L’électrification des transports est commencée depuis plus de 10 ans, mais une catégorie échappait toujours à cette vague, malgré sa popularité et sa propension à contribuer aux émissions de gaz à effet de serre : les camions pleine grandeur. Alors que les annonces des constructeurs d’automobiles se multiplient, Ford est la première à débarquer avec un camion électrique sur le marché canadien, le Ford F-150 Lightning 2022. Celui-ci a fait couler beaucoup d’encre depuis quelques années, mais ses prestations sont-elles à la hauteur de ses prétentions? Nous avons assisté au lancement pour obtenir un début de réponse.
Le même bon vieux F
La multiplicité des déclinaisons, une stratégie chère aux constructeurs américains, n’est pas un atout du Lightning. Outre la version Pro destinée aux opérateurs de flottes, il y a les versions XLT, Lariat et Platinum qui sont disponibles. Elles sont toutes à cabine d’équipe SuperCrew et avec une caisse de 5 pieds et demi. Pas d’ensemble XTR, pas d’ensemble FX4 ou encore de choix de caisse ou de cabine; c’est la simplicité qui prime, pour une question de rapidité de production, nous a-t-on dit.
À l’extérieur, c’est ultraconservateur comme approche. La devanture est plus rectiligne que la déclinaison régulière, notamment avec cette barre lumineuse qui la traverse de part et d’autre (sauf pour la version Pro) mais également cette grille de calandre fermée. De profil, certains remarqueront les ailes qui n’ont pas le même estampillage que celui de la version à essence, alors que l’arrière propose aussi une barre lumineuse pour les versions Lariat et Platinum. Pour le reste, hormis les roues plus aérodynamiques de 20 et 22 pouces (Platinum), c’est un camion F-150 tel qu’on le connaît... avec même une antenne de type fouet, un anachronisme qui n’a pas sa place dans un véhicule aussi moderne.
Une telle simplification rend la gamme de prix facile à suivre; la version XLT commence à 69 995 $ (transport et préparation inclus), alors que la Lariat est à 81 995 $ et la Platinum culmine à 111 995 $. Pour l’option de la batterie à autonomie prolongée dans les XLT et Lariat, le coût est de 13 380 $, y compris une borne de recharge niveau 2 de 19,2 kilowatts de puissance. Sans surprise, c’est cher, mais logique compte tenu de la technologie embarquée. Et malheureusement, la non-disponibilité de la déclinaison Pro (59 995 $) aux consommateurs particuliers empêche le F-150 Lightning d’être admissible aux rabais gouvernementaux.

Un intérieur supérieur
Là où le Ford F-150 Lightning se distingue, c’est en termes d’intérieur. D’abord, les déclinaisons Lariat et Platinum sont munies de série d’un écran d’infodivertissement de 15,5 pouces, lequel est directement tiré de la Ford Mustang Mach-E. Son intégration est meilleure du côté de la camionnette, étant presqu’entièrement fondu dans la planche de bord tout en étant assez proche du conducteur pour faciliter sa manipulation. Les autres déclinaisons ont un écran de 12 pouces, bien connu dans le F depuis 2021.
Pour toutes les versions, l’instrumentation est similaire à celle des F-150 à essence bien équipés en ce sens qu’elle est composée d’un écran de 12 pouces. Les indicateurs de pression d’huile et de température de transmission sont toutefois remplacés par des indicateurs de température pour la batterie, un facteur clé pour la performance des véhicules électriques.

Là s’arrêtent les différences. La console centrale large et fonctionnelle, les sièges confortables et bien galbés, l’espace arrière généreux et l’équipement sont en tous points similaires à ceux d’une version classique. Il en va de même pour la visibilité, l’accès à bord et la qualité de finition, des forces de la version à essence. Ce n’est pas une tare en soit, parce qu’ils sont efficaces et bien pensés, mais ceux qui espéraient une plus grande distinction de la déclinaison électrique resteront sur leur appétit.
L’absence de mécanique thermique à l’avant du camion ouvre les possibilités, comme en témoigne cet énorme coffre de 400 litres pouvant supporter 182 kilos (400 livres) se trouvant sous le capot. Cet espace facile d’accès comprend quatre des 10 prises domestiques de 120 volts. Vous en trouverez quatre autres dans la benne, plus une prise 240 volts, puis deux autres prises 120 volts dans l’habitacle. Franchement, c’est super, mais le capot s’ouvre malheureusement trop lentement.

