La nouvelle est tombée jeudi matin, le scandale Volkswagen aura eu raison du PDG de la marque Martin Wintertkorn. L’homme de 68 ans qui a commencé sa carrière chez Audi en1981 affirme laisser sa place à une nouvelle génération. Il se dit profondément affecté par la situation et avait fait son mea-culpa mardi matin. Il se dégage toutefois de toute responsabilité dans cette affaire et ne comprend pas comment une telle supercherie a pris naissance au sein du groupe. Gérald Tremblay aussi se disait innocent. Mais au fait comment ce scandale a été mis au jour
Une tempête parfaite
On parle de tempête parfaite lorsque tous les ingrédients sont réunis pour qu’éclate une catastrophe. Volkswagen avait devancé en juin dernier Toyota à titre de plus grand constructeur automobile de la planète. Les ventes étaient en hausse dans plusieurs marchés et le géant allemand allait profiter du Salon de l’auto de Francfort pour annoncer ces bonnes nouvelles. Et le scandale éclate en plein Salon, alors que toute la presse automobile mondiale et les hauts dirigeants de toutes les compagnies automobiles sont sur place. Un puissant catalyseur pour répandre la nouvelle à travers le monde à vitesse grand V, mais comment ce scandale a-t-il éclaté ?
Tout a commencé à l’université der la Virginie de l’ouest
Toute cette histoire a commencé au printemps 2014 alors qu’un groupe de recherche de l’Université de la Virginie de l’Ouest reçoit un mandat de l’International Council on Clean Transportation pour étudier l’impact des énergies alternatives sur l’environnent. Le groupe de recherche choisit parmi les véhicules testés un Volks Diesel. Le but des tests est de reproduire les émissions polluantes annoncées des véhicules, mais dans des conditions réelles de conduite. La majorité des voitures sont assez proches des émissions annoncées, y compris une BMW X5 Diesel, mais Volkswagen dépasse selon les textes de 10 à 40 fois les émissions annoncées en laboratoire pour l’oxyde d’azote (NOx).. Le groupe de recherche avertit sans délai l’EPA, l’agence de contrôle antipollution américaine
Un an de harcèlement
Entre 2014 et 2015, L’EPA talonne Volkswagen pour clarifier la situation et demande des explications. Pourquoi les résultats obtenus par les chercheurs de l’université de Virginie de l’Ouest sont aussi éloignés de la réalité. Volkswagen affirme que les paramètres utilisés dans le test n’étaient pas conformes à ceux de Volkswagen et forcément les résultats seraient différents. L’EPA avec la collaboration du CARB ( California Air Resource Board) pousse l’enquête plus loin en reprenant pour trouver ce qui clochait. Aucune des solutions techniques proposées par Volkswagen ne fonctionnait et il était impossible de reproduire les résultats de Volks sur la route. L’EPA et le CARB ont alors menacé le géant allemand en annonçant que la certification des moteurs 4 cylindres diesel ne serait pas approuvée si le moteur ne se conformait pas aux normes environnementales. C’est alors que le chat est sorti du sac. Volkswagen a admis avoir fabriqué et installé un logiciel capable de mettre en échec les tests d'émissions nord-américains.
Comment fonctionne le logiciel ?
Il faut savoir au départ que les tests de conformité pour les normes antipollution relèvent de l’autorégulation. Ce sont les constructeurs eux-mêmes qui font les tests et font ensuite parvenir les résultats aux organismes concernés comme l’agence EPA aux États-Unis ou environnement Canada chez nous. Les constructeurs savent exactement ce qui doit être fait en laboratoire pour tester les voitures et l’EPA a admis qu’elle contre-vérifiait chaque année entre 15 et 20 % des résultats qu’elle recevait. C’est dons dire que Volkswagen possédait tous les ingrédients pour contourner la loi. Elle a donc développé un logiciel très sophistiqué qui était en mesure de reconnaître les conditions de conduite de la voiture. Autrement dit, le cerveau de la voiture savait si la voiture était en laboratoire ou sur la route. Dans le cas du laboratoire, le logiciel réduisait au maximum les émissions polluantes pour être conforme aux normes. Une fois sur la route plusieurs restrictions qui diminuent la puissance et le couple disponible étaient rendues inopérantes rendant du coup la conduite plus agréable, mais avec un véhicule plus polluant.
Les conséquences
C’est finalement vendredi le 18 septembre que le verdict est tombé. L’agence EPA avise que 482 000 unités Volkswagen et Audi fabriquées entre 2009 et 2015. Les modèles visés sont la Jetta,, Golf, Bettle et Audi A3 des années 2009 à 2015 et les Passat 2014 et 2015. L’EPA annonce que l’amende pourrait s’élever à 37 500 $ par voiture soit près de 18 milliards de dollars. Il serait surprenant qu’un si fort montant soit atteint. Au Canada, le nombre de modèles touchés s’élève à 107 000 unités. Environnement Canada n’a pas les dents aussi longues. Le montant maximal pour une première offense en matière de fraude automobile s’élève à 6 millions de dollars, aussi bien dire une poignée de change comparée à ce qui attend Volks chez nos voisins du sud.
