« J’ai l’impression que les roulières sont de plus en plus profondes depuis quelque temps. Je pense bien que l’augmentation du nombre de véhicules électriques y est pour quelque chose avec leur poids plus élevé qu’une voiture normale. Suis-je dans l’erreur? » - Martial Gélinas
Réponse
Bonjour. Voilà une question qui cadre bien dans la longue liste des mythes et réalités qui touche le monde des véhicules électriques. D’abord, statuons sur le fait que ce ne sont pas des roulières, mais bien plutôt des ornières. Cependant, le terme est accepté dans le langage commun au Québec, une autre de nos nombreuses particularités linguistiques.
Qu’est-ce qu’une ornière?
D’abord, qu’est-ce qu’une ornière? Ce sont les sillons creux qu’on retrouve sur les routes. On les retrouve sur tous les types de routes, qu’elles soient secondaires, principales ou autoroutières. Selon les experts, il existe deux types d’ornières : primo, celles causées par le tassement des matériaux, et secundo, celles causées par l’usure ou les deux combinés, ce qui n’est pas rare. En sous-catégorie, on parle d’ornières simples (2 creux), multiples (2 bandes doubles de creux) ou mixtes (un mélange des simples et des multiples).
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Quelles sont les conséquences d’une ornière? C’est simple, les roues de nos véhicules s’y insèrent et sont forcées dans une direction ou l’autre. La conduite de notre véhicule est déstabilisée, ce qui la rend plus difficile à contrôler. De ce fait, il y a un risque réel de perte de contrôle, surtout si les conditions sont difficiles ou glissantes. Par fortes pluies, il est fréquent que les ornières se transforment en gouttières et causent de l’aquaplanage.
L’usure
Réglons le cas de l’usure. Avec le temps, le bitume, une matière visqueuse, s’use au passage des véhicules. Cette réalité est accentuée par les variations climatiques et, même, l’usage de pneus à clous. Ces derniers creusent littéralement dans l’asphalte à chaque passage.
Le tassement par le poids
Les variations climatiques jouent aussi un rôle dans la formation des ornières, mais le tassement est principalement dû à la conception des routes. Si la fondation n’est pas assez solide, et si le revêtement n’est pas de qualité et d’épaisseur suffisantes, le tassement par compression se produit. Ce tassement survient en raison du poids des véhicules, et il est reconnu que ce sont surtout les poids lourds et le passage répété des véhicules qui sont en cause, un peu comme le supplice de la goutte d’eau.
Il est facile de dire que les véhicules électriques sont très lourds. C’est le cas. D’une manière générale, à format équivalent, une voiture électrique sera environ 23 % plus lourde qu’une voiture à moteur thermique. Par contre, on peut prendre l’exemple de deux berlines intermédiaires les Hyundai IONIQ 6 et Hyundai Sonata qui pèsent respectivement 1 985 kilos et 1 499 kilos, dans le cas présent, c’est 32 % de plus pour l’électrique. L’accusation est faite, mais maintenant, combien pèse le véhicule le plus vendu au Canada, le Ford F-150? Avec le V6 turbo de 2,7 litres, il pèse plus de 2 000 kilos (4 409 livres), doit-il aussi considérer son impact?
À cela, on peut ajouter que la mode des VUS ajoute aussi son lot de poids sur les routes. Là encore, il est intéressant de faire un parallèle entre, par exemple, une Nissan Altima à 1 510 kilos (3 329 livres) et le Nissan Rogue à 1 684 kilos (3 713 livres). Encore du poids qu’on ajoute sur les routes sans s’en rendre compte. Mais est-ce que tous ces poids importent vraiment? Selon des études, et elles sont nombreuses en ce sens, ces véhicules considérés comme « légers », électriques ou pas, ne sont pas en soit un réel facteur du tassement. Donc non, les véhicules électriques ne sont pas directement responsables des ornières sur nos routes, du moins, pas plus du moins que les autres véhicules ou camionnettes.
Non, mais…
Tout comme les véhicules à essence, on observe de plus en plus de gros véhicules électriques comme les GMC Hummer EV et Chevrolet Silverado EV dont la masse excède les 4 111 kilos (9 063 livres). Dans leurs cas, ils ont certainement un impact puisque la masse critique reconnue pour considérer un véhicule comme un poids lourd est de 3 000 kilos (6 614 livres).
Le conflit entre la conception, l’achalandage et les budgets
Plusieurs sont portés à accuser ceux qui fabriquent les routes de négligence ou, même, d’incompétence, mais tout est une question de budget d’entretien. Comme dans tout, les ingénieurs sont tributaires du budget qu’on leur accorde. De plus, quand on parle d’anciennes infrastructures, lors de leur conception, il n’était pas prévu qu’un tel achalandage de véhicules et de poids lourds se produirait. Selon les données de la SAAQ, on dénote une hausse du parc automobile d’en moyenne 65 000 véhicules par année. Par conséquent, il y a maintenant un parc automobile qui a bondi de 12 % entre 2014 et 2023 sur les routes du Québec. On sait que nos routes sont vieilles. La base, sous le pavé, n’a donc pas été faite en conséquence. Selon les ingénieurs, l’augmentation de la fréquence de la circulation est l’un des principaux facteurs de tassement.
Doit-on revenir sur le fait que les infrastructures routières sont sous-financées et sur ce que l’on regarde au niveau municipal ou provincial? Les instances gouvernementales, malgré des budgets importants, auraient besoin d’une enveloppe de plusieurs dizaines de milliards de dollars, simplement pour remettre le circuit routier en état, non pas l’améliorer avec une fabrication plus solide. Il ne faut pas oublier que, en plus du problème des ornières, il y a celui des nids-de-poule et du craquement de la chaussée qui s’ajoute aux problèmes de route. D’ailleurs, la vérificatrice générale du Québec soutient que le tiers des routes sur notre territoire ont atteint leur fin de vie.
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