Ce n’est pas d’hier que Chevrolet caresse l’idée de faire passer le V8 de sa voiture sport à l’arrière. Il y a 60 ans, GM avait présenté un premier concept avec cette architecture, le CERV-1 (Chevrolet Engineering Research Vehicule). Ce n’était pas exactement une Corvette, mais l’idée avait commencé à germer. Huit générations plus tard, la Corvette propose une configuration mécanique capable d’affronter les plus grands bolides d’Europe.
La nouvelle architecture technique de la Corvette commande que la voiture adopte une approche stylistique complètement différente des sept précédentes. Tout passe par les proportions. Historiquement, elle offrait un long capot et un arrière tronqué sous sa lunette. Maintenant, le museau plongeant se montre très court et flanqué par deux gros blocs optiques. Pour l’aérodynamisme, les designers multiplient les ouvertures. Le but est d’orienter les mouvements d’air pour optimiser la pression négative sur la carrosserie et alimenter les radiateurs.
C’est de profil que la C8 est absolument saisissante. L’habitacle se déporte vers l’avant et rapproche les passagers du train avant. Inspirée des avions de chasse F22 et F35, la forme de la cabine adopte des airs de Ferrari et de McLaren. Impossible de manquer la prise d’air latérale qui pointe dans la portière, peut-être un peu trop grosse selon moi. Par souci de pureté, les poignées de porte sont cachées. Chevrolet meuble la carrosserie sans tomber dans l’exagération. Il ne faut pas oublier que la partie centrale du toit peut être retirée pour lui donner un look « Targa ». Sur ce plan, trois possibilités : peinte de la même couleur que la voiture, en fibre de carbone ou encore translucide. Chevrolet offrira 12 coloris extérieurs et une collection de jantes. Les roues sont de tailles différentes avec des 245/35ZR19 à l’avant, alors qu’à l’arrière ce sont des 305/30ZR20.
Pour le design arrière, on note des hanches fortes pour intégrer le V8. On reconduit les doubles feux traditionnels avec un éclairage complet à DEL et un clignotant à allumage progressif. La lunette laisse voir la mécanique… loi obligatoire pour les moteurs centraux. Sept sorties d’air l’encadrent pour le look et pour permettre l’aération du moulin. Un becquet/aileron (selon la version) assure un maximum de pression négative sur le train, combiné à un diffuseur sous le véhicule qui facilite l’écoulement aérien. Pour l’évacuation, deux grandes sorties d’air sont flanquées sur le parechoc. Les quatre pots d’échappement ne sont plus au centre, ils se séparent plutôt en paires.
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L’habitacle emboîte le pas à l’extérieur en adoptant une présentation tout aussi spectaculaire. De facto, il faut savoir que les passagers sont maintenant déportés de 16,4 pouces vers l’avant par rapport à l’ancienne génération. La position de conduite diffère de toutes les Corvettes précédentes. Il n’y a plus de long capot qui s’étire loin devant nous, mais on voit très bien les deux ailes avec leur forme relevée. L’inclinaison du pare-brise est prononcée, mais malheureusement, on y voit une réflexion complète du tableau de bord. C’est un irritant, à tout le moins une distraction. Chevrolet l’assume, au point d’aviser les clients que certaines teintes sont plus agaçantes que d’autres à cet égard. Au chapitre de l’intérieur, 6 couleurs de cuir pourront être livrées, auxquelles on peut ajouter plusieurs autres possibilités à deux tons. Ce vaste choix permet de rendre l’habitacle magnifique. Toujours dans le pare-brise, on peut opter pour un affichage tête haute avec de multiples interfaces pour consulter des informations essentielles au pilotage dynamique.
Chevrolet a porté une attention très particulière aux sièges afin que l’on puisse optimiser leur confort et les soutiens au moyen de trois différentes options (GT1, GT2 et GT3). Ceux de la version 3LT à l’essai étaient superbes. Très cintré, j’ai pu prendre les courbes avec vigueur sans broncher. Comme je mesure plus de 6 pieds, j’ai toujours eu de la difficulté à trouver une bonne posture de conduite. Chevrolet a géré le problème en se servant d’un ingénieur de 6 pieds 5 pouces pour configurer la position du siège. Conséquemment, les réglages s’ajustent pour tous les formats. Même si la cabine est exiguë, on peut prendre nos aises.
L’approche stylistique fait école par sa beauté et son audace en positionnant le chauffeur au centre de tout. Premièrement, le tableau de bord est bas pour ne pas obstruer la vision avant. Le volant lui-même est carré pour optimiser la prise en main et ne pas entraver le champ de vision. L’instrumentation numérique change d’apparence selon le mode de conduite et les possibilités d’affichage sont infinies. Vient ensuite le même écran multimédia de 8 pouces que l’on connaît chez GM depuis des années, lui aussi orienté vers le pilote. Cette position fait en sorte qu’il est presque impossible pour le passager de le manipuler. Même son de cloche pour les commandes de la climatisation qui s’étendent sur une longue arête qui coupe littéralement le chauffeur du passager. Personnellement, la cabine de la Corvette est l’une des plus impressionnantes que j’ai vue en carrière.