Ailleurs dans le monde
La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre et très rapidement le monde entier a pris conscience de l’ampleur de cette fraude. L’Allemagne, la Suisse, La Corée du Sud et l’Australie ont ouvert des enquêtes. La France a demandé une enquête aussi et a réclamé que les pays membres de la communauté européenne emboîtent le pas. Très rapidement le nombre de véhicules touchés est passé à 11 millions à travers le monde. L’action de Volks a perdu 21,67 % de sa valeur à la bourse de Francfort lundi dernier et un 17 % supplémentaire le lendemain. Du jamais vu dans les 78 ans d’histoire de la compagnie. Mais ce scandale a aussi éclaboussé tout le monde automobile. Elle a effacé en deux jours l’équivalant de 25 milliards de dollars de sa valeur au livre. À travers le monde, la majorité des constructeurs ont aussi perdu des plumes en bourse.
Arrêt des ventes au Canada et aux États-Unis
À l’exception du Touareg, tous les modèles Volkswagen avec moteur Diesel de 4 cylindres ( le Touareg est équipé d’un V6 Turbodiesel) ne sont plus vendus depuis lundi sur le territoire canadien et toutes traces de ces modèles ont été effacées du site internet de la marque. Les modèles déjà en concession doivent y rester tant au Canada qu’aux États-Unis. Il sera également interdit de vendre des modèles 2016 tant et aussi longtemps que Volks n’aura pas rencontré les certifications au chapitre des émissions polluantes. En plus d’un arrêt des ventes et des amendes de l’EPA, le ministère de la Justice américaine a ouvert une enquête criminelle contre le constructeur allemand. Des enquêtes qui ont récemment coûté 900 millions de dollars à GM la semaine dernière et 1,2 milliard à Toyota il y a un an et demi. Et ceci sans parler des la multitude de recours collectifs qui s’engage tant sur le territoire américain que chez-nous.
Va-t-il y avoir un rappel ?
La question est légitime et la réponse compliquée. Il n’y a aucune pièce fautive dans ce dossier, il s’agit d’une fraude de la part de Volkswagen. Un rappel touche généralement un élément de sécurité de la voiture qui pourrait potentiellement mettre la vie des occupants en danger. Les modèles touchés par ce scandale sont sécuritaires et il n’y a pas de problème à faire de la route. Donc, un rappel n’est pas nécessaire. Si l’EPA et environnement Canada juge que le taux de pollution est intolérable, on pourrait pour des raisons environnementales rappeler les véhicules. Les organismes responsables du respect des normes antipollution pourraient aussi demander à Volkswagen d’installer un logiciel conforme aux normes en vigueur et ainsi rappeler les véhicules. Mais attention, les spécialistes s’accordent à dire qu’un logiciel plus performât pourrait réduire de près de 20 % les performances du moteur 4 cylindres Diesel en raison d’un convertisseur catalytique plus efficace. Il risque d’avoir beaucoup de propriétaires qui ne se présenteront pas chez le concessionnaire pour changer ce logiciel.
Est-ce que Volkswagen est le seul fautif ?
Dans la foulée de ce scandale, le gouvernement américain s’est demandé si d’autres constructeurs auraient pu contourner les tests comme l’a fait Volkswagen. Des tests sur des véhicules déjà en circulation produits par d'autres constructeurs sont actuellement menés par l'EPA) et la CARB (son homologue californienne). Le gouvernement n’a pas divulgué la liste des compagnies visées, mais il s’agit de voir qui fait des 4 cylindres Diesel pour le marché américain et vous aurez votre réponse.
D’autres questions que l’on doit se poser
Naturellement, ce scandale ouvre la porte à une multitude de spéculations et de théories. Il faudra de longues et coûteuses enquêtes pour faire la lumière. Dans l’immédiat, il faut se demander si le scandale touche uniquement l’Amérique du Nord, ou si Volks a employé la même ruse sur d’autres marchés. Le 4 cylindres TDi est-il le seul moteur visé ou y a-t-il d’autres moteurs Diesel sur cette liste. Est-ce que d’autres compagnies autres que Volkswagen auraient pu fabriquer un logiciel capable de déjouer les tests antipollution.
L’Allemagne inquiète
Le gouvernement qui a fait montre d’une grande transparence depuis le début de l’enquête est pourtant inquiet. L’industrie automobile est le moteur économique de l’Allemagne. Au-delà de Volkswagen, il faut penser à BMW, Audi, Porsche et Mercedes-Benz. Des centaines de milliers d’emplois directs dépendent du secteur automobile et la perte de confiance des acheteurs pourrait signifier un ralentissement important dans ce secteur. Le gouvernement allemand a déjà annoncé des « tests approfondis » sur tous les modèles diesel de la marque Volkswagen, pour déterminer si des données sur les émissions polluantes ont également été faussées ailleurs, notamment en Allemagne.
Des solutions à de futurs problèmes
Nous avons mentionné plus haut que ce sont les constructeurs qui sont responsables de faire eux-mêmes les tests de conformité aux normes antipollution. Il faut savoir que l’autoréglementation n’a jamais fonctionné dans le monde automobile et comme les organismes qui sont chargés de faire appliquer la loi ne vérifient que 15 à 20 % des résultats fournis par les constructeurs, il y a des failles énormes dans le système. Un scandale aussi gros met ses lacunes en lumière. Il faudrait à l’avenir que l’EPA, son homologue californien le CARB et environnement Canada se chargent de tous les tests. Ce serait une manière efficace de rayer de paysage un autre problème comme celui-ci.
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