Souvenez-vous, en 2011, l’onde de choc qu’a créé Ford en installant sous le capot de ses F-150 un moteur V6 3,5 litres turbocompressé qui s’opposait directement aux moteurs V8 de la catégorie. Les commentaires dénotant le manque de sérieux de la chose fusaient de toute part.
Huit ans plus tard, force est de constater que les sceptiques ont été confondus. Ford a récemment diminué la production de son V8 5,0 litres destiné au F-150 en raison de sa baisse de popularité, au profit de l’EcoBoost.
Voilà que GM renvoie l’ascenseur à Ford avec le lancement des GMC Sierra et Chevrolet Silverado 2019 qui peuvent, tous deux, être équipés du premier moteur quatre cylindres. Sans surprise, le même scepticisme qu’en 2011 s’est propagé.
GM m’a convié à un essai du GMC Sierra Elevation 2019, dans la magnifique région de la Montérégie. C’est là que j’ai pu découvrir si ce scepticisme est fondé.
Affûtez vos sens : il n’y a pas beaucoup d’éléments qui vous permettent de déterminer s’il y a un quatre-cylindres sous le capot de ce mastodonte. En fait, une seule différence est visible : l’écusson sur chacune des ailes avant est maintenant en plastique noir, laissant de côté l’appellation du moteur – par exemple « V8 6.2 » – qu’on retrouve sur les autres versions.
GMC souhaite capitaliser sur la version Elevation qui vient se positionner entre les SLE et SLT. Il s’agit d’un ensemble essentiellement esthétique qui ajoute à l’équipement de la version SLE les roues de 20 pouces, les pare-chocs de couleur harmonisée et les phares antibrouillard.
Ce sont des éléments qui, selon GMC, visent à conquérir de nouveaux clients chez les acheteurs de marques concurrentes. Leur but est également d’attirer une clientèle plus jeune, qui sera éventuellement intéressée d’acheter d’autres produits de la gamme GMC, comme le Sierra Denali. Pour le moment, la stratégie Elevation semble fonctionner puisque cette version compte pour environ 22 % de tous les Sierra vendus au Canada.
Comme vous avez pu me l’entendre dire à quelques reprises, l’habitacle du GMC Sierra 2019 est source de déception. Premièrement, la qualité des matériaux n’est pas à la hauteur de ce à quoi on s’attend d’un véhicule dispendieux comme un camion. Il n’est pas non plus très ergonomique. La console centrale large et non modulable donne peu d’espace de rangement, ce qui fait contraste avec le champion de la catégorie, le Ram 1500 2019. Et globalement, le design n’est pas très joyeux.
Ces trois points n’empêchent toutefois pas l’habitacle du GMC Sierra d’avoir certaines qualités. Mentionnons l’excellent confort des sièges, qui sont d’ailleurs facilement accessibles en raison de la très grande ouverture des portières et des marchepieds bien positionnés. La visibilité n’est pas trop à critiquer non plus malgré la grosseur des appuie-têtes arrière. Finalement, la facilité d’utilisation de la plupart des commandes est à saluer.
Revenons au point central : le moteur. Il s’agit d’un quatre-cylindres turbocompressé de 2,7 litres qui produit une puissance de 310 chevaux à 5 600 tr/min et un couple notable de 348 lb-pi entre 1 500 et 4 000 tr/min. Bourré de technologies, ce moulin tout en aluminium propose l’injection directe de carburant, la désactivation des cylindres et le système arrêt-démarrage. La boîte automatique à huit rapports est la seule disponible, mais vous pouvez commander votre camion en configuration deux roues ou quatre roues motrices. Seules les versions SLE et Elevation peuvent être équipées du moteur quatre cylindres.
Avec sa suspension indépendante à l’avant et son pont rigide avec ressorts à lames à l’arrière, le GMC Sierra à quatre cylindres peut remorquer jusqu’à 3 136 kg (6 900 lb), ce qui est quand même limité pour un camion. Le reste de la camionnette est, pour ainsi dire, identique aux versions à moteur V8.
Je dois admettre qu’un doute sans précédent avait envahi mon esprit à l’idée de conduire ce camion à la motorisation inusitée. Comment un moteur de si petite cylindrée pourrait-il convaincre les inconditionnels du V8?
Ce n’est pas le démarrage du moteur qui a dissipé le doute qui m’habitait. Le son transmis dans l’habitacle ressemble davantage à celui d’une Chevrolet Cruze qu’à celui d’un bon vieux V8 à culbuteurs. Un peu inhabituel, mais gardons l’esprit ouvert.
En conduite, le petit quatre-cylindres démontre un punch surprenant à bas régime, comme le laissait présager le couple de 348 lb-pi disponible à partir de 1 500 tr/min. L’accélération jusqu’à une vitesse de 100 km/h se fait sans fla-fla, avec une poussée continue. On reconnaît là le comportement typique – et très agréable – des mécaniques turbocompressées.
En conduite urbaine, la quiétude est ébranlée à l’occasion par une transmission à huit rapports qui ne sait pas toujours sur quel pied danser. Un fois que celle-ci est concentrée à la tâche, on se surprend à apprécier le rendement général de la mécanique, qui répond présent quand on lui demande de se manifester.
Comme c’est le même camion, la même suspension sautillante nous brasse le popotin, alors que la direction déconnectée sape un tant soit peu le plaisir au volant.
Malheureusement, impossible de confirmer la consommation de carburant puisque l’essai a été trop bref. Ce sera à déterminer plus tard. Par contre, excellente note pour le système arrêt-démarrage qui sait se faire oublier.
En conduisant la camionnette à quatre cylindres, j’ai compris que ce moteur ne s’adresse pas aux acheteurs de V8. Il est plutôt destiné aux consommateurs qui n’ont pas réellement besoin d’un camion avec une telle puissance, mais qui souhaitent en posséder un pour le confort ainsi que pour la commodité et le sentiment de sécurité qu’il procure. Dans cette optique, le quatre-cylindres turbo livre la marchandise.
Je vois également un avantage pour ces acheteurs : un moteur de ce type permet d’éviter la surcharge d’immatriculation liée à la cylindrée. Un avantage non négligeable quand on souhaite conserver le camion à long terme!
Est-ce que GMC viendra à bout de persuader la clientèle qu’un moteur quatre cylindres peut faire l’affaire dans un camion? Les acheteurs traditionnels de camionnettes seront-ils conquis par cette mécanique? C’est possible. Mais comme le marché est très traditionnel et que ce petit moulin demande un surplus à l’achat, j’ai plutôt l’impression que les ventes seront marginales… à moins qu’il profite du même sort que le V6 EcoBoost de Ford!