Dans l’univers des véhicules électriques, la critique qui revient souvent est le manque de sensation, particulièrement pour les gens qui sont des amateurs de conduite pure. La sonorité, la vibration, l’odeur et la sensation de connexion avec la voiture sont des critères qui sont chers à certains puristes. Personne ne doute de la performance brute des véhicules électriques, notamment parce qu’un bon nombre d’entre eux surpassent leur contrepartie thermique à ce chapitre, mais pour le ressenti, c’est autre chose.
L’événement organisé par Audi au Circuit Mécaglisse, à Notre-Dame-de-la-Merci, où j’ai pu mettre à l’essai dans différentes conditions et au cours de différentes épreuves les Audi RS 6 Avant et Audi RS e-tron GT, me l’a d’ailleurs bien confirmé.
Techniquement, ce sont deux voitures complètement différentes. La RS 6 Avant est équipée d’un moteur V8 de 4,0 litres d’une puissance totale de 591 chevaux, qui transmet la puissance aux quatre roues par l’entremise d’un rouage intégral permanent à verrouillage mécanique automatique. La distribution de la puissance est normalement de 40 % à l’avant, et 60 % à l’arrière, mais elle peut varier pour acheminer jusqu’à 70 % à l’avant, et jusqu’à 85 % à l’arrière, selon les circonstances. De plus, le différentiel arrière est de type sport quattro ce qui lui donne la capacité de faire varier la puissance entre les roues gauche et droite selon le besoin. Le poids de la bagnole est de 2 090 kilos.
De son côté, l’Audi RS e-tron GT propose plutôt deux moteurs électriques, un sur chaque train, éliminant tout lien mécanique entre l’avant et l’arrière. Celui présent à l’avant donne 175 kilowatts (238 chevaux) alors que le moteur arrière plus puissant délivre 335 kilowatts (455 chevaux), ce qui donne une puissance totale combinée de 637 chevaux en mode Boost. La distribution de la puissance est infiniment variable et contrôlée électroniquement, autant entre l’avant et l’arrière que de gauche à droite. Le poids de la voiture atteint un impressionnant 2345 kilos.
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La table est mise pour la comparaison. La RS e-tron GT est plus puissante, certes, ce qui semble lui donner un avantage, mais elle est aussi plus lourde.
La première épreuve consistait à faire une manœuvre de type « appel-contre-appel » pour déclencher un mouvement de glisse latérale — communément appelé « drift » — qui devait être maintenu tout au long d’une courbe à 180 degrés. La seconde épreuve visait à initier un dérapage contrôlé qu’on devait maintenir sur 360 degrés autour d’un point central. Tous les véhicules étaient équipés de pneus de promenade à crampons.
Rapidité de la mécanique
L’instantanéité de la mécanique est une carte maitresse des véhicules électriques et est certainement un avantage de l’Audi RS e-tron GT par rapport à la RS 6 Avant quand vient le temps de déraper. Avec le mode Dynamic sélectionné et toutes les aides à la conduite désactivées, un simple coup d’accélérateur fait réagir les deux moteurs électriques de manière presque télépathique, et l’arrière se met à chasser. C’est aussi très facile de contrôler le dérapage seulement avec l’accélérateur, alors qu’on sent que les deux moteurs électriques réagissent intuitivement pour procurer le maximum d’adhérence et de contrôle.
De son côté, la RS 6 Avant ne manque certainement pas de puissance malgré les chiffres inférieurs sur papier. C’est la réaction mécanique légèrement en retrait, occasionnée par le délai d’action de la turbocompression et la réaction de la transmission, qui la désavantage. Malgré qu’elle soit dans les faits très rapide, elle s’incline face à l’électrique encore plus prompte à réagir. L’utilisation du mode manuel pour maintenir la transmission en deuxième ou en troisième pour que la puissance soit plus constante est cependant un atout.
Le poids
Au-delà de la rapidité des réactions, la différence de poids de 255 kilos entre les deux véhicules testés est aussi notable dans des manœuvres du genre. La RS e-tron GT est légèrement plus encline au sous-virage, une caractéristique facile à corriger par un coup d’accélérateur qui fait valser l’arrière. Son poids donne aussi une sensation différente en termes d’agilité : on a l’impression que la voiture électrique est plus pataude dès les premiers tours de roues, ce qui se dément rapidement une fois en vitesse. Au contraire, la RS 6 semble plus pétillante dès le départ.
L’autre avantage de la familiale est qu’elle est moins aseptisée que la berline. Son poids plus faible et ses caractéristiques extrêmes font qu’il est plus facile de ressentir les moindres mouvements de caisse, le moindre dérapage et aussi de jauger l’intervention de la mécanique pour mieux doser l’accélérateur dans le but de maintenir le dérapage contrôlé. Une fois lancée, la RS 6 se contrôle du bout des doigts avec une grande aisance, alors que la RS e-tron GT demande un peu plus de travail, d’autant plus que la visibilité est moins bonne à bord.
Là où il est difficile de déclarer un gagnant, c’est en termes d’efficacité du rouage intégral. Celui de la RS 6 Avant est vraiment mordant, et l’intervention des différentiels central et arrière est d’une grande fluidité. Même chose pour la RS e-tron GT, dont la distribution de puissance se fait sans anicroche. Le résultat est le même dans les deux cas : une adhérence maximisée, difficile à prendre en défaut, et qui garantit une grande dose de plaisir.
Donc, laquelle glisse le mieux? La RS 6 Avant. D’abord parce qu’elle transmet plus de sensation au conducteur, malgré ses réactions mécaniques différées par rapport au véhicule électrique et ensuite parce qu’elle est légèrement plus facile à contrôler.
Laquelle ai-je préférée? Aussi la RS 6 Avant. Son caractère unique, sa carrosserie sublime et sa mécanique bouillante sont des attributs rares dans ce monde automobile plus artificiel, et elle représente une espèce en voie de disparition.
Mais vous savez quoi? Les deux procurent un plaisir qui leur est propre, ce qui confirme qu’il y a bel et bien de la place pour de la performance électrique. Il faudra simplement ajuster nos standards.