Presque identiques à ses débuts en 1941, bien peu de véhicules ont su passer le temps comme le Jeep Wrangler a pu le faire. En fait, la seule autre voiture ayant connu une aussi lente évolution qui me vient en tête est la Porsche 911, une autre légende de la route. Quoi qu’il en soit, sa progression se fait à pas de tortue et, franchement, c’est parfait comme ça. Cette nouvelle génération, huitième dans l’ordre, fait un saut significatif, tout en restant très conservateur depuis son introduction l’an dernier. Il y a des endroits stratégiques où l’on doit poser le regard pour y voir la différence : la configuration de la calandre, la structure interne des phares bien ronds, les bandes de DEL sur les ailes avant, les louves au capot, les fausses sorties d’air derrière les arches de roue et les feux arrière qui sont toujours de forme carrée. Jeep profite de cette révolution pour incliner le pare-brise afin d’obtenir un meilleur aérodynamisme (sic). Bonne nouvelle, le Wrangler passe à une conception des panneaux de carrosserie avec beaucoup d’aluminium ce qui permet une réduction significative du poids du véhicule.
Fidèle à lui-même, le Wrangler peut se démonter. On peut plus facilement retirer les portes et les sections du toit rigide. Même histoire lorsque ce dernier est souple. On peut aussi coucher le pare-brise sur le capot pour une expérience complète. Encore une fois, seul le Wrangler peut vous donner cette sensation d’absolue liberté. À l’essai, j’avais la version ultime : Rubicon. Cette dernière propose des arches de roues en plastique à nu, des appliques rouges l’identifiant clairement et, surtout, de gros pneus de 33 pouces taillés sur mesure pour le hors route extrême.
Comme la carrosserie, la présentation intérieure évolue. Là encore, c’est parfait et conséquent avec l’héritage du Jeep Wrangler. Au-delà de la question esthétique, on vise ici un aspect fonctionnel. Bien que l’ensemble de l’œuvre soit en plastique, on découvre une finition supérieure avec une belle qualité de matériaux. Inutile de jouer la carte des textures souples et délicates, on doit être capable de laver l’habitacle de son Jeep avec un boyau d’arrosage après une salissante séance de hors route. À ce chapitre, je souris toujours à la vue des drains qui se cachent sous les tapis de sol. C’est une caractéristique unique au Wrangler!
Tout est à portée de main ; pas question de chercher des commandes lorsqu’on est en train d’affronter un sentier difficile. Ayant l’une des versions les plus onéreuses à l’essai, j’ai retrouvé tous les accessoires nécessaires à la vie moderne. Encore une fois, j’applaudis la qualité du système multimédia Uconnect dont les fonctionnalités et l’ergonomie sont à prendre en exemple. Après une escalade, on découvre des sièges très confortables qui offrent suffisamment de soutien pour de longues heures de route. Gros bémol quant à l’absence d’un repose-pied. Il s’agit d’une omission difficilement acceptable considérant le besoin d’appuis en situation hors route. Celle-là, je ne la comprends pas!
La visibilité ne pose pas problème sous tous les angles, et ce, même si la fenestration générale est assez mince. Pour ce qui est des dégagements, tous les formats y trouveront leur compte. Le Wrangler sera plus confortable pour quatre personnes que pour cinq en raison de l’étroitesse relative de la carrosserie.
Le Rubicon est livrable avec deux choix de motorisations. Par contre, pour l’essai, j’ai eu la mécanique la plus commune, le V6 de 3,6 litres Pentastar dont la puissance atteint les 285 chevaux et un couple de 260 lb-pi. Le tout est jumelé à une compétente boite automatique à 8 rapports. Sachez toutefois que les puristes pourront opter pour une boite manuelle à six rapports. Le duo V6 et 8 rapports est l’une des meilleures combinaisons de la famille FCA (Fiat Chrysler Automobiles). Le rendement du moteur permet une belle vitalité en toute occasion, que ce soit à l’accélération ou en reprise. La direction aussi s’améliore face à la génération JK. On obtient maintenant un sentiment de contrôle. Le centre très flou, qu’on a connu dans le Wrangler, est maintenant une chose du passé. Bref, elle obéit au doigt et à l’œil.
