Est-ce que les lois de la nature auront raison de certains constructeurs automobiles qui tardent à se lancer dans l’électrification ? Les journalistes de RPM se penchent sur la question.
Pierre Michaud
Ça ne sera pas facile !
Ils sont presque tous pris à mal les constructeurs d’automobiles face à ce défi colossal de l’électrification. On ne parle pas là que d’un changement technologique, on parle plutôt de philosophie d’entreprise. Et concernant cet aspect, il y en a qui en arrachent.
- À LIRE AUSSI : La voiture électrique finira-t-elle par s’imposer?
- À LIRE AUSSI : Comment expliquez-vous la réticence des consommateurs à passer à la voiture électrique?
Car, malgré la belle publicité, toujours tournée dans un environnement d’une beauté absolue, certains constructeurs semblent mettre plus d’énergie à lutter contre l’établissement de nouvelles normes d’émissions que de travailler assidûment au développement d’une nouvelle génération de produits verts.
Parmi ceux-ci, Toyota me semble avoir beaucoup de misère à suivre la cadence alors que le géant japonais ne se concentre que sur les modèles hybrides. Ce n’est pas rassurant non plus pour ses partenaires comme Subaru et Mazda qui dépendent de Toyota pour leur propre électrification. Heureusement, Nissan file à toute allure vers l’électrification, et Honda, grâce à son solide partenariat avec GM, semble remonter la pente après avoir elle aussi été tardive dans sa réaction face à l’électrification.
D’un autre côté, et j’avoue que c’est plus que surprenant, les constructeurs GM et Ford y vont à fond la caisse dans l’électrification. La Bolt EV et la Mustang Mach-E sont de beaux exemples de succès qui rivalisent déjà, à certains égards, avec Tesla, encore maître incontesté de l’électrification.
Quant aux Européens, malgré tout leur savoir-faire et leur impressionnante force industrielle, seul VW, celle-là même qui, il y a à peine 5 ans, était à l’origine du scandale sur le Diesel, me semble en bonne voie de réussir son pari de l’électrification en prenant comme modèle, selon son propre président, le constructeur américain Tesla.
J’en aurais encore long à dire et j’imagine que j’aurai l’occasion d’y revenir. Mais, pour le moment, je ne m’engage pas dans qui survivra ou pas. Je dis simplement que les constructeurs qui sont actuellement plongés dans la transition et qui distribuent déjà des modèles électrifiés ont une longueur d’avance. En principe, ce sont eux qui survivront aux nouvelles normes d’émissions qui arrivent à grand pas, qu’ils le veulent ou non. La survie de notre espèce en dépend.
Luc-Olivier Chamberland
Darwin, ce cher Darwin. Avec sa théorie dictant les lois de la nature qui disent que, si l’on ne s’adapte pas à son environnement, on est appelé à disparaître, est bien vraie et s’applique aussi au monde de l’automobile.
Les constructeurs d’automobiles sont au sommet de leur évolution dans leur forme actuelle. Les moteurs thermiques, même s’ils sont plus efficaces que jamais, arrivent au bout de leurs possibilités. De là le défi de tout effacer et de recommencer dans l’électrification.
Même si l’on est porté à croire que le passage d’une technologie à l’autre est facile, ce n’est pas du tout le cas. Les constructeurs sont pris avec des structures et des organisations et sont réticents aux changements pour une multitude de causes. Il suffit de regarder le géant Volkswagen, qui vend pourtant 10 millions de véhicules par année ; il peine à sortir des motorisations électriques avec une autonomie supérieure à ce qu’offre Tesla qui, elle, n’a pas encore vendu plus de 500 000 exemplaires en un an.
Considérant les coûts considérables pour la conception de technologies électriques, des constructeurs devront s’associer et faire des partenariats pour assurer leur survie. Non seulement se trouver des amis, mais des amis qui ont une technologie d’électrification. Ceux-ci devront y voir un intérêt à la partager en plus de considérer les infrastructures pour construire les véhicules. Plus le constructeur est petit, plus il a besoin d’un ami imposant pour se sauver.
Samuel Lessard
Considérant que le défi de l’électrification est certainement l’un des plus grands bouleversements que subit l’industrie de l’automobile depuis son début, il y aura forcément des écorchés. Certes, certains constructeurs sont en bonne position. L’exemple facile est évidemment celui de Tesla, qui a prouvé qu’elle était là pour rester même si sa santé financière a incité plusieurs observateurs à prononcer sa mort imminente à plusieurs reprises. Même chose pour GM et Ford qui se servent de leurs ventes de véhicules à moteur thermique pour générer des profits qui sont ensuite pompés massivement dans le développement de véhicules électriques. Brillante stratégie, s’il en est une.
