C’est certainement une grosse nouvelle dans l’imaginaire collectif de croire qu’il ne sera plus possible d’acheter de voitures à motorisation thermique, mais cela ne touche pas toutes les sphères de l’automobile et, surtout, c’est dans 15 ans.
Selon toute vraisemblance, le Québec interdira la vente de véhicules neufs à moteur strictement thermique à partir de 2035. C’est l’information pour le moins percutante qu’a obtenue La Presse. En fonction des différentes publications, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette en fera l’annonce dans le cadre d’un élargissement du Plan vert du gouvernement du Québec aujourd’hui même.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
On peut déjà sentir un vent de panique auprès de certains consommateurs. Il faut toutefois mettre bien des choses en perspective. L’un des points importants touche la motorisation en soi. Les moteurs strictement à essence ou les motorisations hybrides ne seront plus permis à la vente. Cela signifie qu’on parle de véhicules hybrides rechargeables ou électriques. L’inclusion des PHEV laisse une porte passablement plus grande pour les constructeurs d’automobiles d’autant plus qu’on ne précise pas quelle doit être l’autonomie électrique minimale pour être admissible. Par le fait même, les consommateurs peuvent s’attendre à plus d’options que strictement EV. On comprend que c’est « Monsieur et Madame Tout-le-monde » qui sont visés, les véhicules à usage personnel. Pour ajouter du poids à cette mesure, le ministre intégrera dans la loi « zéro émission » une clause précise contre la vente de moteur thermique à partir de 2035.
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Est-ce que nous aurons toujours droit aux subventions ?
Pour le moment, oui. Évidemment, et de l’aveu même du ministre, cette mesure incitative est appelée à évoluer dans le temps. On comprend assez vite qu’il est utopique de croire que le gouvernement subventionnera l’achat de véhicules électriques encore très longtemps. Déjà, cette mesure est l’une des plus coûteuses dans le cadre du plan vert (260 millions annuellement). On s’attend à une baisse graduelle du montant de 8 000 $ pour les produits de 60 000 $ ou moins. Difficile de savoir à cette heure quel sera l’étalement de la diminution. Pour ce qui est du programme fédéral, Québec n’est pas en position de commenter la stratégie d’Ottawa et sa subvention maximale de 5 000 $ dans le temps.
Et pour les voitures d’occasion ?
Évidemment, les véhicules d’occasion, à essence ou hybrides, ne sont pas touchés par cette mesure. Il est encore plus important de retenir que, si vous êtes propriétaire d’un véhicule à moteur thermique, il sera tout à fait légal sur les routes du Québec, et il vous sera possible de le revendre.
Les entreprises s’en sauvent ?
Les secteurs commerciaux et industriels sont, pour le moment, épargnés par cette nouvelle mesure. RPM considère que l’exclusion du monde du transport est une grave erreur puisque c’est là où les véhicules sont justement les plus polluants. Il suffit de penser aux nombreuses camionnettes à grosse cylindrée, à motorisation Diesel ou, encore, les véhicules de service qui fonctionnent des heures durant au ralenti. Québec cherche à épargner les entrepreneurs et, fort possiblement, son propre parc de véhicules. Espérons qu’une mesure ultérieure viendra corriger cette lacune.
Quel est le but derrière ce changement de cap ?
De prime à bord, l’objectif ultime consiste évidemment à abaisser les émissions de gaz à effet de serre émanant du Québec. On veut atténuer de 37,5 % les émissions de GES d’ici 2030 par comparaison avec ce qu’on produisait en 1990. Pourquoi l’automobile se trouve-t-elle au centre des réductions ? C’est simple, les transports représentent à eux seuls 43 % des émissions du Québec. Cela inclut aussi l’aviation, les trains, le transport maritime, le camionnage. Si l’on voulait être critique, on pourrait dire que l’automobile est la cible facile, mais malgré tout nécessaire, par rapport aux autres.