Deux options mécaniques
Toutes les versions sont équipées de deux moteurs électriques identiques – un placé à l’avant et un autre à l’arrière – dont la puissance combinée va varier en fonction de la taille de la batterie.
Les versions Pro, XLT et Lariat arrivent d’office avec une batterie lithium-ion de 98 kilowattheures utilisables, munie d’un système de gestion thermique. Ces versions donnent une puissance combinée de 452 chevaux et une autonomie estimée à 370 kilomètres avec les roues de 20 pouces.
Offerte de série dans la déclinaison Platinum ou en option au coût de 13 380 $ pour les trois autres déclinaisons, la batterie de plus grande capacité propose une capacité utilisable de 131 kilowattheures. Elle fait grimper la puissance à 580 chevaux et l’autonomie à 515 kilomètres avec les roues de 20 pouces (483 kilomètres avec les roues de 22 pouces). Dans tous les cas, le couple affiché est de 775 livres-pieds.

Évidemment, la puissance ne fait pas défaut. Avec 580 chevaux et un couple de 775 livres-pieds, vous en avez assez pour vous catapulter vers l’avant. En accélération vive, l’instantanéité est réelle et la livraison de la puissance s’effectue tout en douceur. Sans qu’on ne s’en rende compte, on est rendu à plus de 100 kilomètres/heures dans un silence impressionnant en tout temps.
Je salue aussi l’efficacité du freinage régénératif, dont la vigueur ralentit rapidement le camion et l’amène à un arrêt complet avec la fonctionnalité commutable de conduite à une pédale. Après 225 kilomètres sur des routes secondaires, une autoroute et en ville, la consommation moyenne s’est chiffrée à 28 kilowattheures/100 km avec une version Platinum à grosse batterie et roues de 22 pouces, une donnée préliminaire qu’il faudra tester plus en profondeur.

C’est lourd!
Compte tenu de la présence d’un bloc-batterie d’un poids de 1500 livres, le véhicule est lourd. Au maximum, il atteindra près de 3 180 kilos (7000 livres), en faisant un des plus lourds du marché. À basse vitesse, la suspension indépendante à l’arrière surprend par sa fermeté, mais à plus haute vélocité, elle donne l’impression d’être plus souple. Une pointe de sous-virage apparaît rapidement quand on le pousse en courbe, témoignant du poids élevé du camion. Au moins, la direction précise au rayon de braquage assez court aide à l’agilité et à la manœuvrabilité.
Toutefois, le centre de gravité très bas conféré par la batterie contribue à la stabilité et au contrôle; jamais le camion n’est balloté d’un bord ou l’autre même sur route dégradée, contrairement aux camions classiques.
Épreuve remorquage
Nous l’avons essayé sur 30 kilomètres avec une remorque de 5 000 livres et la puissance ne manque pas. Le pied au plancher, la mécanique travaille bien et ne transmet pas de secousses ou d’hésitation, mais le transfert de poids semble être mal géré par la suspension arrière, ce qui soulève l’avant et provoque un effet de couple vigoureux de la direction. À vitesse constante, c’est toutefois très doux et stable.
Qu’en est-il de la consommation avec 5 000 livres en remorquage? Lors de notre petit parcours de 30 kilomètres, elle a grimpé à 44 kilowattheures/100 km en moyenne, donnant une autonomie projetée de 290 kilomètres, ce qui correspond à ce qu’affichait le camion en temps réel dans l’instrumentation. On parle ici d’une diminution de l’autonomie d’environ 40 %, alors qu’il faisait 28 degrés.
Bilan
Si le Ford F-150 Lightning ne réinvente rien en termes de style, il brasse sérieusement la cage de la catégorie pour tout le reste. Il semble être bien né, mais il faudra voir comment toute cette technologie de pointe composera avec la vraie vie, autant en termes de performance globale, de remorquage et de fiabilité globale. Rappelons-nous que le plus récent produit électrique de Ford, le Mustang Mach-E, n’a pas été de tout repos à ce sujet. La patience est donc de mise, d’autant plus que si vous le commandez maintenant il arrivera dans plus de deux ans. Chose certaine, la voie est tracée.
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