Si, aujourd’hui, le segment des coupés sport compacts est presque entièrement éteint, la situation était bien différente au tournant des années 1990. À l’époque, ces modèles étaient tellement populaires, que presque tous les constructeurs en proposaient un.
Honda Prelude, Acura Integra, Mazda MX-6, Isuzu Impulse, Nissan 240 SX, Toyota Celica, Eagle Talon, Ford Probe, Chevrolet Beretta; ces modèles ont gravé d’éternels souvenirs dans l’esprit d’une génération entière de passionnés de conduite. Ils étaient appréciés pour leur bas prix mais aussi pour leur design et les performances qu’ils offraient. D’ailleurs, la concurrence est devenue tellement féroce dans ce créneau, qu’une guerre de puissance s’est rapidement manifestée, et chaque constructeur tentait d’innover pour battre ses rivaux.
La Volkswagen Corrado, commercialisée chez nous de 1989 à 1995, est sans doute le modèle qui a le plus marqué le segment. Revisitons-la dans sa version VR6, d’année modèle 1993, afin de nous rappeler d’une époque où Volkswagen avait misé gros pour surpasser une solide concurrence .
Histoire du modèle
La Corrado n’était pas le premier coupé sport signé Volkswagen. Elle suivait les traces de la Scirocco, commercialisée du milieu des années 1970 jusqu’à la fin des années 1980. Ce modèle, qui avait remplacé la Karmann Ghia, a perduré pendant deux générations pour enfin s’éteindre en 1989.
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À ce moment-là, Volkswagen avait remarqué que le segment des coupés sport compacts avait beaucoup changé. La concurrence, surtout japonaise, débarquait avec des modèles nettement plus sophistiqués. Certains modèles proposaient des mécaniques à 4 cylindres turbocompressées très puissantes munies du calage variable des soupapes ou, encore, des moteurs V6. On voyait aussi apparaître dans ce segment une pléthore de nouvelles technologies comme le rouage intégral, le vecteur de couple, l’utilisation des appuis aérodynamiques ou, encore, les roues arrière directionnelles, notamment.

Volkswagen avait donc compris que, pour mieux se positionner dans ce segment, la Scirocco devait entièrement être repensée, au point de carrément changer de nom. Elle a donc misé sur l’idée de surclasser ses rivaux en commercialisant un modèle axé sur le luxe et le confort.
S’inspirant du design de la Scirocco, signé par nul autre que Giorgetto Giugiaro, le styliste allemand Herbert Schäfer s’est mis à la planche à dessin pour concevoir la Corrado. Le résultat était resplendissant. La Corrado avait réussi à conserver une ressemblance avec la Scirocco tout en s’affichant comme un produit Volkswagen moderne et plus luxueux que ce que proposait le reste de la gamme. Aujourd’hui, ce design n’a pas vieilli d’un iota.
Au milieu des années 1990, les constructeurs d’automobiles commençaient déjà à ressentir un ralentissement des ventes pour les coupés sport. Et étant donné que la Corrado était un modèle très cher à l’époque (environ 31 000 $ ou l’équivalent de 54 000 $ aujourd’hui), Volkswagen a pris la décision de la retirer de notre marché en 1995.

Moteurs, boîtes de vitesses et caractéristiques techniques
Au moment de son arrivée chez nous, la Corrado était mue par un moteur à 4 cylindres suralimenté de 1,8 litre, aussi connue sous l’appellation Corrado G60. Ce moteur avait créé beaucoup de controverse, car, malgré l’apparence ultra sportive et les présentations de luxe de Volkswagen, la Corrado ne déployait pas beaucoup de puissance ni de couple. À peine 158 chevaux et 166 livres-pieds avaient été extraits de ce moteur. Ces chiffres étaient maigres par comparaison avec les quelque 200 chevaux que proposait la concurrence.
Orgueilleuse et voulant devancer ses rivales, Volkswagen a entièrement revu le groupe motopropulseur de sa sportive en 1991. C’est là qu’est né le célèbre moteur VR6, dont le nom provenait de sa configuration. Le R se rapportait au terme allemand Reihenmotor, qui se traduit par « moteur en ligne ». Autrement dit, le VR6 était un moteur V6, mais également en ligne. Mais comment est-ce possible?
Pour arriver à ses fins, Volkswagen a considérablement raccourci l’angle du V6 à seulement 15 degrés. Ainsi, les deux culasses pouvaient être jumelées pour n’en créer qu’une seule. Le résultat était un moteur V6 de 2,8 litres qui occupait le même espace qu’un 4-cylindres, ce qui a permis au constructeur de l’installer sous le capot de la Corrado sans avoir à modifier l’avant du véhicule.

