J’anticipais depuis plusieurs semaines un premier week-end de congé, au moment où je recevais de la part de Volkswagen une invitation à assister à une des quatorze épreuves du championnat mondial de rallye de la WRC, qui avait cette fois lieu du côté de l’Argentine. Impossible d’y résister, alors j’accepte avec joie. Et pour le week-end de repos…eh bien…ça allait être partie remise !
Je ne m’y connais que peu en rallye. Oh certes, les voitures me sont familières, ainsi que le nom de quelques célèbres pilotes, comme Sébastien Loeb. Mais là s’arrête mon expertise sur la question. J’allais donc découvrir dans ce périple un monde qui m’était en grande partie inconnu.
Pourquoi pas chez nous?
Des quatorze rallyes mondiaux, dix ont lieu en Europe. Les autres se déroulent en Australie, en Chine, au Mexique et en Argentine. Et chez nous? Rien. Un non sens compte tenu de la richesse des sites que l’Amérique du Nord pourrait offrir à ce genre de rallye. Hélas, l’intérêt du grand public ne semble pas y être.
Après de longues heures de vol, nous voilà débarqués dans la ville de Cordoba, située dans les montagnes, à mi-chemin entre Buenos Aires et Santiago. L’environnement y est chaleureux, mais j’anticipais une plus grande frénésie face à cet événement. En fait, l’esprit festif de la course n’avait lieu que dans une partie isolée de la ville, où se trouvaient les garages et installations des différentes équipes de course. C’est du moins l’impression que j’allais avoir, laquelle allait changer plus tard au cours du week-end.
Après obtention de la passe média, nous nous dirigeons directement dans les installations de Volkswagen, qui possèdent trois Polo dans la compétition. Au moment de notre arrivée, les voitures se pointent une à une dans les garages pour une première période d’entretien chronométrée, suite à une première épreuve.
Le son qui donne le ton !
Devant notre écran, on peut être impressionné par le rendement ces bolides, mais le seul fait de vibrer au son de ces mécaniques est une expérience complètement différente, mais dans les garages. Cela donnait d’ailleurs le ton sur la poussée d’adrénaline que j’allais vivre au cours du week-end.
À proximité des voitures dans les garages, on peut rapidement comprendre que dans ces courses, rien n’est laissé au hasard. Une grande équipe s’affaire à gérer la préparation et la mise en scène des trois voitures qui, au cours du week-end, devront franchir une douzaine d’étapes de rallye. De cette équipe, seuls quatre mécanos attitrés par voiture ont droit de toucher les bolides. Le chronomètre numérique fixé au mur, bien en évidence, leur met une forte pression sur les épaules, afin que ceux-ci puissent au meilleur de leur expertise, les préparer adéquatement. 90 minutes sont autorisées pour la préparation des véhicules avant la première épreuve, 60 pour une vérification de mi-temps, et 30 minutes pour une vérification et un bon nettoyage en fin de journée. Une seconde de plus, et la FIA applique une sanction.
Dans les garages, tout est soigneusement organisé et ergonomiquement disposé. On y retrouve notamment des gens pour la gestion des pneus et de roues, pour les pièces et l’entretien et pour l’évaluation technique du comportement des voitures. D’autres se chargent des véhicules de chasse (des Golf R), de l’évaluation des circuits, du suivi des règlements, des médias. À cela s’ajoute bien sûr un groupe responsable de nourrir et d’accueillir l’équipe dans un salon spécialement aménagé, où se retrouveront aussi les pilotes après une journée mouvementée. À ma grande surprise, Volkswagen a même recours aux services d’un météorologue qui, grâce à une expertise et un équipement à la fine pointe de la technologie, pourra prédire avec exactitude les conditions dans lesquelles les voitures courront. Cela permettra notamment de déterminer à l’avance le choix des pneumatiques.
Il faut comprendre que ces garages sont montés sur place de façon temporaire, tout comme la totalité des installations nécessaires au déroulement de ce rallye. Chaque équipe est responsable de ses installations, ayant droit à un espace prédéterminé. Pour Volkswagen comme pour les autres équipes principales, tout l’équipement se transporte par bateau, à l’intérieur de huit conteneurs qui, lorsque vidés, se transformeront en bureau, en atelier technique et en salle média. En fait, il n’y a que les voitures qui seront transportées par avion, celles-ci devant arriver sur place d’avance pour être inspectées de fond en comble par des membres de la FIA.
