Plus de puissance, de capacité et de vélocité. Les constructeurs d’automobiles continuent de présenter des bolides plus puissants les uns que les autres. Considérant l’état de la planète, nous nous questionnons sur la pertinence de véhicules comme les RAM TRX et Ford Raptor.
Luc-Olivier Chamberland
La raison ? Quelle raison ? Même dans l’expression la plus pure de l’indécence, je me souviendrai toujours des propos de l’un des ingénieurs d’AMG qui m’a un jour dit : « Built it, they’ll buy it. » C’est la réponse à la question que j’ai posée sur la logique de mettre un moteur V12 de 6,0 litres de 621 chevaux sous le capot du Mercedes-AMG G65. Alors, pourquoi serait-ce différent pour RAM ou Ford ? Ils ont les moteurs, aussi bien les utiliser ; de toute manière, ça rapporte de l’argent, des amateurs les achèteront.
J’ai l’impression que la perception que nous avons de ces véhicules évolue exactement au même rythme que notre implication personnelle face aux questions écologiques. Je ne dis pas qu’une personne qui roule en TRX ne fait pas de recyclage, bien au contraire, mais disons que, s’il n’en faisait pas, je serais moins surpris que s’il roulait en Toyota Prius.
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Pour cette raison, bien que nos perceptions soient personnelles, il n’en demeure pas moins que les TRX, Raptor ou tout autre monstre de puissance à moteur thermique accole une image sociale de la conscience environnementale négative à certains constructeurs. Je pense que c’est encore plus frappant avec ces camionnettes en raison de leur gabarit et de leur puissance.
Même avec des convictions écologiques, le monde de l’automobile demeure un univers de passionnés où la raison peut souvent dérailler. Les TRX et Raptor ont justement cet attrait totalement irrationnel qui attire les consommateurs comme des abeilles avec du miel. On aime encore la puissance, la sonorité et la sensation d’invincibilité qu’ils offrent. Encore une fois, est-ce raisonnable ? Pas plus d’un gamin de 4 ans dans un magasin de jouets avec la carte de crédit de ses parents.
Personnellement, j’ai l’impression que c’est le dernier grand coup, le dernier doigt d’honneur à la planète que font les constructeurs avant de ne plus pouvoir le faire. Les normes environnementales sont de plus en plus contraignantes. Bien vite, ces véhicules, à moins de passer par l’hybridation ou l’électrification, sont appelés à disparaître tout simplement.
Samuel Lessard
À la question « Où est la raison ? », je réponds : nulle part !
S’il y a bien un véhicule qu’on n’achète pas pour le côté rationnel ou pour se déplacer du point A au point B, c’est bien un Ram TRX ou un Ford F-150 Raptor. Ils sont clairement le symbole de la démesure à l’américaine, au même titre que le sont les BMW X5 M, Mercedes-AMG GLE 63 S ou Audi RS Q8 pour les Allemands.
Il suffit de regarder leur consommation de carburant et leur bilan environnemental pour s’en convaincre. Elles ne sont pas rares les fois où le cap du 20 litres/100 kilomètres sera franchi même sans aucune charge à bord ou à l’arrière. Aussi, il faut savoir qu’ils sacrifient la raison fondamentale pour laquelle on achète une camionnette, soit la polyvalence ainsi qu’une grande capacité de remorquage et de charge. En effet, leurs capacités sont souvent réduites par comparaison avec celles d’une version régulière.
Bon, c’est vrai que ces camionnettes sont belles, que leur sonorité vous dresse le poil sur les bras à chaque démarrage, et que leur mécanique performante impressionne, mais à quoi bon ? Pour un amateur de performance brute, une voiture sportive est certainement plus logique. Pour le même prix, vous pouvez avoir une BMW M2 CS, une Chevrolet Corvette bien équipée ou une Porsche Cayman GTS 4,0. D’accord, elles sont nulles en hors-route, mais un Jeep Wrangler sera, de toute manière, mieux adapté que ces camionnettes dans de telles situations.
Malgré qu’elles soient plein de compromis, j’imagine que rien ne remplace l’image qu’elles projettent, un aspect qui doit peser lourd dans la balance pour plusieurs acheteurs. Malheureusement, ça se fait au détriment de la planète.