Le portrait voulu
Le gouvernement Legault ne veut pas faire de quartier quant à l’avenir du parc automobile québécois. L’objectif est clair : d’ici 10 ans, donc en 2030, 30 % du parc devra être électrifié. Concrètement, on parle de 1,5 million d’automobiles. On peut certainement dire que le projet est ambitieux, surtout si l’on considère que l’objectif pour la fin de 2020 est de 100 000 véhicules. Un objectif d’ailleurs qu’on risque de rater de peu avec une estimation aux environs de 95 000 véhicules au 31 décembre 2020.
Comment se positionne le Québec face au reste du Canada ?
Nous pouvons déjà dire que nous sommes la fierté nationale en matière d’électrification au Canada. La moitié des véhicules électriques vendus au pays roulent au Québec. Avec une projection agressive pour 2035, le Québec deviendra la province la plus proactive. La seule autre province avec un plan, c’est la Colombie-Britannique qui propose une action similaire, mais pour 2040. À ce compte, la province de l’Ouest s’aligne sur le rêve du gouvernement Trudeau qui aimerait aussi voir la fin des moteurs thermiques en 2040. Malheureusement pour le fédéral, ce secteur est de juridiction provinciale.
Comment se positionne le Québec face au reste du monde ?
Le leader toutes catégories confondues : la Norvège. Leur réglementation entrera en vigueur dès 2025. Dans leur cas, on doit souligner que les électriques/hybrides rechargeables représentent déjà 75 % des ventes. L’utopie demeure complète puisque les subventions norvégiennes pour l’achat de véhicules verts viennent en grande partie du fond souverain issu de l’extraction de pétrole dans la mer du Nord.
D’autres pays d’Europe prendront graduellement le pas. En Allemagne, en Irlande et aux Pays-Bas, c’est 2030, l’Écosse suivra de près en 2032. Pour l’Angleterre et la France, on parle de 2040. Notre meilleur allié nord-américain est sans contredit la Californie. Le Québec calque d’ailleurs une grande partie de ses mesures sur celles de la Californie qui adoptera l’interdiction en 2035. On peut aussi se permettre d’affirmer que le Québec ne pourrait pas faire cette réglementation sans l’apport de la Californie. On s’entend que la Californie, le plus important marché en Amérique du Nord, peut faire fléchir les constructeurs d’automobiles, pas le Québec.
Beaucoup de travail à faire
Le gouvernement devra travailler sur un vaste plan d’élargissement du réseau de bornes de recharge. Pour l’instant, ça va assez bien, il y a moins de 100 000 voitures électriques. Quel sera le portrait du système de recharges publiques avec 1,5 million de véhicules rechargeables ? Un investissement majeur devra être fait, tout comme une stratégie d’expansion logique.
Le défi pour les constructeurs d’automobiles
À l’exception de Tesla, il est actuellement difficile de mettre la main sur une voiture électrique. L’accessibilité est aléatoire, l’approvisionnement ne fournit pas, et la production est beaucoup trop limitée. Comment les constructeurs seront-ils en mesure de nous alimenter et d’alimenter le reste du monde ? Au Canada, avec une loi, on prend un avantage face aux autres provinces, mais la disponibilité internationale demeure un enjeu de taille. Les constructeurs d’automobiles, pour la plupart, sont en retard quant à l’électrification, ce n’est un secret pour personne. Certains n’ont même pas encore de plan très précis sur le sujet. On doit quand même se permettre d’espérer qu’ils seront en mesure de faire un important virage pour s’adapter à leur époque et, surtout, aux demandes des consommateurs et respecter les réglementations d’état.
Les technologies d’électrification évoluent très rapidement et coûtent de moins en moins cher tout en étant de plus facilement exploitables de manière plus écoresponsable. La pression est entièrement sur les épaules des constructeurs. Pour RPM, cette annonce gouvernementale dicte aux fabricants d’automobiles où le Québec se situe comme société face aux changements climatiques et à l’électrification des transports.
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