« Simplifier, puis ajouter de la légèreté » - c’est l’un des fameux dictons de Colin Chapman qui restera gravé dans l’histoire de l’automobile à jamais. Ingénieur, inventeur et fondateur du constructeur Lotus, M. Chapman a toujours eu cette philosophie qu’une voiture de sport doit passer par la légèreté et non par la puissance brute.
Sous sa supervision, Lotus a créé plusieurs modèles ultra légers au cours de l’histoire, comme le biplace Lotus 7, en 1957 ou la minuscule mais ô combien compétente Elan, en 1962. Cette philosophie a perduré jusqu’au 21e siècle avec l’Elise, l’Exige et l’Evora. Lotus est également reconnue pour ses technologies innovantes inventées par M. Chapman, l’architecture monocoque et l’utilisation de pièces en composite, notamment, qu’on retrouve aujourd’hui en Formule 1 et dans les voitures de production modernes.
Si nous devions cibler un modèle qui a servi de vitrine technologique pour Lotus pendant près de 30 ans, nous choisirions l’Esprit. Revisitons-la dans sa mouture S2 afin de nous rappeler des années glorieuses du constructeur.
Histoire du modèle
Après son succès marqué en Formule 1, Colin Chapman voulait développer une supervoiture signée Lotus pour affirmer sa présence dans les voitures de sport de production face aux constructeurs italiens, Ferrari et Lamborghini, notamment.
S’inspirant du concept Maserati Boomerang, dessiné par Giorgetto Giugiaro et présenté au Salon de Genève en 1972, M. Chapman voulait que sa prochaine voiture de sport affiche des lignes semblables. Il s’agissait du fameux langage de design Wedge de M. Giugiaro, celui qui a défini plusieurs supervoitures de l’époque, comme la Lamborghini Countach, la BMW M1 et, plus tard, la DeLorean DMC-12.
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La toute première Lotus Esprit (la S1) a vu le jour au Salon de Paris en 1975 à titre de modèle 1976. Son design à couper le souffle faisait non seulement tourner les têtes, mais détonnait des autres modèles du constructeur qui affichait plutôt l’allure de coupés sport ou de cabriolets.
L’Esprit avait une garde au sol basse ; elle était angulaire et futuriste avec son moteur installé au centre arrière du châssis, comme ses concurrentes italiennes. Elle était également très légère, affichant une masse nette de moins de 1 000 kilos.
C’est en 1978 que Lotus est arrivée avec la S2 afin de régler quelques défauts de la première génération, tout en apportant de subtiles améliorations au design. La S2 avait des prises d’air sur les flancs, ce qui permettait de mieux ventiler le compartiment-moteur. De nouvelles jantes, de nouveaux feux et un becquet arrière faisaient tous partie de la mise à jour.
Sur le plan technique, Lotus en a profité pour repositionner la batterie vers l’arrière de l’auto pour qu’elle soit plus facilement accessible. Une porte d’accès a également été installée pour le compartiment-moteur. Il y avait aussi de nouveaux sièges, plus larges et plus confortables, ainsi que de nouveaux cadrans dans l’instrumentation analogique.
Moteurs, boîtes de vitesses et caractéristiques techniques
L’un des reproches adressés à l’Esprit de première génération était son manque de puissance et de couple. Lotus a tenté d’améliorer la S2 à cet égard, mais n’a rien fait d’exceptionnel. Malgré son poids ultra léger, sa motorisation ne faisait tout simplement pas le poids face à une concurrence italienne très puissante. Ce n’est qu’avec la S3, en 1982, que l’Esprit a enfin reçu plus de puissance sous le capot grâce à l’ajout de la turbocompression.
Cette S2 était donc mue par un moteur à 4 cylindres de 2,0 litres. Sa puissance était chiffrée par le constructeur à 140 chevaux, et son couple atteignait 140 livres-pieds. L’Esprit S2 acheminait sa puissance au train arrière par l’entremise d’une boîte de vitesses manuelle à 5 rapports fournie par Citroën (la même boîte C35 que la Citroën SM).
Pour la S2, Lotus avait revu les ratios de la boîte de vitesses pour améliorer son accélération et sa vitesse de pointe. Toutefois, même si le constructeur mentionnait que l’Esprit pouvait boucler le sprint de 0 à 100 kilomètres/heure en 6,8 secondes et atteindre une vitesse de pointe de 222 kilomètres/heure, plusieurs tests de journalistes automobiles ont plutôt révélé 8 secondes et 214 kilomètres/heure.
