Les utilitaires sport compacts sont meilleurs que jamais. Même si la compétition est plus féroce, la Subaru Forester conserve un atout de taille chez nous : son rouage intégral à prise constante. Aucun autre constructeur ne s’est aventuré dans cette avenue, pourtant, il suffit d’en faire l’essai l’hiver pour saisir que l’on est dans une Forester lorsque les conditions se dégradent. C’est laid, mais ça marche!
Pour moi, le design est important dans le monde de l’automobile. C’est une carte de visite. Bien que ce soit une question subjective, je ne peux m’empêcher de regarder la Forester de manière dubitative. Je m’explique mal des choses sur ce véhicule. Premièrement, pourquoi son évolution stylistique se doit d’être aussi lente d’une génération à l’autre? N’y a-t-il personne chez Subaru qui a envie d’explorer des terres inconnues en matière de design, d’innover, de s’exciter, même d’avoir une simple émotion? Aussi, pourquoi les phares (directionnels) sont-ils presque tous identiques d’un modèle à l’autre? Une originalité, une variation SVP! La calandre me semble encore trop haute, et mal intégrée; pourquoi est-elle là? Le capot : Subaru multiplie les plis et les creux… On dirait qu’une tonne de briques est tombée sur la bagnole. Bon, la vision est meilleure, mais ce n’est pas beau.
La Forester a toujours refusé la conformité des lignes habituelles d’un VUS. On se ramasse avec un nez de berline, mais avec la cabine d’un VUS! Pour compenser la distance, le pare-brise s’allonge. Là encore, la visibilité y gagne, mais ce n’est pas harmonieux. En contrepartie, cela donne une fenestration des plus généreuses. Ça, c’est une qualité, mais ce n’est pas équilibré. À l’arrière, Subaru s’éclate. Les feux adoptent la « nouvelle » mode de la configuration de type pince de homard. C’est peut-être là le seul élément de style qui ne m’a pas écorché l’œil. Même les jantes de 18 pouces sont moches.
Je dois souligner un effort de distinction pour la version Premier à l’essai. On retrouve des boîtiers de rétroviseur en gris satiné qui imitent assez fidèlement l’aluminium. Des pièces chromées cadrent les phares antibrouillard (pas beaux), et des appliques grises contrastantes protègent autant la galerie de toit que le bas de caisse. Personnellement, je vous suggère de regarder les modèles Sport et Limited plus digestes, moins exubérants.
Si je n’aime pas le design extérieur, je me réconcilie avec la Forester dès que j’ouvre la portière. L’actuelle génération de Subaru me séduit à ce chapitre. On découvre un habitacle très spacieux et particulièrement lumineux en raison de l’interminable fenestration. Subaru a trouvé une voie très agréable à l’œil pour ce qui touche la présentation. On mélange les textures, les matériaux et les couleurs avec une belle modernité. J’adore la teinte brune de la sellerie en cuir. Elle donne un côté riche à la cabine. Sans oublier une qualité de finition et un assemblage bien au-dessus de la moyenne de la catégorie.
L’instrumentation se montre simpliste, facile à lire. Pas d’artifices, pas de grand écran numérique. Subaru reste traditionnel avec deux cadrans et un ordinateur de bord très complet. Toujours dans une optique d’information, au sommet de la planche de bord, on reconduit un deuxième moniteur qui multiplie les données. Tout comme l’ordinateur de bord, ses commandes se retrouvent sur le volant. Ce dernier est d’ailleurs assez chargé en boutons et en commandes. Après quelques heures, on s’y habitue. La Forester intègre le système de navigation de nouvelle génération, mais pas le gros écran de 11,6 pouces, on retient les services du « petit » à 8 pouces. J’aime bien la présentation et l’ergonomie de ses paramètres. Autant Subaru nous avait offert le pire, autant maintenant, il propose l’un des programmes multimédias des plus intuitifs. En bas de cet écran principal, il y a les commandes de la climatisation. Elles sont basses, mais demeurent accessibles.
Le volume intérieur impressionne aussi. Grâce au haut pavillon de toit, on dirait que la cabine est beaucoup plus grande qu’elle ne l’est en réalité. Tous les occupants - au compte de 5 - jouiront d’amples dégagements. Le coffre, de base, engloutit 1 003 litres et si l’on rabat le dossier, il avale 2 155 litres. Le comparatif habituel avec la concurrence : 1 065 à 2 146 litres pour le Honda CR-V Touring et de 1 059 à 1 977 litres pour le Toyota RAV4. Tout comme ces derniers, la Forester offre un accès aisé grâce à son seuil bas et sa large ouverture.