Pas de Mitsubishi, ni de Subaru
Aussi curieux que cela puisse paraître, ni Mitsubishi pas plus que Subaru ne participent aux championnats de WRC. Ces deux constructeurs reconnus pour les performances de leur bolide en WRC n’y sont plus depuis plusieurs années. Aujourd’hui, Ford, Hyundai, Citroën et Volkswagen sont les constructeurs les plus actifs.
Depuis 2012, Sébastien Ogier sur Volkswagen Polo domine la WRC, se méritant chaque fois le titre du championnat mondial. Ayant comme idole un autre pilote français, Sébastien Loeb, qui a pour sa part remporté sur Citroën le championnat mondial à neuf reprises en autant d’années, il domine aussi le championnat actuel. Les autres pilotes du team Volkswagen sont aussi parmi les plus efficaces du circuit. Par exemple, Jari-Matti Latvala s’est mérité l’an dernier la seconde place au championnat, alors qu’Andreas Mikkelsen, jeune et fringant, se méritait la troisième place. Ce dernier avait d’ailleurs un grand fan-club féminin parmi la foule, un peu comme s’il s’agissait d’une star du rock.
Vous aurez donc compris que Volkswagen domine largement le circuit depuis quelques années. Toutefois, Hyundai Motorsports se fait plutôt menaçant cette saison, notamment grâce au talent de Haydon Paddon.
Assister à un stage
Selon plusieurs, le fait que le rallye soit impopulaire en Amérique du Nord serait attribuable à l’impossibilité de suivre l’évolution d’une course sur un circuit en tant que spectateur. En Nascar, par exemple, ceux-ci auront les yeux sur les voitures pour une majeure partie de la course et auront le privilège de voir les bolides courir devant eux à chaque tour. En rallye, c’est une autre histoire. En fait, le public ne paie pas pour assister à la course. On se faufile à travers champs et boisés pour bien se positionner devant une jonction du circuit, afin de bien voir passer les bolides, qu’une seule fois, et souvent à des vitesses folles. Parfois, un battement de cils suffit pour manquer la voiture, non pas sans l’avoir entendu !
Puisque l’épreuve argentaise avait l’an dernier donné lieu à un sérieux accident, mettant en danger la vie des spectateurs, les autorités choisissaient cette année de renforcer la sécurité. Par conséquent, l’accès aux différents circuits était plus difficile, ce qui allait nous contraindre à n’assister qu’à une seule épreuve par jour. Il fut une époque où nombre de spectateurs étaient blessés, voire tués, ceux-ci ayant été happés par des voitures en perte de contrôle aux abords des circuits. Aujourd’hui, plusieurs téméraires risquent encore leur vie à quelques pieds de la ligne de passage des voitures, mais le contrôle est nettement plus sévère.
Ambiance folle
La première des deux épreuves auxquelles j’allais assister allait se dérouler le soir. Un long trajet d’autobus sur des routes difficilement praticables allait nous mener vers un circuit de sable, parfois boueux, où l’accès était complexe. Arrivé sur place, la frénésie de la foule était palpable. Celle-ci allait d’ailleurs rapidement devenir contagieuse, puisqu’après quelques minutes, je ne m’en pouvais plus d’attendre le début du spectacle. Des voitures de tête équipées de sirènes et de gyrophares allaient effectuer un tour pour annoncer le début de la compétition. Or, sans même qu’on s’en aperçoive, le soleil allait pendant l’attente disparaître complètement, si bien qu’à la venue des premières voitures, il nous était pratiquement impossible de les identifier. Sales, très rapides et affublées de feux à projecteurs hyper puissants, il fallait réellement avoir l’œil aguerri pour déterminer s’il s’agissait d’une Fiesta, d’une Hyundai i20 ou d’une Volkswagen Polo. Cela dit, le seul fait de voir dans la noirceur ces bolides atteindre les 130-140 km/h sur un petit circuit technique aussi boueux que tortueux allait nous en mettre plein la vue. Quant aux amateurs et photographes trop près du circuit, ils allaient goûter à la médecine d’une douche de boue bien froide !
Jour 3
Pour assister à l’ultime étape de rallye, nous allions nous lever à l’aube pour se rendre loin dans les montagnes, dans un environnement franchement magnifique. Le roc, la boue et les pentes abruptes n’allaient pas nous rendre la tâche facile, surtout à une heure où la rosée était responsable d’un sol complètement humide et hélas, parsemé de ce qu’on appelle là-bas des crêpes de prairie (lire excréments d’animaux sauvages).
