Je me souviens de la toute première Série 8 que j’ai aperçue de ma vie. C’était une année-modèle 1997. Elle m’avait marqué par sa coupe distinguée, ses hanches bombées, ses phares escamotables et son opulence absolue.
Bien qu’aucunement fiable et extrêmement coûteuse à opérer, la Série 8 possédait néanmoins toute qu’une prestance, s’affichant comme un coupé de grand tourisme rare et exceptionnel, alimenté par un puissant moteur V12 et bourré de technologies encore considérées modernes aujourd’hui.
Comment réincarner une telle exclusivité tout en assurant une rentabilité au sein de l’entreprise, ce critère primordial devenu presque obsessif pour les constructeurs automobiles?
On ramène le produit en force avec non une, mais trois BMW Série 8 : un coupé, un cabriolet et celle-ci; une berline de grande taille à l’allure… d’un coupé!
Ainsi, BMW peut rivaliser contre plus d’un véhicule à la fois. J’imagine que c’est une stratégie marketing ingénieuse qui garantira sans doute un bon succès commercial, mais qu’en est-il du bolide en question? La M850i est-elle réellement la réincarnation du bolide de mon enfance, ou s’agit-il simplement d’un coup publicitaire pour justifier l’ajout d’un nouveau modèle à la gamme?
Nous l’avons essayée pour en avoir le cœur net.
Qu’est-ce qu’un Gran Coupé, au juste? Depuis quelques années, BMW estampe ce terme sur des berlines qui ne sont pas tout à fait cela, ou si vous préférez, des coupés auxquels on a ajouté deux portières. Cette pratique est devenue courante au sein des marques allemandes. On retrouve de telles carrosseries du côté de Mercedes-Benz avec les CLA et CLS, ainsi que chez Audi avec les A5 et A7 Sportback.
Si vous vous questionnez au sujet de la lettre M apposée aux côtés de la nomenclature, sachez qu’il ne s’agit pas ici d’une BMW M8, mais plutôt d’une Série 8 qui a été mise au point par les ingénieurs M. Une réelle M8 existe. C’est une bête entièrement différente que cette M850i.
Quoi qu’on dise au sujet des jeux de lettres du constructeur, il faut avouer que ce « grand coupé » affiche une prestance assez imposante. Dans cette déclinaison, la M850i est une grosse berline à la saveur d’une Porsche Panamera, conçue pour transporter quatre passagers en un confort absolu à des vitesses exubérantes.
La bonne nouvelle, c’est que le Gran Coupé représente la déclinaison la « moins onéreuse » de la gamme. Il faut débourser 122 100 $ pour en devenir propriétaire. C’est plus de 50 000 $ de moins qu’une Panamera Turbo de chez Porsche.
Viennent ensuite les innombrables ensembles d’options vendus à des prix complètement faramineux. À titre d’exemple, notre modèle d’essai comprenait le Groupe exécutif d’une valeur de 4 000 $, le blanc étincelant métallisé à 2 000 $ et l’habitacle en cuir mérinos noir vendu au prix de 3 500 $, pour une facture totale de 134 598 $. À ce prix-là, on n’obtient toujours pas la crème de la crème : le BMW Individual Manufaktur Package d’une valeur colossale de 15 500 $.
C’est le prix à payer pour rouler à bord un bolide aussi, soi-disant, exclusif. Mais ça, on y reviendra.
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C’est d’ailleurs le principal défaut de cette berline à vocation de grand tourisme : son design. Bien qu’élégante, cette « huit » n’évoque rien de particulièrement prestigieux, voire exclusif, surtout lorsqu’on la compare à sa concurrence.
Certes, ses phares étirés tel un félin à l’attaque et ses feux arrière à DEL au design magnifique font d’elle une BMW qui ne ressemble à rien d’autre au sein de la marque. Même la fameuse grille « rénale » s’affiche sous un style distingué et surtout moins corpulent que les récents produits du constructeur.
Toutefois, le résultat final est simplement trop sobre et homogène, surtout pour cette catégorie de voitures. L’ancienne Série 8 représentait le véhicule porte-étendard du constructeur. Un chef d’œuvres technologique qui démontrait le savoir-faire technique de BMW. Ce n’est pas le cas ici, on y voit plutôt un mélange de design et de composantes excitantes au sein de la marque.
On observe la même chose à bord de son habitacle ô combien confortable. La qualité de finition est présente et les subtiles touches esthétiques, comme le levier de vitesses en verre, sont appréciées, mais la Série 8 fait très peu pour nous convaincre qu’elle en vaut réellement le prix exigé. À ce chapitre, l’habitacle d’une Porsche Panamera ou encore d’une Mercedes-Benz CLS est visiblement plus ostentatoire. Au moins, la BMW est vendue à un prix considérablement moindre que ses principales concurrentes.
En revanche, la cabine de cette « Béhème » demeure l’une des plus fonctionnelles que j’ai vues dans ma carrière de journaliste. Bien assis dans ses énormes sièges en cuir piqué – au soutien lombaire et latéral exceptionnel – j’ai pu constater que la visibilité est hors pair, que les commandes sont d’une simplicité et d’une efficacité surprenantes et que l’interface multimédia iDrive de BMW demeure l’une des mieux réussies de l’industrie, tant en raison de sa présentation que de sa convivialité.
