Triste sort que d’être condamné à jouer un rôle de figurante. Car la Fiat 500L et l’Amérique du Nord, c’est l’eau et le feu. Une voiture mal aimée qui ne correspond pas aux attentes d’un nombre suffisant d’acheteurs. En Europe, continent pour lequel elle a été créée, c’est autre chose. Mais voilà, Fiat Chrysler Automobiles (FCA) avait besoin de garnir au plus vite sa gamme des produits Fiat, nouvellement introduite sur notre continent. Voilà pourquoi ce véhicule à l’allure particulière s’est amené ici.
Pour tenter de renverser cette situation, les gurus du marketing de FCA ont fait des pieds et des mains pour faire savoir, en janvier dernier, qu’un Américain avait versé près de 115 000 $ pour acquérir une petite 500L noire à l’allure humble. C’est quatre fois le prix du modèle dont nous avons fait l’essai. Mais celle-là avait servi au Pape François durant sa visite aux États-Unis, en 2015. FCA souhaitait sans doute que l’engouement démontré à l’égard de cette 500L papale déteigne sur les ventes de cette wagonnette. On appelle ça un voeu pieux…
UN MODÈLE POUR GONFLER LES RANGS
Le grand patron de FCA, Sergio Marchionne, savait que la mignonne petite 500 ne suffirait pas à la tâche en ramenant la marque Fiat en Amérique du Nord. Il fallait rapidement étoffer la gamme de cette marque italienne pour stimuler l’intérêt des consommateurs.
Voilà pourquoi la 500L est arrivée si vite sur notre continent. En vente en Europe depuis la fin de 2012, les premiers exemplaires de cette wagonnette ont été livrés à leurs acheteurs canadiens en juin 2013. Depuis, elle vivote. En 2015, moins de 2 000 de ces voitures ont trouvé preneurs au pays, le quart d’entre elles aboutissant au Québec, le royaume de la petite voiture.
Qu’est-ce qui cause ce succès mitigé ? Une publicité inadéquate ? La stigmatisation dont souffrent les familiales ici ? Sa silhouette excentrique ? Sans tout cela en même temps sans oublier que la 500L, qui manque cruellement de notoriété, s’oppose à des concurrents sans cesse plus nombreux — les Trax, Soul, CX-3, RVR, Juke, HR-V, sans oublier le nouveau 500X de Fiat et son jumeau « américain », le Jeep Renegade — dans un créneau en pleine croissance.
MÉCONNUE, MAIS SINGULIÈRE
Heureusement pour FCA, la 500L a beau être méconnue,cela ne la rend pas moins singulière pour autant. Elle a une silhouette singulière : une forme massive avec une calandre au dessin inhabituel et des phares tout en rondeurs; un pare-brise très vertical qui se prolonge avec deux petites vitres latérales inhabituelles. Ce style original au vitrage très généreux (surtout avec le toit panoramique optionnel), on l’aime ou on le déteste, ce qui évite aux rares 500L qu’on aperçoit de passer inaperçu !
Le catalogue de cette voiture, dans lequel elle est jumelée à la 500 (signe d’un manque de notoriété), propose aussi de nombreuses possibilités de personnalisation. Pas autant qu’en Europe, où le constructeur offrirait 333 combinaisons de couleurs et même, parmi les accessoires optionnels, une cafetière à expresso Lavazza. Non. Ici, cela se traduit par 10 combinaisons de couleurs pour la carrosserie et 6 pour l’intérieur, et même 8 modèles de roues. Le choix ne manque pas.
Fabriquée à l’usine serbe de Kragujevac, cette wagonnette à hayon est offerte en cinq versions : Pop, Sport, Trekking, Trekking Urbana et Lounge. Des appellations qui reflètent une hiérarchie. La 500L Trekking Urbana, le modèle dont nous avons fait l’essai, est apparue au début de 2015. C’était alors une édition spéciale offerte en quantité limitée. Reconduite en 2016, elle occupe désormais une place à part entière au sommet de la gamme, avec prix de base qui est que 100 $ moins élevé que celui d’une 500L Lounge .
On la reconnaît à ses miroirs extérieurs à coquille noire mate et ses boucliers particuliers devant et derrière. Son nuancier propose six teintes qui mettent en valeur un toit contrastant noir, qui peut aussi être rouge pour les 500L Bianco (blanc) ou Grigio scuro (gris métallique). Cette particularité, que le constructeur offre pour toutes les 500L, sauf la Pop, assimile cette Fiat aux Mini Cooper. Comme la 500L Trekking, l’Urbana a aussi des roues de 17 po plutôt que celles de 16 po des Pop et Sport. Cependant, les siennes sont noir mat — à la mode !
À l’intérieur, cette version reçoit un volant couvert de cuir et des sièges en tissu chauffants, comme ceux des autres versions (sauf la Pop). Les panneaux de ses portières sont garnis de similicuir et le tableau de bord a des garnitures noires lustrées. Pour les mélomanes, on a aussi prévu une chaîne Beats Audio à six haut-parleurs avec un caisson d’extrêmes graves de 6,5 po (logé sous le plancher du coffre) et un amplificateur à huit voies avec traitement numérique du son, une exclusivité dans ce créneau.
