La version succincte de cette nouvelle est la suivante : Jaguar recommence à zéro en misant sur le double zéro.
Pas clair?
Ok. Essayons celle-ci : lundi dernier, Jaguar a dévoilé au monde entier son concept Type 00 qui balaie du revers de la main une bonne partie de l’héritage de la marque britannique et qui indique dans quelle direction son esthétique et sa mise en marché se développeront au cours des prochaines années.
Or, si l’on se fie à l’allure de ce Type 00 et à ce que les gens de Jaguar ont appris à RPM au cours des dernières heures, Jaguar embarque dans une renaissance aussi révolutionnaire que risquée.
Par exemple…
« Jaguar ira-t-elle jouer dans les plates-bandes de Bentley et de Rolls-Royce? », ais-je demandé à Del Sehmar, chef des Relations publiques du fabricant à l’échelle mondiale.
« Je ne veux pas nommer d’autres marques. »
« Ah mais ne vous en faites pas, je vais les nommer pour vous dans mon texte pour RPM. »
Sourire. Enfin, presque.
« Je peux vous dire que nos véhicules seront plus chers que par le passé et assemblés en plus petite quantité. »
« Pouvez-vous nous donner une idée du prix minimum qu’il faudra payer pour avoir le droit d’entrer dans le nouveau club Jaguar? »
« On peut fixer ce seuil à 100 000 livres sterling. »
Une recherche rapide sur mon iPhone m’annonce 178 000 dollars canadiens. Mais Craig Dickie, responsable des Relations publiques et de « l’expérience Jaguar » au Canada, temporise et mentionne plutôt 140 000 $.
Quoi qu’il en soit, il est clair qu’on ne verra plus jamais une berline X-Type à moins de 50 000 $.
De l’audace au max
C’est en lever de rideau de l’Art Week de Miami que Jaguar a procédé au dévoilement du concept Type 00. Cet événement annuel, où le Centre des congrès local et d’immenses autres salles exhibent des toiles de Picasso à côté d’œuvres invraisemblables d’artistes émergents, attire des collectionneurs du monde entier qui débarquent de leur jet privé.
Pour les prochains jours, Miami est littéralement envahie par une horde de millionnaires et de milliardaires à la recherche de la bébelle qui coûte la peau des fesses et qui ne déparerait pas leur villa de la Côte d’Azur ou leur ranch d’Aspen.
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Tenez, hier soir, juste devant le hall de mon hôtel, stationnées l’une derrière l’autre : une Lamborghini Revuelto et une Bugatti Chiron Super Sport! C’est dans pareille atmosphère, où l’argent circule de façon ostentatoire et où la discrétion en prend pour son rhume, que le professeur Gerry McGovern, le grand gourou du Design (Chief Creative Officer) de Jaguar, a présenté la Type 00.
Un prototype qui fait voler en éclats tout ce que Jaguar n’a jamais pu créer en plus de 100 ans d’existence. Une intrigante automobile, auréolée de la nouvelle philosophie surnommée « Exuberant Modernism » (modernisme exubérant) qui devient le point de départ de l’électrification totale et complète qui guette le portfolio Jaguar.
Un concours
Dès 2020, plusieurs équipes de stylistes ont bataillé à l’interne pour décrocher l’honneur de dessiner la Jaguar du futur. Après moult délibérations, le Conseil d’administration a choisi « ça »!
À regarder « ça », on se demande même si ça se conduit.
Pourtant, plusieurs personnes chez Jaguar nous l’ont juré sur les saints évangiles : la première Jaguar électrique « grand public » (c’est vite dit) de l’ère zéro sera en directe filiation avec le concept.
La barrette de lignes verticales baptisée « Strikethrough » est devenue une trouvaille graphique qui excite Jaguar au plus haut point. « Simple et mémorable », m’a-t-on répété cent fois. Comme un store vénitien, me suis-je dit pour ma part.