Ce moteur s’est non seulement montré hautement technologique – ce qui cadrait bien avec le segment – mais a également permis à la Corrado d’être respectée en matière de performance. Dans cette configuration, le moteur développait une puissance de 176 chevaux et produisait un couple de 173 livres-pieds. Jumelé à une boîte de vitesses manuelle à 5 rapports, ce moteur, qui acheminait sa puissance au train avant, permettait à la Corrado de boucler le sprint de 0 à 100 kilomètres/heure en 7,2 secondes, ce qui représentait une amélioration de 1,3 seconde par rapport à la G60.
Bien qu’une version un peu plus puissante du moteur VR6 (188 ch / 181 lb-pi) était proposée dans d’autres marchés en raison d’une cylindrée de 2,9 litres, la Corrado VR6 commercialisée chez nous n’a pas été offerte dans d’autres versions. En fait, elle restée sensiblement pareille jusqu’en 1995.

Impressions de conduite
J’ai déjà conduit une Corrado G60, mais jamais une VR6. Par rapport au parc automobile actuel, la Corrado paraît très petite, au point de presque afficher les proportions d’une sous-compacte moderne. L’exemplaire à l’essai avait quelques subtiles modifications. Par exemple, sa couleur bleu minuit (code C5V) était une couleur réservée qu’au marché européen. Le propriétaire a également changé les jantes et le volant. Il a également modifié le système d’admission d’air. Malgré tout, de manière générale, cette Corrado est très proche de son allure d’origine.
Toutefois, l’accès à bord se montrait plutôt facile grâce à une généreuse ouverture des portières. Assis confortablement dans ses gros sièges en cuir véritable, qui montraient très peu de signes de vieillesse, j’ai réalisé à quel point cette Corrado est encore moderne, même 29 ans après sa mise en marché.
Après quelques coups de clé, le VR6 s’est mis à ronronner devant moi. C’est que ce moteur avait la particularité d’émettre une sonorité unique qu’aucun autre V6 de l’histoire n’a pu reproduire.
J’ai enfilé le premier rapport avec le levier de vitesses très court et j’ai pris la route à bord de l’un des modèles les plus symboliques de l’histoire de Volkswagen. Tous les regards étaient rivés sur moi.

Sur la route, j’ai rapidement constaté que la Corrado avait été conçue comme modèle de grand tourisme plutôt que sportif. Elle est confortable, on la sens lourde, stable, silencieuse, et son fonctionnement est d’une douceur assez phénoménale considérant son âge.
Mais bien sûr, c’est le rendement de ce sublime VR6 qui vole la vedette. Dès qu’on enfonce l’accélérateur, son système d’admission d’air (modifié dans ce cas-ci) se fait entendre, et le ronronnement de ce remarquable moteur fait dresser tous les poils de notre corps. Il s’agit d’un moteur raffiné qui monte dans les tours sans la moindre vibration et qui développe une dose de puissance et de couple linéaire et constante.
Selon les standards d’aujourd’hui, la Corrado n’est pas très rapide, mais elle livre ses performances avec une touche de maturité qui rappelle les marques de luxe allemandes de l’époque. Dans les virages, c’est le même constat : la Corrado reste toujours bien plantée au sol, mord à la chaussée et ne présente aucune sensation de torsion dans son châssis. Cette vieille Volks est encore hyper solide!

Derrière le volant de ce coupé sport, une panoplie de souvenirs me passaient par la tête. Les années 1990 et le début des années 2000 ont été une époque fulgurante pour les compactes sportives, le tuning et les courses de rue. C’est d’ailleurs à cette époque que je me suis mis à sérieusement m’intéresser aux bagnoles.
À mes yeux, la Corrado était mythique car, en raison de son prix, elle se faisait introuvable, même à cette époque. L’apercevoir aujourd’hui ne fait qu’accentuer cet effet. Rares sont les voitures qui réussissent à résumer une époque entière en un seul passage. La Corrado aura certes été le résultat d’un orgueil allemand mal placé, mais elle résume surtout les folies de l’industrie de l’automobile durant les années 1990.
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