J’allais néanmoins découvrir que la passion de la course de rallye est non seulement très populaire en Argentine, mais qu’elle donne aussi lieu à la fête. Et pour cause, plus de 88 000 spectateurs étaient déjà sur place à notre arrivée, une grande partie d’entre eux ayant choisi d’y passer la nuit, souvent avec des installations sommaires, voire folkloriques. Nous allions vite découvrir que pour plusieurs, ce week-end constituait une vacance incontournable. Plusieurs avaient aussi choisi de débuter la fête bien avant le déroulement de la course, avec des boissons qui n’avaient rien à voir avec le café matinal.
Travaillant d’arrache-pied pour nous trouver un trou de visibilité dans cette mer de gens, nous allions malheureusement devoir composer avec une contrainte météo qui allait nous faire rater la plus grande partie du spectacle. Pas de pluie, pas de neige, mais une brume si intense qu’elle allait nous empêcher de voir les voitures passer devant nous. Oh certes, nous allions les entendre, mais impossible, même de très près, de percevoir ne serait-ce que l’ombre d’une voiture. Comment les pilotes faisaient-ils donc pour conduire en de pareilles conditions, à des vitesses folles? En entrevue, Sébastien Ogier allait évoquer une certaine témérité, attribuant toutefois une grande partie du mérite à son copilote, Julien Ingrassia. À son tour, Julien allait nous confier n’avoir eu qu’une visibilité d’environ 25 à 30 mètres sur le circuit, un véritable cauchemar.
Il faut mentionner que cette étape se déroule sur un circuit extrêmement dangereux, d’une distance de 16,32 kilomètres, où se multiplient les murs de roc, les bosses et les virages, sur une surface très dense en pierres de grosse taille.
Retour au bercail
Ce circuit de 16,32 kilomètres allait être parcouru à deux reprises au cours de la journée par chacun des pilotes. Nous avions donc assisté à l’avant-dernière étape pour ensuite revenir aux garages, où on allait diffuser plus tard les images de la dernière course filmées par hélicoptère. Entre temps, plusieurs milliers d’amateurs s’étaient rués sur le site du rallye où se trouvaient bien sûr les garages de chaque équipe, mais aussi une foire comportant plusieurs kiosques. J’allais donc en profiter pour me rapporter un petit souvenir de la WRC, tout en découvrant une vingtaine de voitures de collection évoquant le passé glorieux de la WRC. Citroën Vista, Renault 5 Turbo 2, Toyota Celica GT-Four et Lancia Delta Integrale se retrouvaient donc sur place, toutes alignées pour mon plus grand plaisir.
Après quoi, j’allais retourner au garage pour assister sur écran à l’ultime étape qui allait déterminer le champion de l’épreuve argentaise. Tous les gens de Volkswagen étaient rivés sur ces images qui allaient hélas une fois de plus démontrer des problèmes pour Latvala (victime d’un captage au cours du week-end), ainsi que les prouesses de Sébastien Ogier. Toutefois, le grand vainqueur allait pour une première fois se trouver du côté de Hyundai, avec Haydon Padden, jeune néo-zélandais très fier de sa performance. Et pour cause, il avait battu Sébastien Ogier pour cette seule épreuve par près de 11 secondes, un véritable exploit.
Le grand respect
Bien sûr, il était ironique de voir le visage un brin atterré des responsables des relations publiques de Volkswagen, devant une première défaite en saison, alors qu’ils avaient bien voulu nous y inviter pour une première fois. Remarquez, ce n’était rien de dramatique, considérant la confortable avance qu’ils possédaient au niveau du championnat mondial. Mais ceux-ci auraient bien aimé qu’on l’on puisse avoir un peu plus le cœur à la fête.
Voisins des garages de Volkswagen, on pouvait entendre les gens de Hyundai fêter leur victoire. Un à un, les membres de l’équipe Volkswagen allaient ainsi faire quelques pas pour les féliciter de leur victoire, les retrouvant par la suite dans le pub le plus branché de la ville jusqu’aux petites heures. C’est d’ailleurs ainsi que j’ai pu découvrir parallèlement qu’il existe, malgré un fort esprit de compétition, une grande fraternité entre les équipes qui, tout compte fait, partagent une passion commune.
Mon voyage allait donc se terminer ainsi. Ironiquement, juste avant de reprendre l’avion pour le retour, qui allait se retrouver devant moi au contrôle de sécurité? Le grand champion, Hayden Paddon ! Avec moi, Thomas Tetzlaff, responsable des relations publiques pour VW Canada, allait donc en profiter pour le féliciter à son tour, le suppliant toutefois de ne plus recommencer ce genre d’exploit (sourire en coin), alors qu’il portait fièrement un chandail à l’effigie de Volkswagen !