La Société de l’Assurance Automobile du Québec (SAAQ) n’y va pas de main morte lorsqu’il est question de la vitesse sur nos routes. Les campagnes publicitaires sont marquantes, voire violentes, et demeurent bien ancrées dans l’imaginaire des automobilistes. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’objectif de sensibilisation face à la vitesse excessive a été atteint.
Conséquemment, la SAAQ se vante depuis plusieurs années d’un bilan routier provincial où les morts sont en baisse constante, prouvant à la population qu’on a réussi à faire passer le message. Or, est-ce que la vitesse est aujourd’hui la principale cause de mortalité sur nos routes? Certains diront que oui, mais je me permets d’avoir de sérieux doutes.
Exceptionnellement en 2015, les morts étaient en légère hausse sur les routes du Québec. 39 de plus que pour 2014. Néanmoins, le bilan des jeunes automobilistes continue sans cesse de s’améliorer, les décès des 15-24 ans étant en baisse de 12,7% pour 2015. Paradoxalement, les plus de 75 ans ont vu leur bilan s’alourdir gravement, avec une hausse des décès de 58,5%. Bien sûr, le vieillissement de la population explique une partie du phénomène, mais j’oserais croire que l’inattention, le manque de concentration des automobilistes ainsi que l’absence de réflexes au volant sont en grande partie responsables de cette hausse. N’oublions pas qu’un octogénaire qui a obtenu son permis de conduire dans les années 50 ou 60 peut toujours conduire un véhicule, sans jamais avoir eu à passer un test d’aptitude au volant. Le seul examen auquel les plus de 75 ans doivent se soumettre consiste en un test médical.
Vous aurez bien sûr compris que l’apprentissage de la conduite automobile dans les années 60 n’a rien de comparable à ce qu’on nous sert aujourd’hui comme enseignement. Les véhicules sont différents, les infrastructures sont différentes, et le nombre de véhicules en circulation est immensément plus élevé. Faudrait-il que les automobilistes qui n’ont eu aucune formation ou mise à niveau depuis des décennies se soumettent à un test obligatoire? Selon moi, poser la question, c’est y répondre.
Faits divers
Ouvrez le journal du lundi, et vous avez de fortes chances de tomber sur un article qui fait état d’un accident mortel survenu quelque part dans la province. Chaque fois, l’article se termine soit par une accusation de conduite avec facultés affaiblies, ou encore de vitesse excessive. Au pis aller, on vous indiquera que l’alcool ou la vitesse pourrait être en cause. Pour l’alcool, pas de pardon. On a beau sensibiliser la population, certains énergumènes ne comprennent toujours pas. Et très souvent, on fait face à des récidivistes. Devrait-on sévir? Oh que oui ! Et même chose pour les drogues, qui sont aujourd’hui plus facilement détectables.
Maintenant, lorsque la cause est non clairement définie, on revient toujours à la vitesse. Que cela signifie-t-il? Que le conducteur roulait à 180 km/h sur une route de campagne à 3h du matin? Dans quelques cas, c’est vrai, ça arrive. Mais de moins en moins.
Est-ce que « la vitesse » peut cependant être évoquée lorsqu’un accident survient alors que le conducteur dépassait la limite de 15 ou 20 km/h ? Très certainement. Mais dans ce cas, ce n’est que pure hypocrisie de la part de la SAAQ. Du moins, c’est mon opinion. Parce que de limiter les automobilistes à 70 km/h sur la route 148 n’est plus uniquement une question de sécurité. Et si vous en doutez, rappelez-vous que cette route affichait les mêmes limites de vitesse en 1980, alors que les gens circulaient dans des véhicules exempts de toute sécurité active ou passive, exception faite de la ceinture de sécurité…à deux points !
Un simple dérapage au volant d’une Renault 5 pouvait s’avérer fatal, alors qu’aujourd’hui, la voiture la moins chère au pays (la Chevrolet Spark) est dotée de dix sacs gonflables, de freins ABS, d’un contrôle dynamique de stabilité et d’une cage de déformation très sophistiquée. Ce n’est donc pas parce qu’on roule à 86 km/h dans une zone de 70 km/h, ou à 118 km/h sur une autoroute, que le danger nous guette immensément plus.
