Si les constructeurs d’automobiles multiplient aujourd’hui les divisions de performances, il fut une époque où Mercedes-AMG était seule sur son étoile. En effet, il faut remonter aussi loin que 1967 pour retrouver les premiers véhicules Mercedes-Benz modifiés par AMG, une création des ingénieurs mécaniques Hans Werner Aufrecht et Erhard Melcher.
Au fil des années, AMG s’est fait un nom grâce à sa capacité de pouvoir ajouter de la sportivité aux véhicules de Mercedes-Benz ; elle a aussi assisté le constructeur dans le développement de ses voitures de course. C’est cette harmonie entre les deux parties qui leur a longtemps permis de concevoir des bolides uniques et exclusifs.
Durant la riche histoire d’AMG, toutefois, il y a eu un moment charnière où elle est passée d’un simple équipementier qui ajoutait de la puissance à des berlines de grand luxe à un véritable concepteur de voitures de performances capables de s’en prendre à l’élite des constructeurs de voitures de sport, Porsche, Ferrari et BMW, notamment. C’est avec des modèles comme la CLK 63 Black Series que Mercedes-AMG a donné naissance à une nouvelle ère de performances.
Pour célébrer les victoires en DTM
La CLK 63 Black Series était en quelque sorte une célébration de la version de course de la CLK C209, ce coupé de luxe que Mercedes-Benz a commercialisé chez nous et ailleurs dans le monde de 2003 à 2010. En course automobile, particulièrement dans les épreuves de DTM (pour Deutsche Tourenwagen Masters, ou German Touring Car Masters) où elle a remporté par moins de 84 victoires, la CLK est, encore à ce jour, la voiture DTM qui a remporté le plus de victoires dans l’histoire de l’épreuve.
Un tel succès a motivé Mercedes-AMG à construire des versions de production inspirées du bolide de DTM. Il y a d’abord eu la CLK DTM AMG en 2004, commercialisée en quantité très limitée et pour le marché européen seulement.
Ensuite, en 2007, Mercedes-AMG a introduit la CLK 63 Black Series, une série de modèles hautement exclusifs qui, selon les dires de Mercedes-Benz, incorporaient le maximum de la technologie que proposait AMG. Toutes les versions Black Series étaient basées sur des modèles à 2 portières. Ils profitaient également d’une réduction du poids et de plusieurs améliorations techniques afin d’augmenter leurs performances sur circuit.
Une CLK bien spéciale
La CLK 63 avait toutefois un élément qui lui permettait de se distinguer des autres Black Series et, même, des versions AMG qui l’ont précédée. Elle était mue par le moteur M156, c’est-à-dire le premier V8 à avoir été entièrement développé par AMG, et non une version modifiée d’un moteur Mercedes-Benz existant. D’une cylindrée de 6,2 litres, ce moteur développait une puissance de 500 chevaux et produisait un couple de 465 livres-pieds. Il acheminait sa puissance au train arrière par l’entremise d’une boîte de vitesses automatique à 7 rapports et d’un différentiel à glissement limité.
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La CLK Black Series était également équipée de quelques ajouts qui lui permettaient d’être encore plus véloce sur un circuit de course. Par exemple, ses amortisseurs étaient réglables manuellement, tandis que ses ailes élargies, qui permettaient également d’élargir les voies, étaient faites de fibre de carbone. Son siège arrière avait été retiré pour aider à réduire la masse nette, tandis que des entrées d’air à même son pare-chocs contribuaient à refroidir les freins surdimensionnés. La CLK Black Series recevait également des jantes de 19 pouces exclusives à ce modèle.
L’une de 349
L’exemplaire à l’essai est un modèle qui appartient à la collection privée des véhicules classiques de Mercedes-Benz USA, installée à Los Angeles. Elle est l’un des 349 exemplaires commercialisés en Amérique du Nord, tandis que seulement 500 CLK Black Series ont été produites dans le monde.
Le modèle que vous apercevez à l’écran est une ancienne voiture de course que Mercedes-Benz a rachetée à son ancien propriétaire. Lors de son acquisition, son moteur était défectueux, et la voiture était équipée d’une cage de protection. Le constructeur l’a donc remise dans son état d’origine tout en reconstruisant son moteur.
J’ai eu la chance de conduire ce rutilant coupé de course dans le cadre des événements de Pebble Beach, au même moment que la Mercedes-Benz 300SL 1963. Mercedes-Benz nous avait offert la possibilité de conduire plusieurs classiques. Dès que j’ai aperçu la Black Series, je me suis dit qu’il fallait que je la conduise. C’est une voiture qui m’a longtemps interpellé en raison de sa rareté, mais aussi de ses caractéristiques techniques.
