Il est intéressant de constater à quel point Volvo se trouve aujourd’hui dans une situation très semblable à celle qu’elle a vécue il y a 60 ans. Lorsque ce constructeur d’origine suédoise a voulu mettre sur pied la marque Polestar, elle a cru bon de l’inaugurer avec un coupé sport de grand luxe, hautement exclusif et mû par une motorisation hybride rechargeable. Il s’agissait de la Polestar 1, un modèle qui tentait de rattacher Polestar aux racines de sa compagnie-mère.
Mais pourquoi donc un coupé sport du type grand tourisme ? Pour souligner ce qui est sans doute l’une des plus belles Volvo jamais produite : la P1800. Revisitons-là dans sa version E afin de nous rappeler l’époque où Volvo avait parié fort sur son image de marque.

Histoire du modèle
L’envie de Volvo de commercialiser un coupé sport de grand tourisme remonte aux années 1950 avec la P1900. Ce modèle s’est toutefois révélé un échec commercial, ce qui a forcé le constructeur à le retirer rapidement du marché en 1957, un an seulement après sa mise en marché.
Mais Volvo n’a pas lâché le morceau. La pénétration de ce segment lui permettrait de rehausser son image de marque. Rappelons que, à l’époque, Volvo était plus connue pour ses berlines et ses familiales qui mettaient surtout l’accent sur la sécurité et l’aspect utilitaire. L’ajout d’une sportive au sein de sa gamme avait comme objectif de rajeunir son image et de la positionner parmi les grandes marques de luxe européennes.
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Pour le second opus, il s’agissait de la P1800. Cette fois, Volvo avait fait appel au styliste suédois Pelle Petterson qui s’était surtout fait connaître pour son travail sur des voiliers. Volvo avait aussi appris de ses erreurs avec la P1900 qui présentait des problèmes de qualité. Pour la P1800, le constructeur voulait à tout prix faire affaire avec un carrossier d’expérience.

À l’origine, c’était Karmann qui avait eu le mandat de construire la P1800. Toutefois, Volkswagen, qui était son client le plus important à l’époque, a bloqué l’entente par crainte que la P1800 concurrence ses véhicules. Volvo a enfin fait affaires avec Jensen Motors, en Angleterre, pour les deux premières années de commercialisation, soit en 1961 et en 1962. C’est en 1963 que la production de la P1800 a été ramenée à l’usine de Volvo, à Gothenburg, en Suède.
Commercialisée chez nous de 1962 à 1973, la Volvo P1800 avait à l’origine éprouvé beaucoup de difficultés à se faire respecter par les acheteurs de coupés sport de luxe. Après tout, personne ne s’attendait à ce que Volvo se pointe dans une catégorie habituellement habitée par des marques comme Jaguar, Aston Martin et, même, Ferrari.
Volvo était bien consciente de ce problème d’image. C’est pourquoi elle a tenté par tous les moyens de faire connaître sa P1800.

Au moment de son arrivée sur le marché, la maison de production britannique Incorporated Television Company (ITC) préparait une nouvelle série télévisée d’espionnage nommée The Saint (Le Saint). Pour la première saison, prévue en octobre 1962, la production voulait que la voiture du personnage principal, Simon Templar - joué par nul autre que Roger Moore - soit une Jaguar E-Type.
Mais Jaguar a refusé l’offre, ce qui a forcé l’ITC à se tourner vers un autre constructeur. Ce constructeur, c’était Volvo, et c’est la P1800 qui a été le modèle de choix pour M. Templar.
Cette alliance a enfin permis à la P1800 d’être reconnue mondialement. Encore à ce jour, il s’agit de l’un des coups de marketing les mieux exécutés par un constructeur d’automobiles. Durant tout son cycle de vie, plus de 50 000 Volvo P1800 ont été produites. À la fin de sa commercialisation, elle s’était transformée en une familiale à deux portières. Cette version, commercialisée en 1972 et en 1973 se révèle d’ailleurs la plus rare.

Moteurs, boîtes de vitesses et caractéristiques techniques
À l’origine, la P1800 faisait appel à un moteur à 4 cylindres de 1,8 litre qui développait une puissance de 100 chevaux et produisait un couple de 108 livres-pieds. Ce moteur a ensuite reçu une mise à jour en 1967 qui a fait passer la puissance à 113 chevaux. Pour ce qui est du couple, il est resté identique.
C’est en 1969 que Volvo a remplacé le moteur de 1,8 litre par un bloc de 2,0 litres. Si la puissance était comparable à 116 chevaux, c’est surtout le couple qui avait augmenté à 123 livres-pieds.
L’exemplaire à l’essai est une P1800E, le modèle équipé du système d’injection électronique Bosch D-Jetronic introduit en 1970. Il s’agit de la version la plus puissante de l’histoire du modèle. Grâce à l’injection, le moteur B20E de Volvo développait alors 128 chevaux et produisait un couple de 130 livres-pieds. Il acheminait la puissance au train arrière par l’entremise d’une boîte de vitesses manuelle à 4 rapports avec rapport surmultiplié.