Conduire en faisant autre chose…
Selon moi, la distraction causée par les téléphones mobiles, les GPS, les hamburgers, les fers à friser et les tabloïdes est aujourd’hui la principale cause d’accidents graves. Le désormais célèbre capotage de Pénélope McQuade au volant de sa Volkswagen prouve qu’une simple distraction (comme brancher son iPod) peut engendrer sa perte. Et pourtant, la SAAQ ne fait pratiquement rien en ce sens. Oh certes, on délivre des constats d’infraction pour les cellulaires au volant, mais est-ce que de tenir un cellulaire en main est réellement pire que de conduire avec un œuf McMuffin dans une main et un café dans l’autre? Non. Et pourtant, jamais vous n’aurez un constat d’infraction pour cette raison. Faut-il donc sévir en ce sens? Évidemment.
Et l’entretien, lui?
À ces innombrables distractions s’ajoute la question de la condition du véhicule impliqué dans un accident. L’hiver dernier, une vieille Honda me fonçait dedans à une intersection. Celle-ci était chaussée de pneus d’été aussi lisses que les fesses d’un nouveau-né. Est-ce que la vitesse était en cause? Ou même la distraction? Sans doute que non. La raison, c’était l’état pitoyable de sa guimbarde, qui était bonne pour la casse. Et parce que le Québec est l’une des seules provinces canadiennes où l’inspection mécanique périodique n’est pas obligatoire, on se retrouve avec d’innombrables cancers à quatre roues sur nos routes, qui n’auraient par exemple même pas le droit de circuler en Ontario.
Combien de fois avez-vous remarqué une voiture circuler en valsant de gauche à droite parce que la suspension était morte? Et ces voitures qui roulent de travers tellement elles sont désalignées? Vous croyez qu’elles pourront réagir adéquatement face à une situation d’urgence? Et là, je ne vous parle même pas des freins, qui dans certains cas, ne sont guère plus performants que ceux de la voiture de Fred Caillou !
Conséquemment, plusieurs véhicules impliqués dans des accidents, qu’ils soient mortels ou non, l’ont été parce qu’ils étaient tout simplement en piteux état. Et malheureusement, certains imbéciles aux moyens financiers limités préfèrent toujours acheter une Mercedes-Benz toute déglinguée plutôt qu’une simple Corolla sécuritaire. Que font la SAAQ et nos corps policiers pour contrer le problème? Une soi-disant opération minoune, une fois l’an. Mais bon, comme ce n’est pas très payant, celle-ci cède souvent sa place à une opération séchoir à cheveux sur les « très dangereuses » voies de desserte des autoroutes…
Évidemment, inutile de vous dire que de rendre obligatoire l’inspection mécanique des véhicules, de façon progressive selon l’âge du véhicule, pourrait permettre à la SAAQ de renflouer ses coffres tout en améliorant grandement la sécurité sur nos routes. Plutôt de que doubler le prix du permis de conduire, de surtaxer inutilement les plus grosses cylindrées et d’imposer des taxes de transport en commun à ceux qui ne l’utiliseront jamais, cette solution pourrait selon moi être aussi logique que lucrative.
La vitesse tue? Beaucoup moins qu’avant.
Les jeunes ont compris le message. Ils sont plus responsables au volant, davantage sensibilisés aux dangers, et de moins en moins nombreux à boire et conduire. De toute façon, l’obtention du permis de conduire est aujourd’hui si complexe, et les sanctions en cas de non-respect de la loi sont si sévères, qu’ils n’ont aujourd’hui d’autres choix que de se plier aux règles.
En 2016, que faut-il donc corriger pour que le bilan routier s’améliore. La condition de nos véhicules, clairement, les notions de conduite et la vérification des réflexes des automobilistes plus âgés, à la diminution des distractions au volant. Sans oublier de continuer de serrer la vis face à ceux qui conduisent avec les facultés affaiblies. Voilà ce sur quoi la SAAQ et les corps policiers doivent selon moi concentrer leurs efforts. Parce que les jeunes et moins jeunes qui jouent les Schumacher se font aujourd’hui de plus en plus rares…