Sylvain Raymond
Depuis l’introduction du Ford Raptor, en 2009, j’ai toujours été surpris du succès obtenu par cette camionnette. Il s’agit avant tout d’un véhicule dont la transformation permet surtout de sauter les dunes de sable et d’être hautement performant hors des sentiers, ce qui ne cadre pas nécessairement avec notre région. En fait, le succès du Raptor au Canada repose purement sur ce qu’il représente, soit un véhicule unique qui attire ceux qui désirent rouler au volant d’un F-150 plus exclusif.
Les acheteurs, pour la plupart, n’iront jamais exploiter tout son potentiel, mais c’est aussi le cas de bien des propriétaires qui se paient des versions AMG (Mercedes-Benz), RS (Audi) ou M (BMW), que ce soit dans le cas d’une voiture ou d’un VUS.
Fort du succès commercial du Raptor, il n’est donc pas étonnant que RAM réplique avec son TRX 2021, une camionnette qui, grâce à son V8 de 702 chevaux, repousse les limites de la performance pour une camionnette.
On peut certes dire que ces véhicules sont inutiles et qu’ils ne devraient pas exister en raison de leur consommation de carburant très élevée, mais ils tombent dans la case de la passion beaucoup plus que de la raison. L’électrification signera-t-elle la fin de ce type de véhicule ? Probablement pas, les constructeurs trouveront toujours le moyen de présenter d’autres types de véhicules tout aussi illogiques.
William Clavey
En effet, de tels véhicules sont inutiles, mais attendez-vous à en voir encore plus au cours des prochaines années. Ce que nous observons actuellement dans l’industrie, c’est que, bien que l’électrification des transports soit engagée, l’engouement pour les camionnettes et les véhicules hors route n’a jamais été aussi élevé. Ajoutez à cela une espèce de nostalgie du moteur thermique qui s’installe tranquillement, et vous vous retrouvez avec des monstres comme le Ford F-150 Raptor et le Ram 1500 TRX.
Et ce n’est pas que du côté des camionnettes pleine grandeur qu’on remarque cette surenchère de la puissance. Jeep vient récemment d’ajouter l’option d’un moteur V8 HEMI de 6,4 litres (aussi appelé 392) à son Wrangler, et Ford prépare une variante encore plus féroce du Bronco qu’on nommera Warthog. Et plus récemment, Land Rover annonçait l’ajout d’un moteur V8 à la gamme du Defender.
Ce que nous vivons est en quelque sorte un dernier cri du cœur pour le moteur thermique, le tout gonflé par des constructeurs d’automobiles qui n’ont jamais assez soif de vendre, sans compter des ingénieurs en mécanique qui doivent sauter de joie à l’approche de projets extrêmes. Et que dire des consommateurs qui se lancent sur ces modèles par milliers ? Toutes les concessions Ram du pays vous le diront : un TRX, ça ne dort pas longtemps dans la cour !
On remarque d’autres modèles tout aussi loufoques du côté des voitures, notamment la Lexus IS500 alimentée par un puissant moteur V8 de 5,0 litres, l’extrême BMW M5 CS ou, encore, les Cadillac CT4 et CT5-V Blackwing : des berlines à propulsion, manuelle et avec de la puissance à n’en plus finir.
En outre, la pandémie de COVID semble avoir augmenté le désir des consommateurs de s’évader et de s’amuser à bord d’un jouet motorisé, ce qui alimente davantage la demande pour ce genre de véhicules.
Alors, sont-ils déraisonnables ? Il est certain que la commercialisation d’une camionnette pleine grandeur mue par un moteur V8 de 700 chevaux n’a aucun sens dans un monde où nous devons collectivement réduire nos émissions de GES. Mais sachez que le TRX (abréviation de T-Rex) n’est qu’un dinosaure qui sait qu’il va bientôt mourir. Il est clair que ses jours sont comptés, donc laissons-le rugir un peu. De toute manière, à voir ce qui s’en vient dans l’électrique, comme le GMC Hummer EV, la guerre des gros jouets à moteur ne cessera pas de sitôt.
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