Je dois vous parler des volumes cargo. Comme la majorité des voitures à moteur central, la Corvette a deux coffres, l’un à l’arrière et l’autre à l’avant pour un total de 356,8 litres. Chevrolet soutient que l’on peut y mettre deux sacs de golf. Disons plutôt de mini-golf!
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Chevrolet est partie d’une feuille blanche pour la conception, dont le développement a commencé dès 2012-2013. Il y a donc un bon bout de temps que l’on savait que la Corvette deviendrait complètement différente. Pour la conception de la plate-forme, les ingénieurs ont utilisé uniquement de l’aluminium, de la fibre de carbone et du magnésium. Sous la lunette arrière, Chevrolet présente le LT2, un V8 « small block » de 6,2 litres dérivé de l’ancienne génération; on nous parle d’une nouveauté, mais ne nous racontons pas trop d’histoire. Ce moteur reconduit en effet de vieilles technologies comme les tiges-poussoirs (pushrods), mais arrive avec l’injection directe et la désactivation des cylindres. Dans la version de « base », on obtient 490 chevaux et un couple de 470 lb-pi. Avec l’option Z51 et le système d’échappement de performance, on passe à 495 ch. La transmission à huit rapports à double embrayage est conçue en collaboration avec l’équipementier Tremec. La gestion se montre superbe dans toutes les occasions. Selon Chevrolet, la Corvette boucle le 0-100 km/h en 2,9 secondes et peut atteindre une vitesse de pointe de 312 km/h. Ce n’est que le début pour la C8, car on sait qu’une Z06 et une ZR-1 sont en développement. La puissance et la vélocité ne feront qu’augmenter.
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Le lancement s’est déroulé en deux parties : sur la route en banlieue de Las Vegas et sur la piste de Spring Mountain. Ces deux environnements différents m’ont permis de voir les diverses personnalités de la voiture. Tout passe par les multiples modes de conduite. Il y en a 5 de base : My Ride/Z-Mode, Weather, Tour, Sport et Track. Dans le cas du dernier, on ajoute plusieurs sous-déclinaisons. Chaque fois, on intervient sur les suspensions, la direction, la réactivité du moteur et de la transmission, le différentiel et une multitude d’autres paramètres.
Les véhicules à l’essai étaient équipés des amortisseurs magnétiques MagnaRide de quatrième génération. Autant les premières versions me laissaient de glace, autant on sent maintenant une différence en fonction du mode. La direction est le fruit d’une collaboration entre Bosch et ZF. Le résultat est tout simplement superbe. Sur la route, la Corvette peut se conduire comme une boulevardière, parfaite pour des allers-retours sur la « Strip ». Par contre, dès que l’on engage les modes Sport et Track, elle change de personnalité. Je me suis senti impliqué avec la voiture, on fait corps. Les qualités dynamiques de la voiture et sa gestion font en sorte qu’il n’y a pas une courbe qui puisse nous résister ou nous ralentir. Elle mord avec aplomb et fonce dans les virages serrés sans broncher en maintenant sa stabilité.
L’action se passe sur la piste où, comme une danseuse exotique, elle se révèle. Spring Mountain n’offre pas beaucoup d’élévation, mais comporte plusieurs chicanes pour bien sentir la voiture et percevoir la déportation en plus d’une belle ligne droite pour une vive accélération. Avec son centre de gravité à la hauteur des hanches et une répartition de la masse 40/60 au profit de l’arrière, en mode « Track » elle se montre dansante mais en contrôle. L’arrière aime se laisser aller, mais le différentiel eLSD à gestion électronique pousse toujours sur la bonne roue pour optimiser la stabilité, agissant comme un vecteur de couple. La voiture ne lésine pas en matière de freins. Avec le groupe Z51, on obtient des Brembo de 13,3 pouces à l’avant et de 13,8 pouces à l’arrière. Ayant eu la chance d’en faire l’essai durant quelques tours de piste, j’ai constaté leur ardeur et endurance.
La Corvette offre une vivacité sans violence sur la piste. Malgré ses 495 chevaux, j’ai perçu que la voiture a ses limites en fait de cavalerie, qu’elle aimerait en donner plus et être poussée davantage. La beauté est que l’on sent bien que le châssis pourra aisément assurer la conversion vers les modèles Z06 et ZR-1. Pour la conduite de tous les jours, c’est suffisant, mais pour ceux qui voudront aller sur la piste, patientez pour les autres versions à venir qui offriront une plus grande puissance.
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Il aura fallu attendre 60 ans avant que la Corvette adopte la configuration mécanique des exotiques. Certains diront qu’elle s’affiche comme une Ferrari ou une McLaren à rabais. C’est faux. Les Européens ont certes une expérience plus longue et plus raffinée en la matière, par contre, considérant le prix de base tout juste au-dessus des 70 000 $, on est très loin des 200 000 $ à 450 000 $ que l’on peut demander pour une F8 ou une 600LT. À ce chapitre, on peut accepter les quelques détails qui nécessitent un peu de peaufinage technique. Chevrolet vient de créer ce qui pourrait bien être la meilleure Stingray de tous les temps.