La semaine dernière, j’assistais à la journée médiatique du Salon de l’auto de Toronto, un événement qui, après 2 ans de pause, revient avec beaucoup moins d’entrain que par le passé. Si les éditions prépandémiques réussissaient tout de même à regrouper plusieurs constructeurs d’automobiles sous un même toit, ce sont surtout les absents qui ont volé la vedette cette année.
En fait, je pouvais compter sur le bout de mes doigts les marques exposées : Hyundai, Kia, Genesis, Stellantis, Subaru, Toyota/Lexus, GM, Nissan et VinFast. Ça se résumait pas mal à ça. Il ne m’a suffi d’un avant-midi pour tout couvrir, et il y avait très peu de nouveautés et encore moins de présentations de presse.
Dans un contexte somme toute déprimant et où on ressentait d’énormes compressions budgétaires en raison de la situation économique, un seul constructeur semblait nager à contre-courant en présentant non un, mais deux concepts. Au Salon de l’auto de Toronto, aucun autre constructeur ne criait plus fort que Hyundai qui, visiblement, voulait que l’on comprenne à quel point elle prend la performance au sérieux.
Deux concepts, un message clair
C'est surtout les deux concepts, les RN22e et N Vision 74, qui ont mené le bal quant au discours du géant industriel sud-coréen. D’un bord du kiosque, une Hyundai IONIQ 6 (RN22e), une berline électrique qui n’est même pas encore sur le marché, mais qu’on a habillée d’appuis aérodynamiques, d’un aileron de course et d’ailes élargies qui pourraient carrément avoir été empruntées à une Lamborghini Aventador. À son opposé, le concept N Vision 74, un coupé sport qui semble tout droit sorti du film Ready Player One et dont le design s’inspire des bolides des années 1980.
En fait, pour ce concept, Hyundai s’est inspirée d’un ancien concept d’une Hyundai Pony Coupe — oui une Pony! — qui n’a finalement pas été commercialisé. Le modèle a ensuite motivé Giorgetto Giugiaro à dessiner la célèbre DeLorean DMC12. Voilà pourquoi N Vision 74 a des airs si familiers.
Et ça ne s’arrête pas là, car ces deux concepts sont fonctionnels. En fait, durant sa présentation de presse, Hyundai s’est assurée de préciser qu’il s’agit de deux laboratoires roulants, et qu’ils participent à des essais pratiques sur piste. Si le concept RN22e nous parle de la possibilité d’utiliser son système de freinage régénératif pour améliorer son comportement routier sur piste, le N Vision 74 est un véhicule électrique hybride qui carbure aussi à l’hydrogène au besoin. Pourquoi pas?
Les mascottes de la division N
Si Hyundai mettait tant l’accent sur la performance à Toronto, c’est qu’elle voulait nous faire comprendre que, même dans un monde zéro émission, sa division N jouera un rôle clé dans la commercialisation de ses modèles. Le fait que Hyundai participe activement dans diverses disciplines de course automobile, comme en rallye ou en Touring Car, notamment, n’a rien d’une coïncidence.
C’est que l’expertise que le constructeur amasse sur les circuits de course se transfère directement à ses laboratoires roulants. Il injecte ensuite le fruit de ses recherches dans sa division N qui, au moment d’écrire ces lignes, commercialisait deux modèles de haute performance, soit les Elantra et Kona N. Dès l’année prochaine, Hyundai compte faire transiger sa division de performance vers l’électrique avec l’IONIQ 5 N.
Hyundai se targue du fait que ce bolide pourra faire un tour complet sur le célèbre circuit du Nurburgring, en Allemagne, sans que sa batterie ne surchauffe, tout en disposant d’assez d’autonomie restante pour que son propriétaire retourne à la maison. En fait, on veut talonner Porsche avec la Taycan Turbo S, rien de moins.
À Toronto, le géant automobile, qui contrôle les marques Kia et Genesis, s’était même assuré d’inviter quelques individus clés dans le développement des modèles sport, comme M. Till Wartenberg, vice-président de la Gestion de la marque N et de la division de course de Hyundai, avec qui nous avons eu le privilège de discuter.
« Les concepts que nous avons apportés aujourd’hui envoient un message clair. Même dans un monde électrique, les voitures pourront être amusantes à conduire et performantes. À mon avis, notre vision est rafraîchissante. À voir comment les gens réagissent à ces concepts, ça nous confirme que nous sommes sur la bonne voie » - a-t-il dit en début d’entrevue.
Il a poursuivi en nous expliquant que, même dans un monde électrique et même dans un monde de voitures autonomes, la conduite d’un véhicule demeurera au centre des priorités du constructeur. « Conduire, c’est encore très important à nos yeux. Le plaisir que peut octroyer un véhicule à son conducteur quand il le conduit, cette sensation de contrôle d’une machine, viendra complémenter les technologies de demain. Chez Hyundai, nous n’arrêterons pas d’avoir du plaisir au volant d’un véhicule. »
M. Wartenberg a terminé en nous disant que la lettre N est là pour rester, même qu’il dit avoir hâte d’apporter la division dans une autre dimension avec l’arrivée de nouveaux modes de propulsion, qu’ils soient à base d’électricité ou d’hydrogène.
En cas de doute, faites jaser les puristes!
La dernière fois que j’ai entendu un constructeur être autant volubile à propos de la performance, c’était une marque allemande comme BMW ou encore Porsche. Ces constructeurs ont chacun beaucoup plus d’expérience en course automobile que Hyundai qui, en l’espace de 5 ans à peine, a réussi à mettre sur pied une division de performance sérieuse.
Or, ce qui est d’autant plus fascinant de cette attitude, c’est que, malgré le fait que les délais d’attente pour une IONIQ 5 ne font que s’alourdir, et que certains des modèles du constructeur affichent de curieux problèmes de fiabilité, comme des batteries défectueuses ou, encore, d’étranges troubles moteurs dans l’Elantra et le Tucson, Hyundai réussi tout de même à faire assez de bruit pour être la marque la plus colorée du Salon. Au passage, elle nous fait rapidement oublier tout ce qu’elle cache sous le tapis. En effet, faire parler les puristes, c’est toujours gagnant. Hyundai l’a compris. À preuve, je viens d’en écrire une chronique d’opinion.