Aux yeux de certains consommateurs québécois, Kia Canada a des choses à se faire pardonner. Je rappelle, en effet, qu’un recours collectif s’est organisé afin que les acheteurs/locataires de Forte millésimées 2010 à 2015 soient dédommagés pour les bruits de claquement engendrés par leur moteur.
Pendant que les avocats font ce qu’ils ont à faire, Kia relance la Forte en nous présentant une 3e génération (une 5e si vous comptez les deux premiers cycles où l’auto s’appelait Spectra) qui, franchement, a belle gueule.
Les designers ne se sont pas gênés pour sculpter une section avant qui salue la Stinger, quand même élue Voiture nord-américaine de l’année en 2018. Avec sa bande réfléchissante rouge qui court entre les feux, l’arrière, pour sa part, renoue avec le code génétique de la famille. La fluidité des flancs, qui contribue à l’excellent Cx de 0,27, permet à la berline de rapatrier un peu du parfum du coupé disparu l’an dernier depuis l’abandon de la variante Koup à deux portes.
Dès qu’on se tourne vers les modèles EX plus huppés, les phares DEL de série rehaussent la sophistication du véhicule tout en projetant un éclairage à la fois plus brillant et sécuritaire. Notons que les clignotants logent dans les pare-chocs. Un détail joli pour l’œil, mais qui risque d’être coûteux quand les pare-chocs seront durement mis à contribution. Enfin, vous pouvez décorer votre Forte en choisissant parmi sept teintes et trois types de jantes (15 à 17 po).
Pour afficher un prix d’entrée alléchant, la Forte LX équipée d’une boîte manuelle à 6 rapports (une espèce en voie d’extinction) est proposée à 16 495 $. Et ça ne l’empêche même pas d’avoir un volant chauffant de série ! La LX à boîte automatique commande 2 500 $ de plus.
Puisque Kia Canada s’attend à ce que les gens optent surtout pour la EX, le constructeur l’a déclinée en pas moins de quatre versions : de base à 20 995 $, la + à 22 495 $, la Premium à 25 095 $ et la Limited à 28 065 $.
Tous les modèles exhibent un bel écran central de 8 po qui trône au-dessus du tableau de bord. Intégrant Android Auto/Apple CarPlay, celui-ci devient plus performant quand on lui ajoute l’intelligence UVO. Il surmonte un plateau à deux étages, celui du haut servant à recharger sans fil le téléphone (une suggestion des utilisateurs). Le volant à trois branches et les surfaces douces sont aussi inspirés de la Stinger. Les sièges ont été repensés pour être plus confortables tout en maigrissant de 1,3 kilo par rapport à 2018. Le passager avant s’offrira une sieste peinarde grâce au recul et à l’inclinaison prononcés de son fauteuil, tandis que les grands 6 pieds prendront leur aise sur la banquette 60/40. Dans l’ensemble, la cabine s’avère accueillante et silencieuse.
La hauteur et l’empattement (à 2 700 mm, pareil à celui de la Civic et de la Corolla) sont restés les mêmes, mais la longueur et la largeur ont gagné des millimètres, de sorte que Kia annonce le meilleur dégagement du segment.
En plus de sa longue association avec les Olympiques spéciaux, Kia a renforcé son engagement communautaire en devenant le partenaire automobile officiel de la Ligue de hockey junior majeur du Québec pour les cinq prochaines années. Ça tombe bien, car les 434 litres de la soute à bagages de la Forte – mieux que les principales rivales – acceptent les sacs de hockey sans broncher.
Afin d’effacer le cafouillage mécanique qui a terni sa réputation sous le capot des Forte, Kia dispose de zéro marge d’erreur. Or, pour 2019, Kia revient à la charge avec la même cylindrée (2,0L), la même puissance (147 ch) et le même couple (132 lb-pi), mais avec suffisamment de pièces nouvelles pour joindre la famille de moteurs justement baptisée « Nu ».
Ce moteur reprend aussi le cycle Atkinson, un principe de combustion d’ordinaire favorisé par les véhicules hybrides pour consommer moins. De plus, il fait appel à une transmission à variation continue d’un nouveau genre. Développée à l’interne, elle délaisse la traditionnelle courroie en faveur d’une chaîne d’acier (la « Variator ») pour transférer le couple. Elle simule également 8 vitesses pour créer une ambiance sportive.
En bout de ligne, la IVT (pour Intelligent Variable Transmission, l’astuce qu’a trouvé Kia pour s’éloigner de l’appellation CVT) fournit une consommation de carburant améliorée de 17% par rapport à l’ancienne, ce qui n’est pas rien.