Je dois dire qu’elle n’a pas vieilli d’une ride. Stationnée parmi les autres modèles classiques du constructeur, la CLK paraissait très moderne et toujours d’actualité malgré ses 15 ans. Si l’industrie de l’automobile d’aujourd’hui nous a habitués à des bolides larges et équipés d’effets « widebody », la CLK Black paraît toujours très large et musclée. On ressent, dès qu’on s’approche de ce modèle, qu’il s’agit d’une voiture inspirée de la course automobile.
Au moment de monter dans son habitacle, j’ai immédiatement remarqué qu’il ne s’agit pas d’une CLK ordinaire. Ses gros sièges baquets semblaient sortir tout droit d’une voiture de DTM, tandis que l’absence d’une banquette arrière supprimait toute notion de polyvalence. Une fois installé à bord, son siège baquet me maintenait bien en place, tandis que le volant d’un diamètre plus petit que le modèle ordinaire me conférait un bon degré de confiance.
Il y a ensuite ce minuscule sélecteur de vitesses qui ressemble à une caricature de la chose. Pourquoi un si petit levier? Selon Mercedes-Benz, c’était pour faire comprendre au conducteur qu’il pouvait ne se fier qu’aux leviers de sélection au volant, une nouveauté à l’époque. Assez curieux comme stratégie si vous voulez mon humble avis!
Le grondement du V8 et le respect des autres
Dès que j’ai démarré son gros V8, la CLK Black Series s’est assuré de me rappeler ce qu’elle a dans le ventre. Ce moteur rugi comme peu de V8 modernes savent le faire en raison des nouvelles restrictions pour le bruit des véhicules thermiques. Ah, la belle époque!
Mon parcours s’est effectué sur l’iconique route California Route 1 en direction de Big Sur, un endroit bien connu par les passionnés de conduite et très achalandé durant les événements de Pebble Beach. Je me suis dit qu’il s’agissait du terrain de jeu parfait pour apprécier ce monstre.
Avant toutefois d’attaquer les virages, j’ai dû conduire en situation urbaine où la CLK Black m’a montré à quel point elle peut aussi être une bonne Mercedes-Benz. C’est-à-dire que ses suspensions réglables se sont montrées très souples et bien adaptées à la conduite au quotidien. En fait, outre la sonorité enivrante de son gros moteur, jamais je n’avais l’impression de conduire un bolide aussi véloce. Même sa boîte de vitesses enfilait les rapports en douceur.
C’est sur la grande route que j’ai pu enfin déballer ce que la Black Series cache sous son capot. Laissez-moi vous dire que d’entendre un tel moteur atmosphérique monter dans les tours est une expérience excessivement agréable. Au-delà de la sonorité, cette petite bombe continue de surprendre par ses accélérations fulgurantes. Et que dire de la précision de sa direction sur une route aussi sinueuse? Disons que le petit volant ne faisait qu’accentuer cet effet. Cette CLK n’a absolument rien à voir avec le modèle ordinaire, même que j’avais parfois l’impression d’être au volant d’une BMW M3 tellement son châssis était ferme et précis.
La boîte de vitesses automatique ne m’a toutefois pas impressionné en conduite dynamique. C’est qu’il s’agit de l’une des premières boîtes du genre à nous permettre de passer les rapports manuellement. Elle n’arrive donc jamais à s’approcher de la précision des boîtes d’aujourd’hui. J’ai donc abandonné toute tentative de changer les rapports moi-même et je l’ai laissé sur le mode automatique. Oui, il y avait des délais de réaction, mais au moins, je n’avais pas à m’en préoccuper.
J’ai donc continué de m’amuser avec cette bête sur les belles routes californiennes, et je me suis permis quelques excès de vitesse à cet endroit toléré par les forces de l’ordre. À mi-chemin sur mon parcours, je me suis heurté à un convoi d’icônes : une Lamborghini Countach, une Ferrari F355, une Porsche Carrera GT et une Porsche 911 Turbo de première génération. « Wow, quelle brochette! ».
Je me suis alors joint à la parade, et nous sommes amusés sur ses sublimes routes. Après quelques kilomètres en leur compagnie, le convoi s’est rangé sur le côté de la route, pour enfin me balancer un pouce en l’air lorsque je les ai dépassés. En effet, la CLK Black Series est reconnue par les plus grands adeptes de performances. Elle avait donc mérité sa place parmi les icônes. Un classique, rien de moins.
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