Une nouvelle règle en ce qui concerne le fameux félin, symbole de la marque : là où il sera gravé au laser sur une plaque de cuivre enchâssée dans la coque, il bondira toujours vers l’avant.
L’intérieur de la Type 00 met en vedette du textile et des lisières de pierre calcaire appelée travertin que les stylistes ont glissés sous les sièges et la console centrale. La « vraie » Jaguar, qui-ne-sera-plus-pour-monsieur-et-madame-tout-le-monde, devrait en contenir, ne serait-ce qu’un peu.
Jaguar ne s’écrit plus de la même manière. Regardez la nouvelle fonte créée dans les bureaux de Conventry, Angleterre.
De ce lettrage inédit est né un monogramme, un J et un R épurés qui sont interchangeables. On les retrouve notamment au centre des roues de 23 pouces de la Type 00.
En bref, l’équipe de Gerry McGovern, qui compte rien de moins que 800 stylistes (lesquels travaillent quand même aussi pour les divisions Range Rover, Discovery et Defender), a passé autant de temps à dessiner la Type 00 qu’à structurer la nouvelle identité visuelle de la marque.
Une image qui, avec le temps, devra aussi déteindre physiquement sur les concessions JLR dans le monde entier, y compris les trois du Québec.
Quand?
La toute première Jaguar qui sera commercialisée à partir de ce gigantesque bouillonnement d’idées arborera les traits d’une berline Gran Turismo (GT). Érigée sur la plateforme JEA (Jaguar Electric Architecture), elle afficherait une autonomie EPA de 692 kilomètres, et une charge rapide lui permettrait d’en récupérer 321 en l’espace de 15 minutes.
Quelqu’un m’a dit « d’ici la fin de l’année 2025 ». Un autre, plus haut gradé, m’a dit « non, impossible, pas avant 18 mois. » Donc 2026.
Une chose est sûre, je n’ai jamais entendu aussi souvent prononcés ensemble les mots, audace, polarisation, couleurs, vibrant, désirable et spectaculaire.
Ironiquement, cette promesse de Jaguar de réinventer l’automobile tient en entier dans une espèce de slogan venu d’un lointain passé, car attribué à nul autre que Sir William Lyons, le fondateur de la marque : « Une Jaguar ne doit rien copier. »
Ce « Copy Nothing » est à nouveau le mantra de Jaguar Motors mais avec une robuste mise en garde adressée à tous les employés du fauve : respectons l’héritage, mais qu’il ne bride jamais votre imagination!
Le pari qui attend Jaguar est énorme. Et, je le répète, très risqué. Mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Tout doit partir!
Tous les véhicules que vous pouvez voir sur le site de Jaguar Canada cesseront d’être produits dans un avenir rapproché. En fait, des lignes d’assemblage sont déjà à l’arrêt :
- Une question de mois pour l’E-Pace, un utilitaire compact introduit en 2017.
- L’I-Pace, le seul véhicule électrique de la gamme actuelle, introduit en 2018, n’échappera pas non plus au couperet.
- Le cabriolet F-Type, lancé en 2012 à titre de successeur de la légendaire E-Type, a déjà vu sa production cesser en juin dernier.
- La berline compacte XE, en vente depuis 2015, n’est plus fabriquée depuis l’été.
- De même la berline intermédiaire XF, introduite en 2008 pour remplacer la S-Type.
- Bien entendu, le même sort attend toutes les versions R, R-S et SVR, introduites pour rivaliser avec AMG (Mercedes-Benz), M (BMW), et S/RS (Audi).
Un seul modèle restera en production plus longtemps que les autres : le compact F-Pace. Dévoilé à Francfort en 2015, il a eu l’honneur d’être le premier VUS de Jaguar. Le fait qu’il soit toujours, et de loin, le meilleur vendeur de la marque lui vaut son sursis.
Jaguar promet que le service et les pièces pour ces modèles mis au rancart seront assurés pour plusieurs années à venir.
Enfin, on peut soupçonner que des offres alléchantes se profileront bientôt à l’horizon des consommateurs et, même, des collectionneurs.
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