Quand on pense à la Honda Motor Company, on visualise un gigantesque constructeur d’automobiles qui commercialise des centaines de milliers de véhicules par année. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Il fut une époque où ce constructeur de motocyclettes était tout petit par comparaison avec les géants de l’industrie de l’automobile japonaise comme Nissan et Toyota.
Afin d’intégrer le marché de l’automobile, Honda devait penser autrement et proposer quelque chose d’unique et de distingué. C’est avec le cabriolet de la Série S que le petit constructeur s’est taillé une place parmi les grands de l’industrie. Plus précisément, on parle de la S600, celle qui a permis à Honda de se tailler une place auprès de ses concurrents. Revisitons-là afin de déguster un modèle charnière dans l’histoire du constructeur.

Histoire du modèle
Certains affirment que la S600 a été la première automobile commercialisée par Honda. Cette affirmation est fausse. Dans les faits, elle a été la troisième. La S600 suivait les traces des cabriolets S360 et S500 qui l’avaient devancée. C’est en réalité la camionnette T360 qui a le mérite d’avoir propulsé Honda dans le monde de l’automobile.
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La S600 était cependant d’une importance monumentale pour Honda, car elle devenait la première voiture du constructeur à être commercialisée à grande échelle, mais aussi ailleurs qu’au Japon.
Essentiellement le même véhicule que ses devancières, la S600, commercialisée entre 1964 et 1966, se démarquait par sa plus grosse cylindrée, soit de 606 centimètres cubes (0,6 litre).
La S600 a été commercialisée un peu partout dans le monde en configurations cabriolet et coupé. Seulement 111 cabriolets ont été produits en 1966. Ce modèle n’a toutefois jamais été commercialisé chez nous. Du moins, pas de manière officielle. Certaines concessions canadiennes de motocyclettes Honda offraient à leurs clients l’importation d’exemplaires à conduite à gauche provenant d’Europe. C’est d’ailleurs l’histoire derrière l’exemplaire à l’essai.
Cette pratique n’a toutefois jamais été utilisée du côté des États-Unis, ce qui faisant de la S600 à conduite à gauche un objet de collection très rare là-bas. Quelques GI américains ont toutefois ramené des modèles du Japon avec conduite à droite.

Moteurs, boîtes de vitesses et données techniques
Avec sa longue expérience dans la fabrication de motocyclettes, Honda s’est inspirée de ce savoir-faire pour concevoir la mécanique de la S600. Aux yeux de plusieurs mécaniciens, ce moteur se révèle un vrai chef-d’œuvre mécanique. Très en avance pour son temps, ce 4-cylindres, presque entièrement fait d’aluminium, comptait 2 arbres à cames et 4 carburateurs de marque Keihin. Dans les années 1960, de tels accessoires étaient normalement réservés aux sportives haut de gamme.
Développant une puissance de 57 chevaux seulement et produisant un couple de 38 livres-pieds à peine, ce moteur acheminait sa puissance et son couple vers le train arrière par l’entremise d’une boîte de vitesses manuelle à 4 rapports. Malgré sa cylindrée, ce moteur avait la particularité de pouvoir tourner jusqu’à 9 000 tours/minute, une caractéristique associée aux voitures de course de l'époque.
L’autre élément technique intéressant de la S600, c’est l’utilisation d’une chaîne d’entraînement au lieu d’un arbre de transmission, un peu comme sur une moto. Cette technique permettait à Honda d’équiper la S600 d’une suspension arrière à roues indépendantes avec essieu oscillant tout en lui permettant de réduire la masse nette de la mécanique.

Impressions de conduite
À l’approche d’une Honda S600, on ne peut s’empêcher de sourire en raison de ses dimensions lilliputiennes. À ses côtés, même une Mitsubishi Mirage semble gigantesque. On dirait presque une voiture jouet de marque Power Wheels conçue pour les enfants. Elle est vraiment adorable.
Malgré ses petites dimensions, l’accès à bord de la S600 n’est pas aussi pénible que je l’imaginais. Certes, j’ai dû faire certaines contorsions pour enfiler mes longues jambes sous l’énorme volant en bois non réglable. Mais une fois installé à bord, l’habitacle d’une S600 est étrangement confortable, même pour une grande personne.
C’est toutefois très étroit à l’intérieur, et j'ai rapidement constaté à quel point les portières sont minces. Il ne fallait vraiment pas avoir le malheur d’être impliqué dans une collision latérale.

Dès qu’on met le contact, on remarque qu’il s’agit d’un moteur Honda. La S600 est étonnamment silencieuse à l’arrêt ; tout ce qu’on entend, c’est une subtile symphonie de soupapes bien réglées. Tout fonctionne dans une harmonie mécanique quasi déconcertante. Quel bijou de moteur ! Même la pédale d’embrayage et le levier de vitesses distillent une impression de modernité. J’ai conduit des voitures neuves dont la boîte de vitesses manuelle n’était pas aussi précise que celle d’une S600.
Sur la route, on remarque rapidement à quel point on est petit, mais aussi que la S600 n’a vraiment pas assez de puissance pour suivre la circulation ! Quand on enfonce la pédale d’accélérateur, rien ne se passe vraiment, si ce n’est la sonorité des carburateurs qui travaillent en temps supplémentaire.
Il faut, bien sûr, passer à un rapport inférieur si l’on désire extraire plus de puissance du moteur. Il s’agit d’un acte franchement satisfaisant en raison de la superbe boîte de vitesses, mais aussi du petit moteur qui adore monter dans les tours. Aucunement puissant, ce petit bloc crie – je veux dire, il hurle ! - tellement que tous les poils de notre corps se hérissent durant le processus. Il s’agit d’une mécanique qui nous oblige à en abuser, mais qui ne semble jamais se plaindre d’être constamment poussée à ses limites.

Même si je ne roulais jamais vraiment vite et que je devais, par moment, me tasser dans l’accotement pour laisser passer les autres véhicules, j’avais un plaisir fou derrière le volant. J’avais un sourire fendu jusqu’aux oreilles, ma tête dépassait du pare-brise comme Donkey Kong dans Mario Kart. J’avais l’impression de faire corps avec le véhicule, et je ressentais une énorme impression de légèreté dans le volant. Je ne me suis jamais senti aussi connecté à la chaussée !
Conduire cette pièce de collection m’a immédiatement fait comprendre pourquoi Honda s’est si rapidement fait respecter dans l’univers de l’automobile. Non seulement la S600 a-t-elle prouvé que ce petit constructeur de motocyclettes était aussi capable de construire des voitures, mais elle a démontré qu’il disposait d’un savoir-faire technique sans pareil à l’époque.
C'est la S600 qui a pavé le chemin à Honda en course automobile, ou elle a remporté plusieurs victoires. Si vous appréciez aujourd’hui la conduite de votre Honda S2000 ou de votre Acura NSX, c’est la S600 qu’il faut remercier.