Impressions de conduite
L’élément le plus frappant quand on s’installe dans les sièges en cuir véritable d’une Volvo P1800E, c’est à quel point elle est spacieuse et confortable.
Normalement, dans une sportive de cette époque, je me sens à l’étroit, et le degré d’ergonomie n’est pas superbe, mais pas dans une P1800. En fait, outre un volant qui ne règle pas, j’avais amplement d’espace pour allonger les jambes, et le dégagement pour la tête était plus qu’adéquat.
Dans une Volvo P1800, on est accueilli par une élégante planche de bord recouverte de bois et de cuir. Elle incorpore d’attrayants cadrans analogiques qui s’étendent tout au long de la planche comme dans un bateau. Cette sensation nautique est également ressentie par la position de conduite très basse, accentuée par une ceinture de fenestration élevée. Malgré cette sensation, la visibilité demeure excellente grâce à une vaste fenestration.
Les commandes de climatisation sont installées sous la planche de bord, mais leur identification est à même la planche. Détail comique : tout est écrit en suédois et en anglais, mais seulement pour les commandes de climatisation. Tout le reste des inscriptions dans le véhicule sont en anglais.

Enfin, il y a la ceinture de sécurité qui s’enclenche dans un cliquet qui semble tout droit provenir d’un avion de chasse. C’est que Volvo a inventé la ceinture à trois points en 1959. Au début des années 1970, très peu de constructeurs offraient cette technologie. Volvo en était donc fière et voulait clairement montrer son innovation !
Le démarrage de cette vieille Volvo s’est effectué sans tracas, même que j’ai été étonné de la modernité de cette mécanique, si ce n’est une sonorité qui manque sérieusement de raffinement.
Sur la route, cette sensation de modernité est d’autant plus apparente en raison du comportement routier de cette sportive qui demeure, à ce jour, d’une douceur plutôt impressionnante. Il ne m’a fallu que quelques minutes pour constater qu’il s’agit vraiment d’un bolide de grand tourisme, c'est-à-dire qu’on n’a pas nécessairement le goût de performer à bord de ce coupé, mais plutôt de partir en balade sur une belle route de campagne.
De toute manière, mes tentatives d’extraire de la performance de cette mécanique ne m’ont pas mené bien loin. J’ai rapidement remarqué à quel point ce bloc manque de personnalité et ne fait que déplacer l’auto avec un peu de vigueur, mais sans plus. Bref, il n’est pas très puissant.

En revanche, j’ai adoré la sensation du levier de vitesses. Il est long, robuste et enfile bien les rapports. On le sent solide, comme s’il avait été conçu pour durer une éternité.
C’est d’ailleurs ce qui est sorti le plus de cet essai : la sensation de solidité du véhicule. Malgré toutes ces années dans le corps, la P1800 cache très bien ses rides, même que sa qualité de construction demeure plus qu’acceptable compte tenu de l’âge du bolide. D’ailleurs, le propriétaire mentionne qu’il ne se gêne pas pour conduire ce classique à chaque occasion venue. Il affirme s’en être servi durant ses études universitaires et il fait souvent des balades l’été avec ses enfants à bord. Depuis qu’il en est propriétaire, il certifie avoir eu très peu de pépins mécaniques, et que l’entretien se révèle plutôt facile.
C’est en sortant de ce coupé sport, qui ressemble drôlement à une Aston Martin, que j’ai pleinement saisi sa raison d’être. C’est une Volvo dans tous les sens du terme : c'est-à-dire que la voiture est hautement confortable, facile à endurer au quotidien et solide comme du roc. Pendant ce temps, les gens que je rencontrais sur mon passage étaient fascinés par les lignes intemporelles de ce coup de crayon.
J’ajoute que rares sont les voitures sport qui ne m’ont aucunement donné envie de rouler vite. J’ai plutôt été charmé par l’approche décontractée de cette beauté qui, grâce à son apparition dans une série télévisée, restera gravée dans l’histoire de l’automobile comme l’un des coupés sport européens les plus symboliques de son époque.
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