Depuis quelques années, la tendance des véhicules utilitaires de luxe est de proposer des performances qui sont dans la même veine que des voitures sport... Ça en est devenu tellement intense que l’on se demande pourquoi les constructeurs continuent d’appeler ces superbombes « VUS ».
Après tout, ces véhicules ne sont rien de plus que de grosses hot hatch munies d’une transmission intégrale.
Quoi que l’on en pense, si ce genre de véhicule vous plaît, il n’est pas facile d’en choisir un parmi les innombrables choix. Depuis que Porsche nous a livré le Macan Turbo il y a quelques années, le parc automobile est désormais inondé de concurrents de taille. Dans le lot, on retrouve le BMW X3 M, le Mercedes-AMG GLC 53 S 4MATIC+, l’Audi RS Q5 et l’Alfa Romeo Stelvio Quadrifoglio. Tous aussi compétents les uns que les autres.
Imaginez-vous donc que les Anglais ont décidé de s’en mêler, désirant eux aussi une part de ce marché qui ne semble pas s’essouffler. Le véhicule à l’essai est le Jaguar F-PACE SVR 2020, un méga monstre conçu pour foutre une volée à ses concurrents allemands et italiens. C’est dans le cadre de l’événement Festival des essais de l’Association des journalistes automobiles du Canada (AJAC) que nous l’avons conduit.
Le Jaguar F-Pace existe depuis l’année-modèle 2016, mais c’est la première fois que le constructeur propose une réelle déclinaison à très haute performance.
En somme, un F-Pace SVR comprend une pléthore de composantes additionnelles, lui permettant non seulement d’aller beaucoup plus vite que ces déclinaisons ordinaires, mais aussi de mieux attaquer une route sinueuse. Parce que, bien sûr, c’est exactement ce que les propriétaires de F-Pace ont demandé…
Pour être francs, nous doutons de la pertinence d’un tel véhicule, si ce n’est que pour se vanter d’avoir plus de 500 chevaux sous le capot.
Peu importe. Le résultat final n’est rien de moins qu’extraordinaire, et le SVR a une allure carrément différente du reste de la gamme. On le reconnaît instantanément par ses pare-chocs redessinés, ses ailes avant repensées, ses énormes entrées d’air, ses freins surdimensionnés et ses quatre gigantesques tuyaux d’échappement logés à même le pare-chocs arrière. Bref, il ne passe pas inaperçu!
Combien faut-il payer pour ce puissant VUS anglais? Un SVR démarre à 92 000 $, pas très loin derrière un Porsche Macan Turbo. Notre modèle était doté de quelques options, comme les jantes de 22 pouces noircies (2 550 $), une finition d’habitacle en fibre de carbone (1 300 $), une chaîne audio Meridian Navigation Pro (600 $) et les ensembles Luxe (1 475 $) et Assistance à la conduite (3 600 $), pour une facture totale de 104 347 $. Pas donné.
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Il faut toutefois avouer que même s’il se détaille grosso modo le même prix qu’un équivalent allemand, ce Jaguar fait un excellent boulot en se démarquant du lot, tout en proposant un habitacle luxueux et confortable.
D’ailleurs, ce fut notre première constatation : ses énormes sièges de course signés SVR procurent un niveau de confort remarquable et vous maintiennent en place lors d’une conduite enthousiaste. Personnellement, si j’avais un F-Pace SVR, je choisirais n’importe quelle couleur pour mes sièges que celle de notre modèle d’essai : huître claire... Bien qu’hyperattrayante, cette couleur risque de se salir rapidement. Par chance, on peut opter pour les coloris Pimento (rouge) ou Siena Tan (brun).
Ce que le F-Pace SVR fait mieux que la concurrence allemande, c’est de nous donner l’impression de rouler dans un véhicule plus spécial que ses déclinaisons ordinaires. On remarque une finition en fibre de carbone, des écussons SVR, des pédales en métal brossé et un agencement de couleurs propre à cette édition. De plus, la finition de l’habitacle de ce Jaguar est de loin supérieure à celle d’un Alfa Romeo Stelvio.
Les places arrière sont étonnamment spacieuses et confortables, et son volume de chargement total figure parmi les plus élevés du segment.
À titre de référence, le F-Pace peut avaler jusqu’à 1 798 litres de marchandise, ce qui fait de lui un VUS plus volumineux qu’un Porsche Macan (1 500 litres), un Audi Q5 (1 710 litres), un Mercedes-Benz GLC (1 600 litres) et même un Alfa Romeo Stelvio (1 700 litres).
Ceci dit, nous reprochons au F-Pace d’être équipé d’une interface multimédia peu intuitive et somme toute difficile à activer, surtout en conduisant : les icônes tactiles sont petites, et par conséquent difficiles à repérer et à manipuler. L’interface est également lourde en information, rendant sa lecture distrayante. De plus, celle-ci ne répond pas très vite à nos commandes. Nous avons vu beaucoup mieux à bord de véhicules Kia, GM ou Subaru à prix moindre.
