C’est en 2015 que Toyota présentait sa toute première voiture électrique équipée d’une pile à combustible à hydrogène, une catégorie automobile mieux connue sous l’acronyme FCEV (Fuel Cell Electric Vehicle). Elle s’appelait Mirai et proposait une alternative viable dans le marché de l’électrification.
En théorie, la technologie est intéressante, car les FCEV se débarrassent presque entièrement de la pile au lithium tout en réduisant considérablement les temps de recharge. On n'a qu’à remplir un réservoir d’hydrogène, comme on le fait avec un réservoir d’essence, et en quelques minutes, le véhicule est prêt à reprendre la route. Les FCEV proposent également une autonomie nettement plus élevée que celle des véhicules électriques actuels.
Malgré toutes ces qualités, la voiture à hydrogène ne semble pas progresser au même rythme que l’auto électrique. D’une part, on remarque un manque flagrant d’infrastructures de remplissage. De l’autre, beaucoup de questionnements persistent au sujet de la transformation du gaz en question, qui peut s’extraire d’un peu n’importe quoi, comme du gaz de schiste ou même du charbon. C’est sans oublier les coûts de remplissage qui sont encore nébuleux.
Afin de dresser un portrait sur le positionnement de la voiture à hydrogène dans le parc automobile actuel, nous avons mis la fameuse Toyota Mirai 2019 à l’essai.
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Au Salon de l’auto de Montréal en janvier 2018, Toyota annonçait que 50 Toyota Mirai seraient livrées aux employés du gouvernement provincial, tout en implantant une première station de remplissage dans la ville de Québec. Un an plus tard, dans le cadre du même salon, le constructeur de concert avec Honda annonçait qu’une deuxième station serait inaugurée sur la Rive-Sud de Montréal – sans date précise.
Au moment d’écrire ces lignes, la Mirai n’est toujours pas offerte aux consommateurs canadiens. Toutefois, si elle l’était, Toyota précise que son prix de départ avoisinerait 70 000 $. Certes, c’est onéreux, mais c’est tout de même moins cher que son seul réel concurrent, le Hyundai Nexo (90 000 $), un VUS que les consommateurs peuvent acheter, mais qui est tout autant privé d’infrastructures pour l’alimenter.
Il faut dire que les FCEV connaissent un meilleur succès en Californie, ou même en Colombie-Britannique, où un plus grand nombre de stations de remplissage est disponible. Tout est cependant encore au stade embryonnaire.
La Mirai est sensiblement du même gabarit qu’une Toyota Prius, disposant d’un design tout aussi éclaté qui ne fait pas l’unanimité, tant auprès des journalistes automobiles que des consommateurs. D’une allure futuriste avec ses lignes angulaires, sa gigantesque grille et ses feux arrière divisés, on ne peut qualifier la Mirai de jolie voiture. Elle semble néanmoins bien vieillir, car même quatre ans après son apparition, cette Toyota affiche encore un look avant-gardiste.
Dès qu’on prend place dans l’habitacle de la Mirai, on constate que Toyota a mis le paquet pour justifier son prix.
Dans cette voiture, on s’assied dans d’énormes sièges en cuir immensément douillets, tant à l’avant qu’à l’arrière. L’habitacle est très bien assemblé et spacieux, incorporant des matériaux de bonne qualité et des agencements de couleurs agréables. Bref, on se sent comme dans une Lexus.
Cela dit, la banquette arrière, bien qu’allouant un bon dégagement pour les jambes, la tête et les épaules, ne peut accommoder que deux passagers, et non trois. Elle ne peut pas non plus être rabaissée dans le plancher en raison du réservoir d’hydrogène.
À l’instar du design extérieur, la planche de bord est futuriste et remplie de fonctionnalités. Comme c’est le cas à bord d’une Prius, la majorité de l’information est affichée sur un écran central où il est possible d’observer le fonctionnement de la mécanique, de vérifier l’autonomie restante du réservoir et même d’accéder aux statistiques relatives à la consommation d’énergie du véhicule.
Toutefois, nous reprochons à la Mirai de disposer d’un peu trop de commandes tactiles, surtout sur l’énorme console centrale qui se rattache à la planche de bord. Par exemple, on accrochait constamment les boutons des sièges chauffants en manipulant le levier de vitesses, ou en déposant notre café dans le porte-gobelet. De plus, bien que le système multimédia puisse se connecter à Apple CarPlay, il n’est pas compatible avec Android Auto.
