Comme la plupart d’entre vous, j’avais très hâte au dévoilement de l’Acura Integra 2023. J’étais énervé, et un peu nostalgique. Avant le dévoilement, Acura ne faisait qu’augmenter l’engouement en nous montrant des images du passé, des clips vidéo des premières Integra et plusieurs références à la Type R.
Ensuite est venue l’annonce qu’elle serait uniquement commercialisée sous le format d’une cinq portières à hayon. Un peu décevant, mais compréhensible pour des questions d’économies d’échelle. Le constructeur nous a subséquemment fait saliver avec l’annonce d’une boîte manuelle, le tout enrobé d’une exquise publicité démontrant le levier de vitesses des anciennes Integra, accompagnés d’une trame sonore que seuls les meilleurs moteurs Honda du passé pouvaient produire. Ça promettait !
Puis est venue la levée du voile… suivie d’un embarrassant silence qui plombait la pièce. Collectivement, nous regardions cette obèse Civic disproportionnée, peinte en jaune, habillée d’un énorme autocollant INTEGRA - semblant provenir de chez Walmart - apposé sur ses flancs.
Nous étions tous bouche bée. Déçus. Fâchés. Pendant ce temps, l’annonceur, Jon Ikeda, tentait de motiver les troupes alors que sur les réseaux sociaux, les commentaires négatifs s’empilaient un sur l’autre. Une tragédie, point final.
Le poids d’un nom
Derrière mon visage de chroniqueur automobile se cache un ancien amateur des produits Honda. Avant d’exercer ce métier, ma passion pour les voitures s’est manifestée autour de la Civic, de la Prelude, de la CR-X, et…de l’Integra!
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Comme la plupart des gamins ayant grandi durant les années 1990, j’éprouve donc énormément de nostalgie pour ce modèle, cette compacte sportive à l’allure juvénile, légère, agile, vocale et surtout, énormément amusante à conduire.
Rappelons-nous entre autres de l’Integra Type R jaune qui reposait sur le présentoir de notre concession Acura au coin de la rue. Aujourd’hui, quand je vois des exemplaires en bon état se vendre presque le triple de son prix d’origine, je regrette profondément de ne pas en avoir achetée une neuve en 2001.
Actuellement, l’Integra, tout comme d’autres sportives japonaises de son époque, figure au centre d’une nostalgie généralisée des années 1980-1990. Son implication monstre dans l’univers des compactes sportives, son potentiel de modification presque infini, sa mécanique increvable et sa présence dans des films de « chars » comme Rapides et Dangereux et des jeux vidéo comme Gran Turismo lui ont permis de rester gravée dans la mémoire d’une génération entière.
Pour la génération Y et une partie des millénariaux, l’Integra est aussi symbolique que la Mustang pour les Baby-Boomers.
Or, quand Acura avait annoncé le retour de l’écusson en août dernier, nous croyons tous qu’elle avait saisi la force de cette nostalgie ambiante et de son potentiel lucratif. Après tout, Acura se targue depuis quelques années de « revenir aux sources », d’être « jeune » et « dynamique ». La décision de ramener l’Integra avait tout son sens. Le timing était parfait pour arriver avec une compacte sportive qui pourrait, si correctement exécutée, devenir un succès commercial.
L’art de ne pas comprendre sa clientèle
Le résultat fut tout le contraire. L’Integra 2023, qui fut dévoilée comme prototype, mais qui, si l’on se fie aux habitudes du constructeur, sera presque identique dans sa version de production, n’évoque absolument rien de ses ancêtres.
Elle est laide et mal proportionnée. L’auto est trop longue, trop grosse (trop lourde?), avec une partie arrière qui fait penser à un coupé Hyundai Genesis et un profile qui nous ramène au Honda Crosstour. Une honte, rien de moins.
On comprendra la stratégie d’Acura de lui donner la plateforme et le 4-cylindres turbocompressé de 1,5 litre d’une Civic Si. Après tout, l’Integra viendra remplacer l’ILX au sein de la gamme, celle qui n’était qu’une vulgaire Civic Si d’ancienne génération endimanchée. Acura avait grandement besoin de renouveau dans ce segment, et l’Integra s’attaquera à la nouvelle brochette de sous-compactes de luxe : l’Audi A3, la BMW Série 2, la Cadillac CT4 et les Mercedes-Benz Classe A et CLA.
Mais il s’agit toutefois d’une banale Civic à hayon à laquelle on a maladroitement greffé la signature stylistique d’Acura. Tout semble avoir été conçu sur le coin d’une table il y a six mois à peine. C’est une insulte aux puristes du modèle.
Et où est le coupé ? Comment Acura ose-t-elle raviver ce bolide emblématique sans la moindre intention de proposer une version à deux portières ? Voilà une belle opportunité ratée de s’en prendre directement aux jumelles Toyota GR 86 et Subaru BRZ, ou même à la BMW Série 2.
Admettons qu’Acura s’est servi du nom Integra pour redonner un peu de piquant à l’ILX et de lui permettre de mieux se positionner contre ses rivales européennes. Ok, j’achète. Mais on s’entend qu’il lui faudra un peu plus qu’un maigre 1,5-litre turbocompressé avec un peu plus de 200 chevaux pour y arriver. Ça lui prendra un rouage intégral, une forme quelconque d’hybridation ou, au moins, un moteur de 2,0 litres !
Il y’aura assurément une déclinaison Type S avec un peu de piquant, mais Honda osera-t-elle la rendre plus performante qu’une Civic Type R? J’en doute fort.
En somme, cette tragédie nous prouve qu’Acura est en mode survie, prend des raccourcis économiques, et sous-estime l’impact que l’ancien modèle a eu sur une génération entière de passionnés, faisant en sorte qu’elle rate complètement la cible.
Il est clair qu’Acura n’a pensé qu’à court terme, une décision qui risque de lui coûter cher, car le nom Integra, on l’oublie. Il est officiellement brûlé.