Je sais que les amateurs de conduite hors route vont me dire que je suis dans le champ. Cependant, je m’explique mal, avec toutes les technologies existantes aujourd’hui, que Jeep fasse toujours appel à un pont rigide à l’avant. Oui, ça aide dans les situations de conduite hors route, mais il y a d’autres véhicules ayant de grandes aptitudes qui ont des bras de suspensions indépendants. En hors route, c’est justifiable, mais dès que je mets les deux roues avant sur le pavé, c’est tout le comportement qui en prend pour son rhume. Le système de freinage démontre une bonne efficacité considérant le poids du Wrangler. Par contre, pour plus d’endurance, ne vous gênez pas pour aller dans l’après-marché pour des composantes de freins plus puissantes.
Le rouage du Wrangler trône au sommet de la hiérarchie automobile pour ses capacités. Jeep propose trois niveaux de compétence et, bien évidemment, le Rubicon obtient le plus performant, le Rock-Trac. Pour faire simple, on retrouve quatre types de propulsion : 4WD HI, 4WD LOW, Auto et 2WD HI, en plus de la possibilité de verrouiller les deux différentiels pour optimiser la traction en situation difficile. Les rapports de pont maximisent aussi le rendement en étant à 4.10.
Il n’y a qu’un Wrangler qui peut offrir une telle expérience de conduite. Sans dire que c’est un voyage dans le temps, disons que l’on ne ressent pas tout le raffinement des véhicules modernes. Les concessions commencent ici et elles sont nombreuses. On doit d’abord composer avec une position de conduite singulière qui nous donne une vue sur le capot. Bien que les dégagements soient généralement bons, on se sent à l’étroit, presque en intimité.
Déjà, le Wrangler dans ses versions « régulières » offre un comportement particulier, c’est encore pire avec le Rubicon. En fait, autant il se montre à l’aise en conduite hors route, autant la route en soi ne semble pas être son lieu préféré. On doit vivre avec des suspensions mésadaptées qui sautillent à la moindre dégradation. Bien que la direction soit plus « précise » que jamais, chaque imperfection de la route sera ressentie au volant. On finit par s’y faire, mais cela demeure un irritant. Considérant la composition des portières, le Wrangler offre un environnement très bruyant qui ne filtre pas les sons extérieurs. Au début, c’est charmant, mais fatigant à la longue. Avec ses gros pneus de 33 pouces conçus pour mordre tout ce qui lui passe dessous, on entend toujours un bourdonnement qui émane de la semelle.
Le Wrangler Rubicon n’a pas été pensé pour rouler sur le pavé. Construit avec l’optique de faire des activités hors route intenses, il brille lorsque l’on s’enfonce là où tous les autres ne vont pas. Le Rock-Trac, le plus efficace rouage de la famille Jeep, permet des prouesses exceptionnelles. Si ses capacités sont impressionnantes, on peut les repousser avec les gammes basses et le verrouillage des différentiels. Seul un mur l’arrêtera. Il faut vivre l’expérience une fois dans sa vie pour être en mesure de vraiment saisir ce que peut faire un Rubicon.
Malgré le « je-m’en-foutisme » du Wrangler, il demeure un produit hautement désirable. Est-ce un véhicule facile à vivre? Plus qu’avant, mais il demande toujours une adaptation et des sacrifices. Considérant son unicité avec ses configurations et ses capacités, difficile de ne pas l’aimer. Malheureusement, il coûte jusqu’à 8 000 $ de plus que l’an dernier avec un équipement comparable. Ma version, à plus de 62 000 $, tombe dans les prix d’un produit de luxe. Il a beau pouvoir tout faire, c’est cher. Au moins, il conserve une incroyable valeur de revente. Seul questionnement permanent avec un Jeep : sera-t-il fiable? L’avenir nous le dira. Mes attentes ne sont cependant pas très élevées.