MÉCANIQUE CORRECTE, MAIS QUELCONQUE
La fiche technique de cette italienne est moins impressionnante que son design. Un seul moteur y figure : le 4-cylindres turbo MultiAir de 1,4 L qu’utilisent les Fiat 500 et 500X, la berline Dodge Dart et l’utilitaire Jeep Renegade.
Ce moteur suralimenté à injection séquentielle multipoint transmet 160 ch aux roues avant et livre ses 184 lb-pi de couple entre 2 500 et 4 000 tr/min. Jumelé à la boîte de vitesses automatique Aisin à 6 rapports, la plus sophistiquée des deux que Fiat lui attribue, ce moteur MultiAir propulse cette wagonnette de 0 à 100 km/h en un peu moins de 10 secs et sa consommation moyenne, lors de notre essai hivernal du moins, a été de 8,2 L/100 km.
Cette boîte Aisin est une option de 1 595 $ offerte pour toutes les versions, sauf la Pop, à laquelle on réserve la boîte automatique Euro C635 à double embrayage. Cette boîte optionnelle qui coûte 1 995 $ manque de douceur, mais elle contribue à réduire la consommation de la 500L d’environ 7 % par rapport aux versions munies de la boîte Aisin, selon les chiffres publiés par le constructeur. Évidemment, l’acheteur peut aussi s’en tenir à la boîte de vitesses manuelle 6 rapports qui fait partie de la dotation de série.
Ce choix limité de groupes motopropulseurs défavorise sans doute la 500L par rapport à ses rivales. Par exemple, Kia offre deux moteurs thermiques et même un moteur électrique pour la Soul, alors que GM et Honda proposent des Trax et des HR-V avec deux ou quatre roues motrices, une caractéristique populaire (surtout au Québec) que Fiat réserve évidemment à son nouvel utilitaire 500X.
CÔTÉ PRATIQUE INDÉNIABLEMENT DÉVELOPPÉ
Les sièges baquets sont parfaits pour de longues randonnées. Ils sont confortables et supportent bien les rondeurs du corps dans les courbes, où la 500L affiche un roulis prononcé. De plus, la banquette arrière offre beaucoup d’espace à des adultes, ce qui fait de la 500L une « vraie 4-places ». De plus, elle est constituée de deux sections asymétriques montées sur des glissières, ce qui permet de varier l’espace pour les passagers ou le volume utile du coffre.
On peut aussi varier le volume utile du coffre de 655 à 1 997 L en repliant les dossiers, une opération qui demande beaucoup d’effet, pour ensuite faire basculer vers l’avant chaque section de banquette. La surface de chargement qu’on découvre alors est très grande compte tenu de la taille de la 500 L, mais elle est inégale sous la banquette. De plus, les sections relevées de la banquette empêchent le chargement d’objets mesurant plus de 130 cm environ. Dans cette voiture, on pourra donc transporter, par exemple, un petit escabeau, mais pas une grande échelle.
AGRÉABLE À CONDUIRE
Dans l’ensemble, la 500L est agréable à conduire. Avec une garde au sol de 120 mm et des portières qui découvrent une ouverture large et haute, l’embarquement n’est pas compliqué. Le volant se prend bien en main et la visibilité est très bonne, du moins vers l’avant et sur les côtés.
Sur la route, on apprécie le niveau d’assistance de la servodirection, qui est bien dosé quelle que soit la vitesse. De plus, un rayon de braquage de seulement 10,7 m rend cette petite voiture très agile dans les rues étroites du Vieux-Montréal. À titre de comparaison, le rayon de braquage d’un Honda HR-V est 11,4 m.
La boîte automatique Aisin masque bien le passage des rapports, mais elle ne favorise pas l’utilisation de son mode manuel, qui produit trop peu de frein moteur.
Par ailleurs, cette voiture a des cadrans qu’un graphisme déficient rend difficiles à consulter. De plus, pour les grandes personnes, le compte-tours et l’indicateur de vitesse peuvent aussi être masqués par la partie supérieure du boudin du volant, ce qui est peu pratique lorsqu’on souhaite savoir à quelle vitesse on roule !
TRISTE SORT D’UNE VOITURE INVISIBLE
La Fiat 500L est originale et pratique. Son allure excentrique, qui ne laisse personne indifférent, la distingue tout autant que son toit noir, blanc ou rouge, qui fait que les néophytes confondent cette voiture avec les Mini !
Côté mécanique, la 500L a tout pour passer inaperçue. Son moteur n’est ni performant, ni avare en carburant, ce qui la place dans la moyenne, sans plus. Puisqu’elle n’offre aucune autre mécanique, pas plus qu’une transmission intégrale, les Trax, HR-V et autres du genre réussissent plus naturellement à attirer l’attention des acheteurs. Et c’est sans oublier le nouveau Fiat 500X, qui fait miroiter un style moins excentrique (ou rébarbatif, c’est selon), une dotation plus diversifiée encore et un prix de base qui n’est que 1 000 $ plus élevé que celui de la 500L. Oui, la vie est dure lorsqu’on a qu’un rôle de figurante…
Photos originales : Luc Gagné