Même en roulant avec enthousiasme sur des sections qui n’avaient rien d’une ligne droite et plate, j’ai observé une consommation moyenne de 6,7 litres/100 km. Et lorsque j’ai filé sur l’autoroute du Nord, j’ai été impressionné par la cote de 5,1 litres/100 km affichée par l’instrumentation.
Côté sécurité, les ingénieurs ont déployé plusieurs mesures actives et passives (regroupées sous l’acronyme ADAS pour Advanced Driver Assistance Systems). Il s’agit en fait de gadgets connus, comme le maintien au centre de la voie et toutes sortes d’alertes. Par contre, il faut reconnaître qu’il n’est pas fréquent de tous les retrouver dans une compacte de ce prix.
Quand on se glisse pour la première fois derrière le volant de la nouvelle génération d’un véhicule, on espère percevoir les améliorations apportées. Sinon, c’est une belle perte de temps ! Heureusement, la Forte 2019 livre la marchandise.
Je précise tout de suite que les modèles mis à notre disposition lors du lancement étaient des EX, donc des exemplaires bien nantis et même plus. Ça change la donne, car j’ai alors roulé avec des pneus de 16 et 17 pouces.
Or, tout au long du trajet entre Ottawa et Tremblant, j’ai traversé de sympathiques localités comme L’Ange-Gardien et Brébeuf, mais la qualité du pavage était à maintes endroits douteuse. Avec les 17 po, ça s’est traduit par des balades sportives. En clair, l’auto tape dur. Pas une seule crevasse ou nid-de-poule le long du chemin qui n’a pas fait sentir sa présence. Dès que je suis passé aux 16 po, le confort à bord a remonté d’une coche. Je peux donc sans peine imaginer que la Forte chaussée des 15 po de base fournira les promenades les plus ouatées.
Cela dit, tant qu’à jouer la carte de l’agressivité avec les 17 po, activons le mode Sport en enfonçant le bon interrupteur sur la console au plancher, ou alors expédions une taloche au levier de la transmission. On sent aussitôt la différence. L’accélérateur se raidit, le volant gagne en précision, les révolutions augmentent et nous voilà prêt à découper les routes comme un chirurgien maniant son scalpel.
La Forte obéit au doigt et à l’œil. Le siège communique avec le macadam. On négocie les courbes avec assurance, sans roulis excessif. Le squelette (maintenant l’égal de la Hyundai Elantra) est plus rigide, bien sûr.
On se dépêche toutefois d’enfoncer un autre bouton, lui aussi facile à dénicher à gauche du volant, pour que cesse l’agaçant « bip » qui se produit quand on flirte de trop près avec les bandes réfléchissantes. « Hé, auto ! C’est ma ligne, c’est mon point de corde, alors chut ! Silence ! »
Et la transmission ? C’est vrai qu’elle n’est pas aussi geignarde que d’autres mais, en réalité, la majorité des CVT se sont améliorées à cet égard depuis leurs débuts. Celle de la Forte escalade et redescend les régimes sans à-coups agaçants, à moins de générer des reprises à l’emporte-pièce puis relâcher brusquement les gaz. Mais de là à dire qu’elle procure des frissons en singeant les reprises d’une transmission classique, pas vraiment.
Le mode Eco, quant à lui, n’intervient dans l’équation que lorsque la Forte est équipée du système Smart (à partir du modèle EX). Ce programme décide pour vous de l’humeur de l’auto en la calquant sur votre propre humeur. Il analyse votre façon de conduire et choisira Eco, Normal ou Sport selon vos manières pépères ou guerrières.
La Forte affronte une féroce compétition, très aguerrie, habituée aux grands honneurs. La Honda Civic et la Toyota Corolla ne lui ont jamais fait de cadeau et ne commenceront pas. Mais ce qui étonne encore plus, c’est la lutte fratricide que lui livre l’Elantra. Bon an mal an, la Hyundai se vend au moins trois fois plus que la Kia. Pourtant, les deux coréennes partagent la même plateforme et bien d’autres pièces. Les gens de Kia se défendent en disant que les cousins sont établis au Québec depuis plus longtemps, donc qu’ils jouissent d’une renommée plus enviable. Au moins, la Kia Forte 2019 a désormais les arguments de taille pour ne pas être prise pour le parent pauvre. Le reste dépendra du marketing de la compagnie.
Enfin, pour ceux et celles qui se posent la question, et même si le constructeur n’a pas voulu en parler, il est fort probable qu’une nouvelle version familiale Forte5 se pointera l’un de ces bons matins.