Quand on pense à des modèles iconiques, comme la Ford Mustang, la Chevrolet Corvette ou la Porsche 911, on remonte habituellement au tout premier exemplaire. Ce premier venu, qui a, en quelque sorte, bouleversé l’industrie de l’automobile, a créé une onde de choc telle qu’il a persisté durant plusieurs générations et connu toutes sortes de perturbations sociales, économiques et environnementales.
Trop souvent toutefois, on a tendance à oublier la Mercedes-Benz SL dont les racines remontent à la fin des années 1950. Elle a ensuite donné naissance à pas moins de 7 générations et est toujours commercialisée en 2023. Si la SL existe encore aujourd’hui, c’est que la première version a été un modèle charnière pour le constructeur, au point de définir son image.
C’est en marge du prestigieux événement Monterey Car Week, à Pebble Beach, avec l’équipe de Mercedes-Benz Classic, que j’ai eu la chance de mettre à l’essai cette rutilante Mercedes-Benz 300SL d’année modèle 1963 dans sa version Roadster.
Une voiture de course pour la route
Introduite d’abord en 1954 à titre de modèle à toit rigide, la toute première 300SL était, en réalité, un dérivé de la voiture de course W194 qui a remporté plusieurs victoires, notamment les 24 Heures du Mans, en 1952.
L’idée de commercialiser une version adaptée pour la route est venue de l’importateur américain Max Hoffman en 1953 afin de stimuler l’industrie de l’automobile américaine dans un contexte d’après-guerre. Mercedes-Benz a approuvé le projet en 1954. La SL, équipée de ses fameuses portes « Gullwing », est arrivée sur la scène et a introduit une panoplie de technologies de pointe pour l’époque.
À titre d’exemple, elle a été la première voiture de production équipée d’un système d’injection de carburant. Elle était également équipée d’une suspension à 4 roues indépendantes, de panneaux de carrosserie composés d’aluminium pour réduire sa masse nette et affichait une vitesse de pointe de 263 kilomètres/heure, ce qui lui permettait d’avoir le titre de voiture de production la plus rapide du monde à l’époque.
Le Roadster de Pierre Trudeau
C’est en 1956, en raison de ventes décroissantes, que Mercedes-Benz a eu l’idée d’ajouter une version cabriolet à la gamme. Présentée au Salon de Genève au mois de mars de la même année, le 300SL Roadster avait surtout été conçu pour le marché californien, là où elle a d’abord été introduite en 1957.
Ce modèle a effectivement permis à Mercedes-Benz de mousser ses ventes. Le Roadster a été tellement bien reçu par le public que le constructeur l’a préservé au sein de sa gamme plus longtemps que la Gullwing soit jusqu’en 1963, six ans après le retrait de sa jumelle. Vers la fin de son cycle de vie, il avait reçu quelques révisions techniques, comme des freins à disque aux 4 roues pour remplacer les freins à tambour, ainsi qu’une révision du ratio de l’essieu arrière pour de meilleures performances.
Voici un autre fait intéressant entourant le Roadster Mercedes-Benz 300SL : Pierre-Elliott Trudeau en a été le propriétaire durant son mandat à titre de premier ministre du Canada. On raconte que, à la sortie du 24 rue Sussex, au volant de son Roadster, M. Trudeau, entouré de journalistes, est parti comme une bombe pour enfin retourner sur les lieux afin d’envoyer à la presse un doigt d’honneur. Aujourd’hui, la voiture appartient à son fils, Justin.
Un moteur révolutionnaire pour son époque
Parmi les innovations que la SL apportait sur la table, notons son moteur qui était carrément tiré de la voiture de course dont il dérivait. Très avancé pour son temps, il s’agissait d’un 6-cylindres en ligne de 3 litres refroidi par liquide et équipé d’un arbre à cames installé au-dessus de la culasse. Le moteur disposait de 2 soupapes par cylindre, d’un système d’injection mécanique de carburant fourni par Bosch et d’un système de lubrification à carter sec.
