Né en Europe en 1995, ce véhicule, à la vocation surtout commerciale, a rapidement fait un tabac en Amérique à partir de 2001. Faut dire que la compétition était pour ainsi dire inexistante puisque GM et Ford se contentaient à l’époque de répliquer avec les très vénérables Savana/Express et Econoline (Série E). Lorsque les journalistes de L’Annuel de l’automobile élisaient le meilleur fourgon de l’année, le Sprinter l’emportait toujours.
La donne a changé depuis l’arrivée du Ford Transit, du RAM ProMaster et du Nissan NV (tandis que GM persiste et signe avec son duo pas tuable).
Mercedes-Benz, toutefois, ne reste jamais assis sur ses lauriers et nous présente donc son Sprinter 2019, un dévoilement organisé de surcroît avec trompettes et majorettes, car les fourgons destinés au marché nord-américain seront désormais construits aux États-Unis dans une usine moderne de Charleston, en Caroline du Sud.
À dire vrai, l’usine existait déjà et le Sprinter y était déjà assemblé… mais pour déjouer les effets de la vieillotte Chicken Tax imposée depuis 1964 par le gouvernement américain aux fabricants étrangers de camions. Les exportateurs trouvèrent une astuce pour déjouer l’impôt de 25% : ils construisaient le véhicule chez eux, puis le démantelaient et l’envoyaient en pièces détachées aux États-Unis où des Américains recollaient les morceaux qui échappaient dès lors à la taxe grâce à un badge « made in America ».
Tous les précédents Sprinter ont eu droit à ce subterfuge fiscal. Ce ne sera plus nécessaire. L’usine a reçu un investissement de 500 millions de dollars pour que sa superficie passe de 500 000 pieds carrés à 1,5 million répartis dans trois gigantesques bâtiments (châssis, peinture et assemblage). Le nombre d’employés, de 900 aujourd’hui, grimpera à 1 300 d’ici 2020, et une visite de l’endroit nous a fait voir une opération ultra sophistiquée où les robots et les lasers cohabitent avec des « associés » en apparence très heureux de bourdonner dans cet environnement de haute technologie.
Il n’y a pas 36 façons de redessiner un fourgon puisque sa fonction dicte essentiellement sa forme. Dans l’ensemble, les designers ont donné au nouveau Sprinter un look plus fluide, les différentes sections du véhicule se fondant les unes aux autres avec un souci accru d’harmonie. C’est surtout visible aux extrémités où la calandre, par exemple, profite d’un bouclier adouci, même lorsqu’il est blindé avec du polymère au lieu de simplement reprendre le métal des flancs. Les phares D.E.L. à partition (les diodes occupent différents compartiments) d’allure aussi très moderne escortent une grille où la grosse étoile du fabricant confère un indéniable sceau de prestige au véhicule.
Il est toujours aussi haut sur pattes et lorsqu’on le regarde devant nous sur la route, on dirait encore un grille-pain à la diète installé sur une planche à roulettes.
Cela dit, si discuté du look du Sprinter est relativement simple, les choses se compliquent quand il faut jaser des configurations possibles. Le modèle précédent comptait déjà une douzaine de variantes de base alors que le nouveau en dénombre 22, au moins. Vous qui connaissez le latin, préparez-vous à le perdre…
Le Sprinter est offert en quatre configurations : Cargo (la fenestration est confinée à l’avant), Crew (davantage de glaces), Passenger (emphase sur les humains à bord) et Cab Chassis (95% des acheteurs déposent une boîte personnalisée sur le châssis nu à l’arrière de la cabine).
Ces quatre configurations sont réparties dans cinq catégories définies par le GVWR (Gross Vehicle Weight Rating ou, en bon français, le PNBV, Poids nominal brut du véhicule), ce qui inclut le poids de toutes les composantes du véhicule plus celui du conducteur, des passagers et du cargo (mais excluant une remorque).
Voici ces 5 catégories, leur GVWR (en livres) et leur monte :
- 1500 / 8 550 / pneus simples
- 2500 / 9 050 / pneus simples
- 3500 / 9 900 / Super Single ou double à l’arrière (DRW)
- 3500XD / 11 030 (Super Single ou DRW)
- 4500 / 12 125 / DRW
Première subtilité, les 4 configurations ne se retrouvent pas toutes dans les 5 catégories (du moins au Canada) :
- 1500 : seulement Cargo et Passenger
- 2500 : les 4 sauf le Cab Chassis
- 3500 : seulement Cargo et Crew
- 3500XD : comme 3500 plus le Cab Chassis
- 4500 : comme 3500XD
Ainsi, si c’est le transport de passagers qui vous intéresse, vous regarderez du côté des 1500 et 2500. Si vous désirez plutôt charrier des matériaux, vous avez accès à tout le quatuor. Mais ici ne s’arrêtent pas vos prises de décision, loin de là…
Côté motorisation, en effet, M-B a glissé deux engins archi connus sous le capot du Sprinter, soit un 4 cylindres turbocompressé de 2,0 litres à essence (environ 20% des ventes), et un V6 biturbo Diesel de 3,0 litres. Les deux génèrent 190 chevaux, mais le Diesel offre un meilleur couple (324 lb-pi c. 258). Le 1500 est limité au 4 cylindres, le 2500 propose les deux et les trois autres modèles ne tolèrent que le gazole. Alors que l’engin à essence dispose d’une boîte automatique à 9 vitesses, le Diesel se contente de 7, mais, dans les deux cas, c’est un gain de deux rapports par rapport à l’an dernier.