Contrairement aux générations précédentes, la Forester actuelle ne vient qu’avec un seul moteur. Presque tout nouveau, on conserve la configuration de type Boxer (cylindres à plat opposés), de même que sa cylindrée de 2,5 litres. Légèrement plus puissant, on obtient quelque 182 chevaux et un couple de 176 lb-pi. Il se voit marié à une boîte automatique CVT. Grognon en prise de vitesse, j’aimerais plus de couple pour assurer des accélérations et des reprises plus adéquates. Je ne parle pas d’un surplus démesuré, mais considérant les 1 630 kg du véhicule, excéder la barre des 200 chevaux lui donnerait plus d’aplomb. De là l’intérêt de produire une version XT avec le quatre cylindres turbocompressé de 2,4 litres de 260 chevaux qui niche dans les Ascent, Legacy et Outback. Pour l’instant, Subaru ne semble pas vouloir le proposer dans la Forester. Croisons les doigts et espérons.
Autre déception : pas d’hybride/hybride enfichable dans les plans, du moins dans un avenir décemment rapproché. Dans le contexte actuel, je considère qu’il s’agit d’une lacune dans la gamme de la Forester. On est en 2020, les constructeurs doivent assumer plus de responsabilités sur la question de l’électrification, même partielle. Au cours de mon test, la consommation a culminé à 9,3 litres. Plusieurs facteurs expliquent cette moyenne loin du chiffre annoncé par Subaru (8,0 litres/100 km). L’essai s’est produit en saison froide, avec des pneus d’hiver et je me suis amusé derrière le volant pour jouir de l’exceptionnel rouage intégral à prise constante.
La Forester se veut unique en son genre en raison de la configuration de son rouage. Intégral à prise constante, les quatre roues toujours, peu importe la situation. Inutile de vous dire qu’en hiver, particulièrement lorsque les routes sont enneigées, on parle de pur bonheur. Véritable passe-partout, c’est un tank dans 30 centimètres de neige. Autre point d’intérêt qui distingue ce rouage : il demeure intégral même à vitesse d’autoroute. On le voit souvent sur des produits biaisés vers la traction. Dès que l’on excède 70 km/h, seules les roues avant tractent, pas ici. Les modes S et I optimisent le rendement du rouage soit en favorisant une répartition variable du couple (vecteur de couple), soit en maximisant l’économie de carburant. Dans tous les cas, ça marche. C’est véritablement le point fort, presque imbattable de la Forester face à la concurrence.
Au-delà du plaisir de conduire dans les pires conditions, il y a tout le reste. La direction par exemple, mériterait d’être passablement plus communicative. Je m’explique mal que l’on ait aussi peu de contact avec la route alors que la Forester est justement pensée pour ne faire qu’un avec le pavé. Les suspensions sont fermes, plus que la moyenne du segment. On se sent bien planté. Malgré cette relative rigidité, on demeure dans le plus grand des conforts en tout temps. Lors de notre essai de la Forester la saison dernière dans RPM, Pierre et moi avions constaté que le système de frein n’était pas particulièrement performant. Je réitère cette impression. Il freine, cependant on ne perçoit pas d’assurance. De plus, comme mentionné dans l’émission, leur endurance sera rudement mise à l’épreuve avec une cabine occupée au complet, des bagages et une petite remorque, même si elle ne peut pas excéder 1 500 livres.
Nous en avons souvent parlé de long en large, mais je veux revenir sur le programme d’aides et d’assistance à la conduite EyeSight. Je considère qu’il s’agit de l’une des meilleures calibrations de l’industrie. Le système de caméras monté au sommet du pare-brise fonctionne très bien. On peut facilement ajuster les paramètres de proximité et d’intervention. Avec la Forester, on a même droit à une surveillance d’inattention qui nous avise si l’on quitte la route des yeux. Il suffit de quelques secondes pour se faire avertir. Si l’on veut une pleine liberté, tout se désactive par la simple pression d’un bouton.
Sans l’ombre d’un doute, selon nous, la Forester figure parmi les têtes d’affiche du segment. On pense toujours aux Honda CR-V et Toyota RAV4, toutefois la Forester mérite autant de considération. Elle n’est pas parfaite comme en témoigne le rappel sur sa mécanique et ses coûts d’entretien bien au-dessus de la moyenne, mais cela n’influence pas notre impression positive de la Forester. On la recommande essentiellement pour la qualité de ses technologies et son rendement général. Comme avec le sirop Buckley qui goûte mauvais mais qui est efficace, une fois que l’on a « avalé » le design de cette Subaru, on se sent tellement bien derrière son volant!