C’est surtout sur le plan technique que la Mirai impressionne. Sous son capot taillé au couteau se trouve un moteur électrique de 113 kw produisant 151 chevaux et 247 lb-pi de couple entraînant les roues avant. Entre le coffre et les places arrière se cache un réservoir capable d’accueillir jusqu’à 5 kg d’hydrogène. Une pile à combustible est installée sous le plancher, vers l’avant du véhicule.
Par l’entremise d’une réaction chimique – grossièrement semblable à l’électrolyse inversée –, cette pile se charge d’emmagasiner l’électricité générée par le système, pour ensuite faire tourner le moteur électrique. Tout ce qui sort du tuyau d’échappement, c’est de la vapeur!
D’ailleurs, Toyota stipule que sa Mirai fonctionne un peu comme un poumon sur roues. La vapeur qui en sort serait, en théorie, plus propre que l’air entrant!
Au final, le constructeur promet une autonomie de 500 km, ce qui surpasse actuellement la plupart des voitures électriques sur le marché. Cependant, lors de notre essai, il était impossible de bien mesurer cette quantité, car le véhicule nous a été livré avec un réservoir à moitié rempli. Toutefois, même si l’ordinateur de bord affichait une autonomie de 200 km, nous avons été en mesure de parcourir un total de 213 km en saison estivale.
Au moment d’écrire ces lignes, le coût de remplissage à la station-service de Québec s’élève à 10 $/kg, ce qui représente 50 $ pour un plein. Selon les données de l’EPA, la Mirai consomme 0,76 kg d’hydrogène par 100 km.
Au chapitre de la performance, bien que la Mirai n’ait pas été conçue pour être rapide, Toyota annonce un 0-100 km/h en environ huit secondes, ce qui est comparable à une voiture compacte à essence.
La Toyota Mirai 2019 se conduit exactement comme une voiture électrique, c'est-à-dire qu’elle n’émet presque aucun décibel lorsqu’on la démarre et procure une douceur de roulement assez remarquable.
D’ailleurs, c’est justement l’affabilité et la discrétion du moteur électrique qui démontrent à quel point cette bagnole est bien assemblée. L’habitacle est incroyablement silencieux, dépourvu de bruits de caisse ou de turbulences désagréables. C’est seulement lorsque le système purge sa vapeur, un processus automatisé qui s’effectue périodiquement, qu’on entend la mécanique opérer.
Sans surprise, le couple élevé que génère instantanément le moteur électrique procure à la Mirai de promptes accélérations, sans qu’elle soit particulièrement excitante à conduire. C’est une auto qui remplit bien sa mission, celle de transporter ses occupants confortablement sans brûler une goutte d’essence. Ses performances ne sont peut-être pas électrisantes, mais sont suffisantes pour les tâches quotidiennes, et sa suspension absorbe bien les imperfections de la route. Au chapitre du raffinement, la Mirai se compare plus à une Avalon qu’à une Prius.
Comme toute voiture électrique, la Mirai est équipée du freinage régénératif permettant à sa pile d’emmagasiner l’énergie perdue lors des décélérations. Le système s’opère de la même manière que dans une Prius. On n’a qu’à placer le levier de vitesses en mode B pour l’activer. Il n’offre cependant qu’un seul degré de résistance, contrairement aux véhicules électriques qui disposent de trois voire cinq niveaux de freinage.
Y a-t-il donc un avenir pour l’auto à hydrogène? Nous ressortons de cet essai avec quelques interrogations. Si un jour les infrastructures de ravitaillement en hydrogène commencent enfin à croître et à se multiplier, serons-nous confrontés au même cartel que celui de l’essence, où seulement une poignée de fournisseurs contrôle sa tarification?
Et comment allons-nous produire l’hydrogène de manière efficace? À l’heure actuelle, ce ne sont pas tous les procédés de transformation du gaz qui sont respectueux de l’environnement. Certes, au Québec, nous avons l’avantage de l’extraire de façon propre grâce à notre surdosage d’eau et d’électricité. Mais la réalité n’est pas pareille partout dans le monde; sa transformation est relativement complexe et engendre des pertes d’énergie importantes.
Au final, le rapide progrès de la voiture électrique, tant au chapitre de l’autonomie que des temps de recharge, nous force à croire qu’elle prend du galon sur les véhicules à pile à combustible.
La technologie des FCEV est tout de même prometteuse, ça ne fait aucun doute. Toyota s'en sert actuellement dans les flottes de véhicules, comme des taxis en Europe, preuve que la technologie est au point. Et si les principaux acteurs dans le domaine réussissent à surmonter les défis actuels, il se pourrait bien que l’hydrogène prenne le dessus. En attendant que tout cela se produise, les voitures à batterie, elles, gagnent de plus en plus de terrain.