Fidèle aux récents produits du constructeur, la Série 8 est équipée d’une planche de bord entièrement numérique, permettant de personnaliser l’information affichée à notre guise, de modifier les couleurs ambiantes de l’habitacle ou même de se brancher à une connexion 4G en temps réel.
En outre, l’ajout des places arrière fait de la Série 8 une berline de luxe de première classe, mais seulement pour quatre passagers, puisque l’énorme console centrale – où se trouvent les commandes de ventilation et de confort des sièges – élimine la possibilité d’une troisième place.
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Si la M850i perd des points au chapitre de l’extravagance, elle les rattrape sur le plan technique. BMW a longtemps misé sur ses motorisations, performances et sensations de conduite, et à ce chapitre, ce Gran Coupé ne déçoit absolument pas.
Un seul moteur l’anime, soit un V8 biturbo de 4,4 litres d’une puissance de 523 chevaux et 553 lb-pi de couple, associé à une boîte automatique à huit rapports. La transmission intégrale xDrive s’offre de série. De telles composantes mécaniques permettent à cette berline de 4 400 livres (1 995 kg) d’effectuer le sprint 0-100 km/h en seulement 3,9 secondes grâce à son système départ canon. C’est toutefois 0,6 secondes moins rapides qu’une Panamera Turbo. Sa vitesse de pointe – chose qui ne pourra jamais être exploitée sur les routes du Québec – est limitée électroniquement à 255 km/h.
Cinq modes de conduite sont au menu : Comfort, EcoPro, Adaptative, Sport et Sport +, permettant d’alterner le comportement de la bête de façon considérable par l’ajustement de sa suspension adaptative, sa direction, sa boîte de vitesses et la sensibilité de la pédale de l’accélérateur.
En outre, trois configurations sont possibles pour la boîte de vitesses, qui peut passer d’un système automatique conventionnel, automatique sport ou entièrement manuelle via des palettes montées à même le volant.
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Malgré tant de puissance sous le capot, ne vous attendez pas à des accélérations brutales ni à une conduite indomptable. C’est d’ailleurs pour cette raison que la M850i s’avère une bagnole plus intimidante qu’une autre automobile développant autant de puissance. Elle peut facilement vous amener à franchir des vitesses de pointe ahurissantes par un moindre effort, de sorte que vous pourriez perdre votre permis de conduire en un temps éclair, sans vous en rendre compte.
Par chance, il est possible d’activer un limiteur de vitesses, chose que nous recommandons si vous ne voulez pas que votre rutilante BMW se retrouve sur une remorqueuse en raison d’un grand excès de vitesse.
Les accélérations que procure cette voiture sont complètement cinglées. Idem pour la puissance de ses freins et sa tenue de route étonnement agile compte tenu de son gabarit.
J’ai été toutefois déçu de la calibration de la suspension en générale. Même en mode confort, elle demeure beaucoup trop ferme. L’irritant majeur, c’est que lorsqu’on active les modes Sport ou Sport +, la M850i n’est pas ni une athlète de première classe. Son poids se fait ressentir dans les courbes, on la sent toujours un peu maladroite.
Certes, il est possible d’attaquer un virage prononcé de plein fouet sans déstabiliser le véhicule, mais cette Série 8 préfère de loin la conduite décontractée.
Sa plus grande qualité, c’est l’indissociable harmonie entre sa mécanique et le conducteur. Le moteur V8 est doux, prime et émet une sonorité du tonnerre, sans être trop agaçant. C’est pareil pour les subtiles pétarades que crachent ses tuyaux d’échappement lorsqu’on passe d’un rapport à l’autre. Et que dire de sa direction précise à laquelle on a greffé un des meilleurs volants de l’industrie? Un réel plaisir à conduire.
En somme, même si elle s’avère un peu molasse dans les virages, au chapitre de la conduite, la M850i est un charme, démontrant encore une fois que BMW domine sur ce plan.
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Or donc, la BMW M850i Gran Coupé 2020 réussit-elle à recapturer la magie de l’originale, celle qui me fait encore rêver aujourd’hui? La réponse est non. Cette bagnole – qu’elle soit déclinée en coupé, cabriolet ou berline – est tout simplement trop sobre et pas assez insolite pour recréer une telle aura d’exclusivité.
Sachez toutefois que cette « béhème », c’est de l’artillerie lourde, un produit qui talonne, tant aux chapitres de la performance et du grand luxe, une Porsche Panamera, une Audi RS7 Sportback, et une Mercedes-AMG CLS 53 4MATIC+ à un prix beaucoup moins gonflé.
Est-ce qu’on la recommande? La fiabilité n’étant pas un critère valable dans cette catégorie de voitures - car aucun des modèles proposés ne le sont - nous allons plutôt nous pencher sur la valeur qualité prix. À ce niveau, cette BMW l’emporte tout simplement sur son opposition germanique.