BMW a réussi son pari depuis qu’elle a fait l’acquisition de la marque Rolls-Royce, en 1998. Le constructeur allemand a su développer des véhicules attrayants tout en haussant le niveau prestige de la marque. En prime, Rolls-Royce engrange des profits faramineux, surtout ces deux dernières années. Il s’agit d’un défi que beaucoup de constructeurs ont tenté de relever, mais plusieurs ont échoué dans le passé, on a qu’à songer à GM avec Saab.
Rolls-Royce a vendu 200 véhicules au pays en 2022, un record alors que le Québec, et son seul concessionnaire Rolls-Royce Motor Cars Québec, est nez à nez avec l’Ontario à titre de marché d’importance. Fait intéressant, le client moyen de Rolls-Royce possède entre six et sept véhicules dans son garage. Le constructeur a aussi réussi un autre exploit d’importance, rajeunir sa clientèle afin d’éviter que la marque ne sombre dans l’oubli. L’âge moyen d’un acheteur de Rolls-Royce se chiffre maintenant à 45 ans. Quelle marque de luxe n’en rêverait pas?

Une nouvelle génération arrivée en 2021
Rares sont les occasions où l’on se retrouve au volant d’une voiture Rolls-Royce. J’ai eu le plaisir de découvrir récemment la Ghost dans un environnement qui ne lui est pas commun, la neige et la gadoue. L’objectif, voir si son rouage intégral en fait une routière quatre-saisons. Cependant, j’avais l’impression de commettre un péché chaque fois que j’y prenais place avec mes bottes.
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Introduite en 2010, la Rolls-Royce Ghost, nom de code RR04 durant sa phase de développement, se veut la voiture d’entrée de gamme de la marque ultra luxueuse. Elle est significativement moins chère que la Phantom, mais ça ne veut pas dire qu’elle ne vous fera pas payer cher son statut unique dans l’industrie, son prix de base est tout de même de 411 250$.
Comme elle profitait d’une refonte en 2021, la voiture, maintenant offerte dans sa 2e génération, partage sa nouvelle plateforme avec la Phantom et le Cullinan, le VUS du constructeur avec qui elle partage le plus grand nombre de ventes. Elle est plus longue, plus large et plus basse que le précédent modèle, en plus d’hériter d’un rouage intégral offert de série.

Les acheteurs s’arrachent les versions Black Badge
En termes de style, elle reprend les lignes typiques à la marque avec, comme principale parure, l’imposante grille à barres à l’avant et, bien entendu, la Spirit of Ecstasy, l’ornement traditionnel du capot de toutes les Rolls-Royce et qui peut aller se cacher dès qu’il sent qu’on le maltraite. La voiture demeure imposante. L’autre particularité, ce sont les portes arrière inversées qui laissent entrevoir tout le spectacle présenté par un habitacle peu commun. Du reste, son design est un peu moins sévère, ce qui en fait définitivement un véhicule de grand luxe qui plaît aux plus jeunes acheteurs. Elle est dans le coup, elle ne fait pas « voiture de vieux riche ».
Si vous cherchez un design encore plus tape-à-l’œil, vous pouvez opter pour la Black Badge Ghost (467 300$), une nouvelle thématique offerte depuis l’an dernier. Cette thématique assombrit entièrement la voiture avec un traitement monochrome qui touche l’extérieur et l’intérieur. Tout y passe, même la demoiselle du capot est peinte en noir, une première qui a demandé l’autorisation des plus hautes instances, puisque la Spirit of Ecstasy est l’essence même de la propriété intellectuelle de la marque. Il ne s’agit pas que d’une opération esthétique, son moteur est aussi plus performant. L’opération est réussie puisque la Black Badge Ghost compte pour 30 % des ventes, mais son exclusivité a aussi un prix tout aussi plus exclusif. Mais pourquoi s’en passer ? L’investissement rapportera à la revente.