Ceux qui m’inquiètent le plus sont les marques superflues ou dont la pertinence est questionnable parce qu’elles ont été laissées à l’abandon avec les années. Je pense entre autres à Chrysler, qui ne propose que trois modèles, dont deux presque identiques (Pacifica et Grand Caravan). J’ai aussi en tête Dodge qui est à la dérive depuis trop longtemps, alors que son plus récent modèle remonte à 2011. Que dire aussi de Mitsubishi qui a perdu des plumes et qui est en train de devenir une copie de Nissan. Ces marques risquent d’être avalées dans un effort de rationnement pour limiter les coûts et se concentrer sur ce qui compte vraiment.
Contrairement à certains de mes collègues, je n’ai pas peur pour les petits constructeurs dont les ressources financières sont limitées comme Subaru ou Mazda. Certes, ils auront sans doute la vie dure dans les prochaines années, mais je pense néanmoins qu’ils auront l’intelligence de s’associer avec de grands joueurs pour passer à travers. C’est d’ailleurs ce que fait Subaru avec Toyota pour la Crosstrek Hybrid.
Dans tous les cas, ce ne sont que des suppositions. La patience est de mise pour connaître le fin mot de l’histoire. Et ce sera très certainement intéressant à suivre !
Sylvain Raymond
Question intéressante, je dirais plutôt que l’heure est à la consolidation. Je ne crois pas que des constructeurs vont disparaître à court terme, mais on assiste déjà depuis quelques années à de multiples regroupements et alliances stratégiques. J’ai bien l’impression que la tendance ne va que se renforcer. Les constructeurs font face à des défis importants, notamment dans le cas de l’électrification. Les investissements nécessaires à leur survie sont colossaux, et plusieurs n’ont pas les capitaux nécessaires. Ils créent donc des alliances de toutes sortes afin de partager les technologies et les coûts de développement.
Cette stratégie permet ainsi aux plus petits constructeurs de survivre dans une nouvelle structure plutôt que de simplement disparaître. La plus récente preuve, c’est Mitsubishi, le constructeur s’est associé au groupe Renault-Nissan pour le développement de nouveaux modèles. La prochaine génération de l’Outlander est directement issue de cette alliance.
On verra sans aucun doute la fin de plusieurs modèles, mais il serait étonnant de voir des constructeurs disparaître. On risque au contraire de voir l’émergence de plusieurs petits joueurs, surtout dans l’électrique. Reste à voir si ces derniers réussiront à survivre.
William Clavey
En effet, le virage vers l’électrification apporte une foule de nouveaux défis pour les constructeurs d’automobiles, mais, à mon avis, cette nouvelle réalité ne fera pas disparaître certaines marques. Au contraire, j’y vois plutôt un accroissement des constructeurs existants et, surtout, encore plus de conglomérats.
Déjà, depuis l’arrivée de l’électrification, nous avons été témoins de l’apparition d’un bon nombre de nouveaux constructeurs, comme Tesla, Rivian, Polestar et Lucid, sans compter Nio, en Chine, et plusieurs autres constructeurs du type entreprise émergente. Parlant de la Chine, Geely, le géant chinois derrière Volvo et Polestar, serait même sur le point de développer une nouvelle marque de luxe pour contrer Tesla qu’elle nommera Zeekr.
Pour ce qui est des constructeurs existants, certains événements récents nous ont démontré que les grandes entreprises d’automobiles ne semblent pas prêtes à laisser mourir les marques désuètes. Il n’y a pas si longtemps, le conglomérat Stellantis (fusion de FCA et PSA) confirmait que Chrysler ne va nulle part. Le groupe Volkswagen, quant à lui, vient tout juste d’annoncer que Bugatti sera sous le contrôle de Porsche avec une participation importante du constructeur de supervoitures électriques Rimac.
Le fait que les technologies électriques simplifieront la manière dont une voiture sera assemblée, et que les technologies seront partagées d’une marque à l’autre, fera en sorte que les constructeurs pourront élargir l’offre des marques et des modèles offerts. À mes yeux, la ruée vers l’électrification ne fera qu’augmenter la quantité de marques d’automobiles.
POURRAIT VOUS INTÉRESSER
VIDÉO : Pourquoi les voitures électriques ne sont-elles pas autosuffisantes?