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Sur le plan technique, un F-Pace SVR est bien plus qu’un gros moteur et des freins surdimensionnés. L’équipe de SVO (Special Vehicle Operations) s’est assuré de lui ajouter des renforts de châssis, lesquels permettent d’augmenter la rigidité structurelle du véhicule aux endroits cruciaux. Ensuite, on lui a installé des amortisseurs adaptatifs associés à des ressorts plus fermes de 30 % à l’avant et 10 % à l’arrière.
Bien sûr, d’énormes disques et étriers de frein viennent compléter le tout, ainsi qu’une transmission intégrale munie de la vectorisation du couple et un différentiel arrière à glissement limité, géré électroniquement.
Sous le capot, se cache un V8 suralimenté de 5,0 litres produisant 550 chevaux et 502 lb-pi de couple. Rien de moins. Il est associé à une boîte automatique à huit rapports, fournie par l’équipementier allemand ZF, mais rééquilibrée par SVO pour qu’elle soit mieux adaptée aux besoins de la cause. Jaguar affirme que son puissant VUS peut franchir le sprint 0-100 km/h en 4,3 secondes, et le quart de mille en 12,4 secondes.
De tels chiffres ont de quoi faire triper n’importe quel amateur de vitesse, et nous avouons avoir été épatés par les prouesses dynamiques de ce Jaguar. Mais lorsqu’on le compare à ses principaux concurrents, on se rend compte qu’il traîne un peu de la patte.
À titre d’exemple, un Alfa Romeo Stelvio Quadrifoglio franchit le sprint 0-100 km/h en 3,6 secondes. Le Mercedes-AMG GLC 63 S, quant à lui, l’accomplit en 3,5 secondes. Vous allez nous dire que tout ça est superflu. Mais dans ce segment de véhicules, de tels chiffres sont essentiels pour flatter l’égo des conducteurs...
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Chiffres à part, le Jaguar F-Pace SVR est de loin l’un des VUS à haute performance les plus charismatiques du segment. Dès que l’on démarre son puissant moteur V8, celui-ci émet un grondement plutôt plaisant, nous rappelant instantanément que c’est du sérieux.
Là où il triomphe sur ses rivaux germaniques, c’est dans son habileté à demeurer doux et serein, même dans ses réglages les plus sportifs. Sur une route de campagne, défoncée ou non, le SVR donne l’impression de flotter tellement sa suspension est bien calibrée, à un point tel que notre niveau de confiance grimpe instantanément, nous donnant l’envie de le pousser davantage. Jamais il ne m’a fait peur. Pourtant, j’avais près de 600 chevaux sous mon siège!
En mode Dynamic, la suspension du F-Pace SVR se raffermit, son volant s’alourdit, sa boîte de vitesses – qui n’est pas des plus raffinées par ses passages de vitesse parfois brusques - passe en mode extrême et ces énormes tuyaux d’échappement se font immédiatement entendre. Pas encore assez bruyant? Pas de panique. Il suffit d’appuyer sur un petit bouton, situé sur la console centrale, afin de bien alerter vos voisins lorsque vous quitterez la maison! C’est de loin le VUS qui hurle le plus fort que j’ai personnellement essayé dans ma carrière de journaliste.
Et quel son! Ce V8 émet une mélodie dominante et autoritaire, nous rappelant certains avions de chasse britanniques de la Deuxième Guerre mondiale. Relâchez l’accélérateur, et il se met soudainement à grogner, comme s’il était déçu de ne plus rouler à fond. Ah, j’oubliais presque les innombrables pétarades qu’il crache dès que l’on passe au prochain rapport. Quel caractère! On aime ça!
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J’ai eu bien du plaisir à conduire ce rutilant F-Pace à fond de train dans les environs du circuit de Mosport. Toutefois, c’est à tête reposée que j’ai pu bien évaluer s’il en vaut finalement le prix exigé.
Il est important que je mentionne que les véhicules Jaguar sont loin d’être des vedettes en matière de fiabilité. Ils ont non seulement la fâcheuse réputation de présenter des troubles que l’on ne retrouve pas du côté japonais ni allemand, mais en plus leurs coûts d’entretien s’avèrent souvent fort onéreux.
On pourrait aussi reprocher à ce VUS d’être dépourvu d’une bonne valeur de revente. Son taux de dépréciation est tellement élevé, qu’il vous fera mal au cœur de débourser 100 000 $ pour un véhicule qui en vaudra sans doute la moitié à peine trois ans plus tard... Nous avouons toutefois que la déclinaison SVR, étant rare est nichée, risque de mieux conserver sa valeur. Mais quand même, un Porsche Macan s’en sort à bien meilleur compte à ce chapitre.
Alors, en résumé, l’achat d’un Jaguar F-Pace SVR ne constitue rien de logique. De toute manière, à nos yeux, l’acquisition d’un VUS à plus de 500 chevaux se détaillant dans les six chiffres s’avère déjà un non-sens financier. Mais si vous recherchez un utilitaire distingué et performant, même s’il se fait dépasser par un AMG, cet adorable félin enragé ne vous décevra pas.