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Si la Gullwing avait été introduite avec le moteur M198 dont le taux de compression était de 8,55 : 1, le Roadster était plutôt mû par une version améliorée de ce moteur qui voyait son taux de compression passer à 9,5 : 1. Ceci lui permettait de développer une puissance de 240 chevaux au lieu de 212 et de produire un couple de 217 livres-pieds au lieu de 203. La 300SL était une propulsion et ne pouvait être livrée qu’avec une boîte de vitesses manuelle à 4 rapports.
Une voiture d’une valeur de plus de 1,2 million $
L’exemplaire à l’essai appartient à Mercedes-Benz. Le constructeur avait organisé un roadtrip pour quelques journalistes pour leur permettre de conduire quelques modèles classiques à partir de Los Angeles jusqu’à Pebble Beach, là où les véhicules seraient exposés au présentoir du constructeur. Selon les employés du constructeur, ce Roadster 300SL est à vendre et affiche une valeur de plus de 1,2 million $ US.
J’avoue que de conduire une voiture aussi chère me stressait énormément, mais étant donné que M. Peter Becker, responsable des Communications du musée Mercedes-Benz, à Stuttgart, m’accompagnait durant ma balade, je me suis rapidement senti plus à l’aise. M. Becker a également pris le temps de m’expliquer que l’auto avait été achetée par son ancien propriétaire à peine 2 semaines avant les événements de Pebble Beach, et que l’équipe de Mercedes-Benz Classic avait fait un travail colossal de la restaurer en si peu de temps.
Le 300SL est comme un bijou. En l’approchant, je réalisais immédiatement qu’il s’agissait d’un produit de qualité par son design, sa construction et des éléments de chrome qui brillaient sous le chaud soleil californien. Ses cuirs véritables n’avaient pas une ride, et sa planche de bord parsemée de cuirs et d’un design style Art déco étaient intemporelle. Cette voiture est un œuvre d’art sur 4 roues.
Se glisser dans ce classique nécessite un peu de contorsion, surtout si l’on est grand. D’abord, on doit traverser cet énorme seuil de portière, et ce, sans rien accrocher par peur de briser ou de salir quoi que ce soit. Et une fois à bord, son habitacle clos, ses sièges sans appui-tête et sans ceinture de sécurité nous font vraiment réaliser qu’on est à bord d’un bolide d’une autre époque. Malgré les dimensions lilliputiennes de l’habitacle, toutefois, le 300SL demeure confortable.
Ma séance de conduite s’est surtout déroulée sur la fameuse 17 Mile Drive, en marge du Concours d’élégance. Sur cette route qui sillonne la mer, on rencontre une foule d’admirateurs sur notre passage en raison de cet événement fort populaire. Malgré la quantité incalculable de supervoitures modernes qui m’entouraient, jamais le 300SL n’a manqué d’attirer les regards. Même la plus jeune génération, téléphone à la main pour filmer une story, saisissait l’occasion de capter l’une des Mercedes-Benz les plus iconiques de l’histoire.
La conduite d’un 300SL est étonnamment moderne compte tenu de son âge. Il s’agissait après tout d’une voiture de course pour la route et ça se sent dès qu’on enfonce la pédale de l’accélérateur. Le 6-cylindres rugit et plus il grimpe dans les tours, plus il hurle, ce qui rend l’expérience à ciel ouvert encore plus engageante. Les longs rapports de vitesses nous permettent vraiment d’exploiter le plein potentiel du moteur.
Le Roadster n’est pas rapide, mais il respire cette aura de sportivité qu’adorent les amateurs de conduite. Même que la tenue de route m’a réellement impressionné. Sans être une athlète, cette vieille Mercedes-Benz attaquait les courbes de Pebble Beach sans soucis.
Mais malgré le plaisir que j’ai ressenti derrière son volant, la 300SL m’a rapidement montré son âge lorsque nous nous sommes coincés dans le trafic en revenant vers l’événement. Sous une chaleur accablante, son pauvre système de refroidissement ne fournissait tout simplement pas. Tandis que l’habitacle nous envahissait d’une chaleur insupportable, nous devions périodiquement éteindre le moteur afin d’éviter de l’abîmer. Toute une aventure!
Conduire cette icône a néanmoins été une expérience inoubliable. Espérons maintenant que son acheteur s’assurera de bien la préserver sans toutefois s’empêcher de la conduire comme elle le mérite.
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