La capacité de remorquage va de 2 268 (5 000 lbs) à 3 402 kg (7 500 lbs). Un 4 cylindres 2,1 litres Diesel ne traversera malheureusement pas l’Atlantique. Vous pouvez également transformer la motricité arrière en traction intégrale, mais seulement en ciblant les modèles Diesel (sauf le Cab Chassis).
Ensuite… voulez-vous un toit régulier ou surélevé ? Sous les deux, un adulte de grandeur moyenne peut se tenir debout, c’est déjà ça. Et est-ce qu’un empattement de 144 po suffira ou en préférez-vous un de 170 po ? Le choix se simplifie quelque peu quand on réalise que le toit régulier s’applique seulement aux 1500 et aux 2500 à empattement de 144 po. Les 1500 sont livrés obligatoirement avec l’empattement court, alors que le long domine les autres variantes. Il existe même un 170 EXT (« extended ») pour le Sprinter Cargo où l’empattement reste le même, mais le plancher s’allonge derrière l’essieu arrière.
Question passagers, l’ancien Sprinter pouvait en embarquer un maximum de 12 (incluant le conducteur). Pour la première fois et en exclusivité sur notre continent, la cuvée 2019 peut accueillir 15 occupants. Le tour de force n’a pas été accompli en allongeant le véhicule, mais bien en grignotant des millimètres entre les rangées de sièges, comme dans un avion qui pratique les tarifs à rabais. Pour être monté à bord d’un Sprinter de 15 places, je confirme que c’est confortable, mais que se rendre aux sièges du fond est affaire d’agilité.
Les portières arrière continuent d’être battantes, avec ou sans fenêtre, tandis que les côtés peuvent recevoir une porte coulissante, ou deux, ou aucune si l’acheteur tient à meubler l’intérieur avec des étagères et des tiroirs offerts dans toutes les formes et grandeurs inimaginables.
Pas grand-chose de nouveau à dire sur la conduite si ce n’est ceci : malgré ses dimensions, le Sprinter se conduit comme un charme. Je me suis baladé dans le centre-ville de Charleston avec une version à 15 places et la balade s’est avérée super agréable. Maniable et souple, le Sprinter coule dans le trafic tout en offrant à son conducteur une visibilité vers l’avant qui est difficile à battre grâce à l’ampleur du verre devant soi et la hauteur du siège. Ne me manquait qu’un micro pour jouer au guide touristique...
On n’amène pas un Sprinter sur une piste de course. On ne lui fait pas prendre un virage normal en courant des risques inutiles. On ne cherche même pas vraiment à connaître son 0-100 km/h. Et on n’ignore pas que sa vitesse maximale a été bridée à 145 km/h, peu importe le moteur.
Il faut savoir par contre que la majorité des aides à la conduite électroniques et les gadgets de sécurité active qui bardent les voitures de tourisme modernes sont également disponibles pour le Sprinter, moyennant supplément. Et, surtout, Mercedes se pète les bretelles au sujet de son nouveau système PRO Connect qui permet à l’utilisateur de tout savoir sur son véhicule à partir de son ordinateur ou son téléphone intelligent. Pareil pour le superviseur de flotte qui peut suivre tous ses chauffeurs à la trace. Seul bémol, cette extraordinaire connectivité, déjà accessible en Europe, ne se répandra que lentement, voire en partie seulement, en Amérique du Nord.
Maintenant que vous en savez plus que tantôt sur le nouveau Sprinter et ses 1 001 configurations, je vous laisse avec deux derniers conseils. En premier lieu, étant donné la tonne de permutations possibles pour trouver le Sprinter qui répondra exactement à vos besoins et à votre budget, veillez d’abord à vous dénicher un conseiller aux ventes qui connaît ce produit très complexe sur le bout des doigts.
Deuxièmement, par acquit de conscience, vous devriez allez comparer la compétition. Durant l’inauguration de l’usine, un vice-président du géant Amazon a jeté l’euphorie chez les employés réunis quand il a annoncé qu’il gonflait sa commande initiale de 5 000 Sprinter à 20 0000. Je lui ai demandé pourquoi sa compagnie avait choisi le produit allemand au lieu du Transit, et il s’est borné à répondre en diplomate, c’est-à-dire en ne disant rien.
Alors à vous de faire vos devoirs en vous rappelant que le moins cher des Sprinter démarre à 42 900$.