Impressions de conduite
L’exemplaire à l’essai tentait de répliquer un modèle assez rare : une édition commémorative servant à souligner la victoire de Lotus au championnat du monde de formule 1 en 1978. Arborant des couleurs du commanditaire officiel de la voiture de course – John Player & Sons -, cette Esprit ne s’est vendue qu’à moins de 200 exemplaires à l’échelle mondiale.
Cette couleur noire L15 est toutefois sa couleur d’origine. Le propriétaire a d’ailleurs soumis son numéro de série à un archiviste de Lotus qui lui est revenu avec un document officiel avec les caractéristiques techniques de l’exemplaire. Grâce à ce document, le propriétaire a appris que seulement 19 Esprit S2 ont été vendues au Canada. Celle que vous apercevez à l’écran est la 15e. Elle est la quatrième de huit peintes en noir.
Après mon essai de la DeTomaso Pantera, je m’attendais à une expérience de conduite aussi difficile pour une personne claustrophobe. Après tout, l’Esprit est très basse et très plate, ce qui donne l’impression que son habitacle est aussi clos que celui de la Pantera.
À ma grande surprise, ça n’a pas été le cas ! Certes, il est un peu compliqué de monter à bord si l’on est grand. Le volant n’est pas réglable, et bas sur les cuisses. Mais une fois installé à bord, j’ai été étonné du dégagement pour les jambes et la tête. Le pédalier était également bien placé droit devant moi, ce qui rendait l’expérience de conduite plus décontractée que dans la Pantera.
Et que dire de l’excellente visibilité causée par une vaste fenestration. L’ergonomie de l’Esprit S2 est plutôt réussie. Mention spéciale aux deux allume-cigarettes installés dans les portières !
Le démarrage d’une S2 s’effectue sans tracas et sans artifices. Le petit moteur s’active rapidement sans trop nécessiter de tours du démarreur, malgré la présence d’un carburateur. Si la Pantera rugissait par la présence de son énorme moteur V8, l’Esprit se montrait plutôt raffinée et aucunement intimidante.
Même que la pédale d’embrayage était légère, et le levier de vitesses fonctionnait avec une fluidité plutôt déconcertante. C’est d’ailleurs cette sensation de légèreté généralisée et l’harmonie entre le conducteur et la machine qui m’a rapidement charmé de cette Lotus.
Sur la route, la S2 m’a rapidement montré qu’elle n’a rien dans le ventre. À l’image de sa plage de puissance, la sonorité de son 4-cylindres n’est pas très enivrante. Inutile de le faire monter dans les tours, il ne fait que beugler sans ajouter de performance.
Toutefois, c’est la précision de sa direction, l’instantanéité de son châssis et la souplesse de ses suspensions qui m’ont impressionné. Sur une route sinueuse de campagne, la S2 nous permet de profiter de son erre d’aller. Inutile de trop freiner avant de s’inscrire dans une courbe, car cette Lotus la négociera avec finesse. L’absence de gras rend cette sportive hautement plaisante à conduire. On se sent en contrôle, ce qui nous permet de nous évader dans l’art de la conduite. C’est la preuve qu’on n’a pas besoin de beaucoup de puissance sous le capot pour éprouver du plaisir derrière le volant !
Bien que les premières générations de la Lotus Esprit se sont montrées tout aussi attrayantes que ses concurrentes italiennes, elles n’ont pas réussi à proposer des performances assez convaincantes pour être prises au sérieux par les acheteurs de supervoitures. Ceci n’a toutefois pas empêché Lotus d’améliorer le concept. À la fin de son cycle de vie, en 2004, l’Esprit était devenu une réelle bombe capable de se mesurer aux meilleurs bolides de performance du marché.
Mais pour le propriétaire de cette S2, les performances l’importent peu. Pour lui, c’est son design qui l’interpelle davantage. En effet, s’il y a eu plusieurs modèles inspirant du langage de design Wedge, plusieurs s’entendent pour dire que les Lotus Eprit S1 et S2 ont été l’expression la plus pure du concept.
Toutefois, malgré tout le respect que j’éprouve pour ces générations de l’Esprit, je serais personnellement plus tenté d’aller vers une S3, question d’avoir un peu plus de mordant sous le capot !
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