Il y a un an jour pour jour, une amie m’avisait qu’elle avait commandé un Volkswagen ID.4 AWD. Il y a un peu plus d'un mois, en promenant mon chien, je lui ai demandé si elle l’avait reçu. Elle m’a répondu : « Non, j’attends encore, câline! Ma concession ne me donne aucune nouvelle, je suis tannée! As-tu d’autres options? »
Hélas, je n’en avais pas, car ce son de cloche se fait entendre pour toutes les concessions du Québec ou presque. En effet, quand il vient de temps d’acheter un véhicule électrique neuf, on attend longtemps au point de se sentir oublié. En fait, l’achat d’une voiture neuve tout court est devenu un processus très frustrant. Pendant ce temps, les constructeurs jouent à l’autruche et lancent de nouveaux modèles comme si tout allait bien.

Une expérience de magasinage extrêmement désagréable
Au début de l’année 2023, j’ai moi-même tenté d’acheter une voiture neuve. Avec l’arrivée de mon premier enfant, je me disais que le mignon Chevrolet Bolt EUV ferait l’affaire comme modèle de tous les jours (c’était avant l’annonce que le véhicule serait retiré de la gamme).
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Laissez-moi vous dire que l’expérience a été très désagréable au point de carrément abandonner le projet. La première concession m’a carrément dit ne plus prendre de commandes de modèles neufs, à moins qu’il ne s’agisse d’une camionnette (on voit clairement où sont les priorités chez GM). La deuxième concession n’a même pas pris le temps de me poser des questions pour sonder mes besoins, comme un bon représentant aux ventes se doit de le faire. Le jeune homme a tout simplement pris mon nom et mon numéro de téléphone en me disant que quelqu’un allait me rappeler. À ce jour, personne ne m’a encore contacté.
J’ai donc laissé tomber la Bolt, pour alors m’essayer auprès de Hyundai pour les IONIQ 5 et IONIQ 6. Même histoire : « Donnez-moi vos coordonnées, nous te mettons sur la liste d’attente et nous te reviendrons », m’a-t-on dit à l’aube du printemps.

Une berline intermédiaire, peut-être?
J’ai donc avalé la pilule, comme quoi il serait impossible de me procurer une voiture électrique avant l’arrivée de mon fils. Je me suis dit qu’une berline intermédiaire, un modèle de moins en moins populaire, pourrait être livrée en peu de temps.
J’ai donc pensé à la Toyota Camry hybride et j’ai enfin trouvé une concession du Québec qui allait en recevoir une dans ses plans de commandes. Parce que c’est comme ça que ça fonctionne. Si la concession ne prévoit recevoir aucune allocation, oubliez le projet d’acheter votre véhicule là-bas.
Mon expérience avec les employés de cette concession a été nettement plus agréable. Il faut dire que j’ai eu le privilège d’interagir avec le propriétaire de la franchise grâce à mes contacts auprès du constructeur. Toutefois, il n’avait aucun modèle à me faire essayer, ni même un démonstrateur pour tester le siège pour enfant sur la banquette arrière.
Par chance, ma profession m’avait permis de conduire cette berline au préalable et de rassurer ma conjointe sur le fait que le siège d’enfant n’allait pas poser problème dans une berline. La réalité, c’est qu’on achète carrément une auto qui n’existe pas!

Le gentil personnel de la concession m’a informé que je devrais recevoir ma Camry dans un délai de 3 mois, quelques semaines avant la naissance de mon enfant. Bonne nouvelle! On m’a demandé un dépôt remboursable de 300 $ suivi d’une enquête de crédit, même si l’auto n’avait pas encore été construite. Ensuite, le comble : la fameuse rencontre avec le directeur financier qui tentait à tout prix de me vendre des accessoires et des plans d’entretien supplémentaires pour une Toyota… invisible.
Et après? Silence absolu pendant des mois. Aucun suivi, aucun appel de courtoisie pour me dire que mon auto est construite ou en route. Rien.
J’ai finalement pris la décision d’annuler l’achat de cette Camry, non pas parce que l’auto ne répondait pas à mes besoins ni parce que la livraison avait été repoussée. En réalité, le service à la clientèle de cette concession avait été très correct. J’ai annulé mon achat en raison d’un autre éléphant blanc dans l’industrie de l’automobile : un taux d’intérêt de 6,09 % sur un achat sur 5 ans. Ma Camry m’aurait finalement coûté 51 000 $! C’est sans compter une prime d’assurance absolument insensée de 1 500 $ par année. S’il y a au moins une bonne nouvelle associée aux délais d’attente, c’est que ça nous laisse beaucoup de temps pour bien réfléchir à notre achat!

Des scénarios encore pires
Mon expérience d’achat m’aura au moins permis de saisir le pouls de l’industrie par moi-même. En effet, si nous recevons à RPM des tonnes de messages de consommateurs qui vivent une expérience tout aussi irritante, le fait de l’avoir vécue m’a réellement permis de mieux comprendre cette crise et, surtout, de réaliser à quel point les constructeurs ne font absolument rien pour soutenir une clientèle qui en a ras le bol.
Je reçois des témoignages carrément cauchemardesques de nouveaux propriétaires qui ont enfin reçu leur exemplaire. Des histoires de véhicules mal construits, de peinture de piètre qualité, d’accessoires manquants ou d’inspections mal exécutées à la concession (PDI), j’en entends des tonnes.
Ces témoignages sont parfois incompréhensibles. Ce que je vois, ce sont des consommateurs désespérés, tannés d’attendre un véhicule vendu trop cher, financé à un taux d’intérêt beaucoup trop élevé et encore plus mal construit que leur ancien, le tout, associé d’un service à la clientèle en déclin.
Pendant ce temps, je reçois dans ma boîte de courriels des invitations pour aller conduire de nouveaux modèles dans d’autres régions du monde. C’est à ce moment-là que je me dis : « ça ne vous tente pas de vous concentrer sur les modèles actuels avant d’en sortir d’autres? »
Malheureusement, un tel combat serait cause perdu au départ, car, dans des corporations aussi colosses que celles qui contrôlent les constructeurs d’automobiles, la main gauche ne parle pas à la main droite. Les départements de Communication et de Marketing seront fiers d’avoir utilisé leur budget pour organiser de beaux événements de lancements de produits, pendant que les Ventes, elles, doivent composer avec les brutales réalités du terrain : un manque flagrant d’inventaire et une clientèle à bout de nerfs.

Pour revenir à cette amie qui a commandé son ID.4. Elle s’est finalement tournée du côté de Chevrolet et a commandé un Equinox EV. Hélas, on lui joue les mêmes trames de violon là-bas.
Mais j’ai gardé en tête son problème et, après y avoir proprement réfléchi, je suis allé cogner à sa porte pour lui dire de commander un Tesla Model Y. Parce que Tesla, contre toute attente, livre ses véhicules tout en réduisant ses prix. Un mois plus tard, elle cognait à son tour à ma porte pour me remercier de ma recommandation. Derrière elle se cachait un beau Model Y tout fraîchement sorti de l’usine.
La madame était donc contente. Maintenant, pensez-vous sérieusement qu’elle remettra les pieds dans une concession classique? J’en doute fort.