En 1974, le célèbre joueur de hockey Tim Horton – fondateur de la chaîne de restaurants du même nom – s’est tué au volant de sa DeTomaso Pantera. Cet accident tragique impliquait alcool et excès de vitesse sur l’autoroute Queen Elizabeth, entre Toronto et les chutes du Niagara.
M. Horton, 44 ans, a perdu le contrôle de sa voiture qui s’est retrouvée à l’envers sur la chaussée à la suite d’un capotage spectaculaire. Son corps a été retrouvé à 37 mètres de sa voiture.
Dix ans plus tard, la Pantera faisait une autre victime. Il s’agissait, cette fois, du batteur Razzle du groupe rock Hanoi Rocks. Assis dans le siège du passager, il est décédé sur le coup à la suite d’une collision frontale. Au volant du bolide, le chanteur Vince Neil, du groupe Mötley Crüe, s’en est miraculeusement sorti.
Plusieurs personnalités publiques ont été propriétaires d’une Pantera, comme les coureurs automobiles Mario Andretti et Jackie Stewart. Et n’oublions surtout pas la Pantera rose de Liv Lindeland, la Playboy Playmate de l’année 1972.
Avec un parcours aussi coloré, il est impossible de ne pas comparer la Pantera à la vie déchaînée d’une rock star. Revisitons-là pour nous souvenir de l’une des supervoitures les plus fascinantes de l’industrie de l’automobile italienne.

Histoire du modèle
L’Argentin Alejandro de Tomaso, qui vivait en Italie, croyait en la fiabilité des moteurs américains. C’est ce qui l’a incité à faire affaire avec Ford lors de la mise en marché de sa Mangusta, une élégante sportive mue par les moteurs V8 de 289 et de 302 pouces cubes du constructeur de Dearborn.
S’inspirant du succès de ce modèle, DeTomaso voyait encore plus grand pour son prochain projet. La Pantera, prévue pour l’année modèle 1971, aurait une fois de plus recours à un moteur Ford. Le constructeur voulait toutefois élargir ses opérations de vente en territoire nord-américain. Une entente a donc été établie entre Lee Iacocca de Ford et M. de Tomaso pour que la Pantera soit commercialisée aux États-Unis et au Canada par l’entremise du réseau de distribution du géant américain.
Ford, de son côté, aimait l’idée de vendre une supervoiture européenne porte-étendard d’une marque reconnue dans ses concessions Lincoln-Mercury, question de rehausser sa réputation dans le créneau des véhicules de luxe.
La toute première Pantera L débarquait sur notre marché au début des années 1970. Elle a été vendue ici jusqu’en 1975 pour enfin retourner en Europe.
Le modèle a toutefois continué à être commercialisé sur d’autres marchés jusqu’en 1990. Rendu à la fin de son cycle de vie, le véhicule avait grandement évolué, s’affichant comme un produit nettement mieux construit, plus performant et amélioré en matière d’ergonomie. De Tomaso l’a même inscrit dans des épreuves de course à quelques reprises.
Fait cocasse : même si la Pantera était assemblée à Modène, en Italie, quelqu’un qui demeurait en Italie ne pouvait pas en faire l’acquisition localement. Il fallait absolument l’acheter par l’entremise d’une concession Lincoln-Mercury aux États-Unis.

Moteurs, boîtes de vitesses et données techniques
Installé au centre arrière de la Pantera, on retrouvait un V8 de 5,8 litres (351 pouces cubes) construit par Ford à son usine de Cleveland, en Ohio. Il porte d’ailleurs le célèbre nom 351 Cleveland. Ce moteur était déjà bien connu, ayant fait ses preuves sous le capot de certains modèles du constructeur, dont la Mustang.
Dessinée par le carrossier italien Ghia, la Pantera proposait une mécanique qui développait une puissance de 325 chevaux et produisait un couple de 344 livres-pieds au moment de sa commercialisation. Le moteur Cleveland était jumelé à une boîte de vitesses manuelle à 5 rapports fournie par l’équipementier allemand ZF. Cette boîte de vitesses avait la particularité d’être installée directement sur le train arrière, là où la Pantera acheminait toute sa puissance et son couple.
En général, la Pantera était assez fiable en raison de la simplicité de sa mécanique. Ses frais d’entretien étaient nettement moins élevés que ceux d’une italienne typique. Le modèle a toutefois été victime de quelques défauts de conception, notamment au chapitre de la lubrification d’huile, pouvant rapidement mener à une perte de compression.
Outre ce défaut que plusieurs propriétaires ont rectifié par la suite, il s’agit de l’une des sportives italiennes les plus fiables de l’histoire.

