de chargement, le Telluride s’en tire très bien face à ses principaux concurrents. Une fois ses deux rangées de sièges rabattues au plancher, ce gros VUS permet de loger jusqu’à 2 463 litres de marchandise. Au final, il figure parmi l’un des VUS intermédiaire le plus spacieux de sa catégorie, plus volumineux même qu’un Dodge Durango (2 406 litres) et un Honda Pilot (2 375 litres) même tout de même moins logeable qu’un Volkswagen Atlas (2 741 litres).
Pour finir, la troisième rangée de sièges s’avère trop étroite une fois qu’on y prend place. Son plus gros défaut, c’est le plancher qui est trop haut et nous force à nous retrouver avec les genoux au visage. Ne les réservez donc qu’aux jeunes enfants.
Kia a compris que pour qu’un VUS intermédiaire soit performant dans son créneau, ça lui prend un moteur V6 fiable et éprouvé. C’est d’ailleurs l’une des grandes qualités de véhicules tels que Honda Pilot, Toyota Highlander et Nissan Pathfinder. À ce chapitre, le constructeur Coréen a bien fait ses devoirs.
Pas question d’un moteur turbo comme ce qu’on retrouve sous le capot d’un Subaru Ascent ou encore un Ford Explorer. Le V6 de 3,8 litres (Lambda) du Telluride est un moteur qui a plus qu’une fois fait ses preuves en matière de fiabilité chez les produits Hyundai et Genesis. Il développe ici 291 chevaux et 262 lb-pi de couple et s’associe uniquement à une boîte automatique à huit rapports.
La capacité de remorquage est chiffrée par le constructeur à 5 000 lb (2 267 kg), ce qui le positionne nez à nez avec ses principaux rivaux. Cette capacité est offerte de série, donc nul besoin d’équiper votre Telluride d’accessoires ou refroidisseurs supplémentaires.
Sur la route, le Telluride se comporte tel un véhicule beaucoup plus onéreux. En plus de présenter un habitacle bien assemblé, sa structure est solide, de sorte que ce VUS ne flanche pas lorsqu’on le conduit sur les routes du Québec au printemps.
Le moteur V6 est doux et livre ses accélérations sans tracas dans un silence absolu, sans toutefois procurer des accélérations très enivrantes. On a vu mieux du côté d’un Pilot ou même d’un Pathfinder.
Mais ça, ce n’est pas la priorité des consommateurs ciblés. Ce que le Telluride perd au chapitre de la performance, il le regagne par son niveau de qualité impossible à ignorer et son habileté à être parfaitement bien adapté à la vie quotidienne des familles modernes.
Ainsi, même si le Telluride n’est aucunement excitant à conduire, ni enclin à vous laisser le pousser à ses limites, c’est son niveau de raffinement qui nous a le plus épatés, la souplesse de sa boîte de vitesse, les reprises et la sonorité de son moteur V6, sans oublier ses confortables sièges en cuir auxquels il est impossible de résister. C’est le tout formé par cet ensemble qui lui permet de se positionner au sommet de son art.
Autrement dit, il nous a été très difficile de lui attribuer des défauts, mis à part une moyenne de consommation de 12 L/100 km qui n’est pas des plus reluisantes dans cette catégorie, ainsi que ses systèmes d’aide à la conduite un tantinet trop intrusifs à notre goût.
Quand j’ai finalement remis les clés à Kia Canada après m’être promené en Telluride 2020 en pleine crise de la COVID-19, je ne pouvais faire autrement qu’avouer que ce constructeur ne fabrique plus simplement de bonnes voitures, mais des véhicules qui triomphent bien au-delà de ce qu’offrent plusieurs constructeurs concurrents.
Le Telluride est beau, spacieux, bien fini, juste assez performant et plus polyvalent que bien des véhicules situés dans cette gamme de prix.
Pour ce qui est de recommander l’achat d’un Telluride, c’est un produit trop récent pour en brosser un portrait global. On se garde donc une réserve avant de vous le conseiller les yeux fermés. Attendons encore quelques mois avant qu’il ait fait ses preuves. Il faut aussi garder en tête que Kia nous a récemment surpris avec ses problèmes de moteurs, pour le moment attribuables uniquement aux blocs quatre cylindres. Au moins, jusqu’à preuve du contraire, ce V6 est solide.