Depuis quelque temps, on remarque un rebond dans la discussion sur la voiture à hydrogène, provenant notamment des constructeurs ayant misé fort sur son développement, comme Toyota et Honda. Un CR-V hybride rechargeable dont la source d’alimentation principale est l’hydrogène serait en route pour 2024, et le Toyota Corolla Cross H2 Concept propose l’idée ingénieuse d’alimenter le moteur à 3 cylindres turbocompressé d’une Corolla GR à l’hydrogène. Et honnêtement, le rendement de cette motorisation est plutôt impressionnant!
Toutefois, la question se pose : l’hydrogène est-il réellement mieux pour alimenter une voiture qu’une batterie ? Comparons les deux technologies à leur stade actuel afin de savoir laquelle se révèle la plus efficace énergétiquement.

La densité énergétique, le nerf de la guerre
Évidemment, l’objectif premier de ces technologies consiste à nous permettre collectivement de réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Comme société, il est primordial de trouver des solutions énergétiques plus durables que le pétrole.
Toutefois, en plus d’éliminer les émissions de GES, la technologie de propulsion de demain devra aussi être très dense énergétiquement. C’est le nerf de la guerre.
Commençons donc par comparer la densité énergétique de l’essence, d’une batterie de véhicule électrique et de l’hydrogène. Le tableau qui suit permet de comparer les trois technologies en wattheures/kilo (Wh/kg) c'est-à-dire la quantité d’énergie qu’elles peuvent déployer en fonction de leur masse. Dans le cas de l’électrique, le tableau souligne les deux types de batteries actuellement sur le marché ainsi que la batterie à électrolyte solide, celle qui se révèle, selon plusieurs experts du milieu, la batterie de l’avenir.
Technologie |
Densité énergétique |
---|---|
Essence |
11 400 Wh/kg (ou 11,4 kWh/kg) |
Hydrogène |
33 600 Wh/kg (ou 33,6 kWh/kg) |
Batterie au lithium-ion à base de nickel (NCM ou NCA) |
150 à 325 Wh/kg (selon la chimie) |
Batterie LFP (lithium-fer phosphate) |
120 Wh/kg |
Batterie à électrolyte solide |
500 à 600 Wh/kg |
En se basant sur ce tableau, on constate que, en effet, l’hydrogène se révèle la source d’énergie dont la densité énergétique est la plus grande. Par comparaison avec 2,8 kilos d’essence (ou 3,78 litres), il ne faut que 1 kilo d’hydrogène pour relâcher la même quantité d’énergie.

Hydrogène, technologie prometteuse, sur le papier…
Il est clair qu’à lui seul, l’hydrogène se révèle très prometteur, sans compter le fait que, quand on le consomme, le seul déchet qu’on retrouve à l’échappement, c’est de la vapeur d’eau.
- À LIRE : Qu’est-ce qu’une batterie au lithium-ion?
- À LIRE : Comment fonctionne une pile à combustible à hydrogène?
Ajoutons les récents avancements technologiques à ce chapitre. Par exemple, si l’auto à hydrogène fonctionnait jusqu’à récemment grâce à une pile à combustible, les plus récents concepts, comme le Toyota Corolla Cross H2, permettent carrément à un moteur thermique de carburer à l’hydrogène. Ça élimine ainsi la complexité de la pile à combustible qui est essentiellement un système inversé d’électrolyse installé dans le véhicule et qui sert à créer de l’électricité pour alimenter des moteurs électriques.
Des véhicules comme la Toyota Mirai ou le Hyundai Nexo sont grossièrement des modèles électriques. La différence réside dans le fait qu’au lieu de dépendre d’une grosse batterie au lithium-ion pour fonctionner, ces véhicules se ravitaillent par l’entremise d’un réservoir d’hydrogène. L’avantage évident de cette technologie, c’est qu’on peut effectuer le plein d’hydrogène tout aussi rapidement qu’un plein d’essence.

Tout cela étant dit, ce qu’on constate avec l’hydrogène, c’est que ses faiblesses ne proviennent pas nécessairement du gaz en question, mais plutôt de son extraction. Certes, il est vrai qu’on retrouve de l’hydrogène dans l’eau ou dans d’autres gaz disponibles en abondance sur la planète. Toutefois, accéder à l’hydrogène n’est pas aussi facile qu’on pourrait le croire.
L’extraction de l’hydrogène nécessite des quantités d’énergie faramineuses, l’électricité notamment. Dans le meilleur des mondes, pour que son extraction soit la plus propre possible, c’est une très grande quantité d’eau jumelée à une forte puissance électrique qui nous permet d’en venir à bout. Il s’agit d’un principe d’électrolyse.
Cela cause toutefois d’énormes pertes d’énergie dans le processus. D’ailleurs, pour obtenir un kilogramme d’hydrogène, les systèmes d’électrolyse actuels nécessitent, en moyenne, une consommation d’électricité de 48 kilowattheures. Dans le meilleur cas possible, si nous avions des systèmes d’électrolyse à efficacité énergétique absolue, ça nécessiterait environ 39 kilowattheures d’électricité pour extraire la même quantité d’hydrogène.

À long terme, les batteries demeurent plus efficaces énergétiquement
Prenons maintenant la Toyota Mirai à titre de référence. Son réservoir d’hydrogène peut recevoir jusqu’à 5 kilos d’hydrogène, ce qui permet, selon le constructeur, une autonomie de 647 kilomètres selon les évaluations de l’EPA. L’extraction de l’hydrogène pour remplir son réservoir aura donc nécessité une dépendance électrique qui varie entre 195 et 240 kilowattheures !
En revanche, la batterie de la Tesla Model S, dont la capacité fait 100 kilowattheures, permet à la berline d’offrir une autonomie de 652 kilomètres, toujours en fonction des estimations de l’EPA.
Voilà où on constate à quel point la batterie est plus efficace énergétiquement à long terme. Bien qu’il soit vrai que sa densité énergétique soit nettement plus basse que celle de l’essence et de l’hydrogène, il faut souligner le fait qu’une batterie fonctionne sur plusieurs années et sur plusieurs cycles de recharge. N’oublions pas que, dans le cas de l’hydrogène, toute l’énergie nécessaire à son extraction ne servira qu’à le consommer en une fraction de seconde.
La batterie, quant à elle, pourra encaisser des cycles de recharge d’électricité (idéalement produite de façon propre) pendant presque plus d’une décennie, si l’on se fie aux données des véhicules électriques d’occasion actuellement sur la route et des garanties qu’offrent certains constructeurs sur leurs batteries.
Ensuite, il y a le fait que les batteries peuvent avoir une seconde vie grâce une à réutilisation dans des applications statiques. Enfin, les plus récentes méthodes de recyclage des batteries nous permettent actuellement de les recycler jusqu’à 95 %.

Tout peut changer très rapidement
Pour conclure, il est évident que l’hydrogène et son extraction peuvent encore s’améliorer. Ce gaz est d’ailleurs déjà utilisé pour des applications industrielles. L’industrie du camionnage y voit également un grand potentiel, car elle permet de palier les soucis de poids très élevé associé aux batteries.
Toutefois, quand on regarde la vitesse à laquelle les batteries évoluent et comment certains joueurs de l’industrie, comme Tesla avec son tracteur de tire électrique Semi, tentent de bouleverser l’industrie du camionnage, l’électrique pourrait enfin devenir la solution de l’avenir pour tous types de transport. Revisitons le sujet dans quelques années ; peut-être les avancements technologiques dans l’hydrogène nous aurons surpris!
La voiture à hydrogène a-t-elle un avenir?