Impressions de conduite
L’exemplaire à l’essai a reçu quelques modifications, notamment au niveau du pare-chocs avant où l’on retrouve une bavette vers le bas. Il s’agit d’une modification très commune pour ce modèle. Le propriétaire en a également profité pour exposer le moteur et y ajouter du chrome pour qu’on prenne bien conscience de son existence.
Le volant a aussi été remplacé par un modèle recouvert de bois. Le propriétaire témoigne que ce volant est plus agréable que celui d’origine, car il est plus gros. Rappelons que la Pantera n’était pas équipée d’une servodirection.
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L’autre fait intéressant au sujet de cet exemplaire, c’est qu’il est régulièrement utilisé. Son propriétaire dit la conduire dans toutes les conditions météo – sauf durant hiver –, et ce, depuis qu’il l’a acquis il y a de ça plus de 30 ans. Il m’a d’ailleurs raconté une foule d’anecdotes amusantes dont des voyages jusqu’en Floride avec sa conjointe à bord de ce bolide.
Avec du recul, ces anecdotes me semblent totalement irréalistes, car la Pantera n’affiche aucunement les qualités d’une voiture de road trip. Dès que j’ai ouvert la portière du côté conducteur, je me suis mis à me gratter la tête quant à comment je réussirais à insérer mon corps de 1,82 mètre dans son cockpit clos.

Pour y accéder, j’ai dû faire toute une manœuvre de contorsion. Le toit étant très bas, il fallait que je me penche d’abord la tête. Évidemment, le siège ne se recule pas de beaucoup. Un volant non réglable nous poignarde la jambe droite pendant qu’on fouille pour un semblant de confort.
Une gigantesque bosse dans le plancher à gauche – causée par l’aile de l’auto – nous force à prendre une position de conduite bizarre; les jambes vers la droite et le torse vers la gauche en raison d’un sérieux désalignement entre les pédales et le volant.
Plié en deux avec ma tête penchée vers la droite, j’ai donc enfoncé la pédale d’embrayage pour démarrer le monstre. J’ai eu la sensation de tenter de pousser un bloc de béton avec ma jambe gauche.
Ça n’a toutefois pas été long avant que le Cleveland ne se mette à rugir derrière ma tête. Dans une Pantera, il est vraiment derrière notre tête, au point où on ne voit que ses deux gigantesques culasses dans le rétroviseur. C’est à ce moment que je me suis souvenu de toutes les histoires d’accidents mortels en lien avec cette créature, et que l’adrénaline s’est rapidement mise à circuler dans mes veines.
Engager le premier rapport dans une Pantera requiert un peu de muscle et beaucoup de précision. Son colosse levier de vitesses exige de sauvagement le ramasser avec une main ferme et de l’envoyer vers le bas à gauche avec vigueur. Au même moment, il faut s’assurer de bien tenir la pédale d’embrayage enfoncée au plancher, sinon le premier rapport ne s’engage pas. Avant même d’avoir embrayé, mon mollet gauche était sur le point d’exploser.

Au décollage, j’ai immédiatement remarqué la force brute de cette motorisation qui nous pousse le derrière comme si elle voulait s’évader de son compartiment. La Pantera commande le respect car, même avec ses corpulents pneus de 325 millimètres de largeur à l’arrière, cette panthère ne se gênera pas pour nous envelopper autour d’un poteau de téléphone dès la moindre inattention.
Les rapports sont très longs – on atteint presque 80 kilomètres/heure sur le 1er rapport – et la livrée de puissance est instantanée et linéaire, une caractéristique de cette grosse cylindrée et le fait que le moteur déballe plus de couple de que puissance.
Plus on roule vite, plus la direction s’allège, conférant au véhicule un degré de précision remarquable. Le fait que le devant du véhicule soit si léger par l’absence d’un moteur l’aide beaucoup. De plus, on est assis sur la pointe de l’auto, ce qui nous octroie une belle visibilité, même si on a l’impression d’être couché sur la route !
Comme un go-kart, la Pantera répondait rapidement à mes commandes, ce qui me permettait de l’inscrire rapidement dans un virage. J’ai été impressionné par son degré d’adhérence. Il faut toutefois être doux avec l’accélérateur en sortie de courbe afin d’éviter un survirage extrême.

Cela dit, les suspensions de ce bolide m’ont ému par leur douceur de fonctionnement sur les routes abîmées du Québec. En outre, malgré une aussi basse garde au sol, jamais la voiture n’a accroché l’asphalte imparfaite. Son propriétaire témoigne d’ailleurs qu’il ne l’a jamais éraflée.
Et quelle sonorité ! L’inconfort d’une Pantera se dissout dès qu’on écrase l’accélérateur. Tout l’habitacle s’inonde d’un vacarme typiquement américain. Une forte odeur d’essence nous bourre les narines. La Pantera hurle, pète, grogne et relâche d’extraordinaires retours de flammes (backfire) quand on relâche l’accélérateur.
Comme le chanteur d’un groupe rock des années 1970, elle ne passe pas par quatre chemins pour annoncer sa présence sur scène. Toutes les têtes étaient rivées sur moi, y compris une patrouille de police que j’ai croisée sur mon chemin. Je ne passais vraiment pas inaperçu.
Sortir de la Pantera s’est révélé tout aussi douloureux que d’y entrer. J’ai encore une marque sur mon genou causé par le bois du volant qui me brûlait la peau à chaque fois que je le tournais. C’est ça, conduire une DeTomaso Pantera : un acte physique et stressant qui nous force à utiliser tous les muscles et les nerfs de notre corps. C’est une machine qui nous injecte de l’euphorie dans les veines, amplifiée par une peur de devenir une autre de ses victimes.
Au retour, je me suis assuré d’aller chercher un café chez Tim Horton’s. Il était bon et réconfortant. Disons que je ne verrai plus jamais ce restaurant de la même manière.