L’intérieur, c’est la carte de visite de toute Rolls-Royce. Chaque habitacle est unique, il n’y a aucune limite en matière de personnalisation. Y prendre place, c’est une expérience en soi, surtout qu’il faut quelques moments pour faire l’apprentissage de toutes les commandes et fonctionnalités. On se retrouve dans un tout autre univers, c’est ce qui fait tout son charme. L’attention aux détails, la richesse des matériaux, le confort des sièges, tout est hors du commun. J’ai apprécié les détails comme les petits leviers qu’on tire pour ouvrir ou fermer les buses de ventilation, tout est calculé, même la résistance qu’ils offrent quand on les manipule.
Seul bémol, le système d’infodivertissement et son écran tactile qui ne sont pas aussi techno que je l’aurais voulu. On croirait qu’ils datent de 10 ans, surtout l’affichage. Il manque à mon avis tout l’aspect techno à bord comme des plateaux de recharge sans fil, des éléments que les jeunes acheteurs apprécieront.

Une Rolls-Royce Ghost dans la neige
La Rolls-Royce Ghost 2023 est mue par un sublime moteur V12 de 6,75 litres, il fait certainement partie d’une espèce en voie de disparition. Malheureusement, aucun gouvernement ne le mettra sur la liste des espèces protégées. Seuls quelques collectionneurs sauront les préserver, un investissement qui leur profitera certainement à long terme. Ce moteur qui, en plus de son imposante cylindrée, reçoit deux turbocompresseurs, déploie une puissance impressionnante de 563 chevaux et produit un couple de 627 livres-pieds dès 1 600 tours-minute. Il est jumelé à une boîte de vitesses automatique à 8 rapports, alors qu’un rouage intégral fait maintenant partie de l’équipement de série.
Dès qu’on monte à bord, il faut un peu de temps pour se familiariser. Juste trouver le bouton du démarreur est un exploit. Une fois lancé, le moteur V12 surprend par son silence. Rien à voir avec les moteurs V12 des super sportives, on mise ici sur sa puissance et son couple, non pas sur la sonorité ; j’ai été un peu déçu. Aucun mode Sport pour lui permettre de s’exciter un peu.

Sur la route, deux choses surprennent au volant de la Ghost. Primo, le silence de roulement. Tout bruit extérieur est filtré, on peut même entendre les passagers arrière chuchoter. L’épaisseur du verre partout à bord et les quelque 100 kilos de matériel insonorisant y sont pour beaucoup. Secundo, le confort de roulement. J’ai rarement vu un véhicule occulter aussi bien tous les défauts de la route, on a l’impression de circuler sur un coussin d’air. Impossible de ne pas apprécier les longs trajets.
La direction est définitivement très assistée, ce qui, grâce aux suspensions pneumatiques, renforce le sentiment de ne pas être très connecté à la route. On est loin de l’Alfa Romeo Giulia que j’avais à l’essai au même moment. J’apprécie le grand luxe de la Ghost, mais je préfère une voiture qui propose une conduite un peu plus engageante, moins aseptisée. Quant à la consommation du moteur V12, c’est titanesque, je n’ai pas osé véritablement l’évaluer sur mon trajet de quelques centaines de kilomètres.

La bonne nouvelle, c’est que le rouage intégral s’est avéré fort efficace. Il transmet efficacement tout le couple du moteur V12 aux quatre roues, ce qui, jumelé au poids de la voiture, procure un bel aplomb sur la chaussée glissante. Même une forte accélération peine à faire valser la voiture, elle peut donc être utilisée à l’année sans encombre, il faut simplement s’attendre à la salir beaucoup plus, ce qui pourrait être vu comme un sacrilège.
Même si 95 % des propriétaires de Ghost conduisent leur véhicule, l’autre plaisir, c’est de s’assoir à l’arrière et de profiter du confort des sièges et, surtout, des écrans multimédias. La route prend un tout autre sens, on se sent comme un dignitaire, surtout quand les passants cherchent à savoir qui est à bord.
Bref, la Rolls-Royce Ghost 2023 remplit bien sa mission, elle est distinctive, truffée de luxe et vous assure de ne pas passer inaperçu. En prime, elle conserve une valeur de revente intéressante, ce qui réduit son impact financier.